JACMEL, 18 Octobre – La Constitution de 1987 prône la Décentralisation du pays.
Qu'est-ce que la Décentralisation ? On ne sait trop. Les pouvoirs publics semblent même la confondre avec Déconcentration, comme depuis l'administration de René Préval : ouvrir des bureaux multiservice dans toutes les villes importantes combinant tous les services publics les plus sollicités : impôts, passeports, permis, état civil etc.
Mais rien à voir avec la Décentralisation qui est le sommet du système démocratique : transmettre aux départements, communes, collectivités territoriales, tous les pouvoirs qui leur sont nécessaires pour une meilleure gestion non seulement administrative mais également économique, politique et culturelle de leur région.
Or à ce niveau Haïti a toujours été un pays Décentralisé. Oui, jusqu'à l'Occupation américaine (1915-1934) qui a cassé les pouvoirs locaux (ou plutôt dynasties locales) pour placer le pays sous la coupe du pouvoir central, c'est-à-dire Port-au-Prince.
Il est vrai aussi Décentralisé jusqu'à l'extrême : la Division. L'Eclatement. Il est même arrivé que nous ayons eu trois gouvernements : Nord, Ouest et Sud. Et conséquemment trois présidents de la République. Et aussi trois Armées.
Ce qui a été bien entendu l'une des causes (entre autres) de l'instabilité qui a débouché sur l'occupation militaire américaine.
Mais aujourd'hui les observateurs ont réalisé que pour faire renaître notre pays, il est nécessaire de faire revivre les régions.
La Constitution en vigueur le reconnaît.
Mais quoi faire ?
Les gouvernement successifs ne veulent pas lâcher prise. Aussi est-ce à dessein qu'ils font semblant de confondre la Décentralisation avec la Déconcentration. C'est pour ne pas lâcher le Pouvoir (avec un grand P). Le pouvoir central et centralisateur.
Et puis Décentraliser quoi ? La misère noire, les campagnes dénudées ?
Mais un grand malheur est arrivé. Le 12 janvier 2010 un tremblement de terre détruisit Port-au-Prince la capitale, la capitale tentaculaire, faisant pas moins de 250.000 morts et réduisant en ruines le centre-ville.
Les plus fortunés se réfugient dans les hauteurs environnantes, Pétionville, etc. Mais ne tardant pas à être rejoints par les masses abandonnées à elles-mêmes.
N'est-ce pas l'occasion idéale de refaire l'Histoire ?
La Décentralisation, pour réussir, devrait commencer, on s'en rend enfin compte, par la base. Par le social. Par l'individu et non le gouvernement. C'est la société qui est à la source de la Décentralisation, la ville est née avant la nation, l'Etat apporte les éléments indispensables : les infrastructures de base (routes, ports et aéroports, hôpitaux, éducation) ainsi que la sécurité des vies et des biens.
Et, mine de rien, le processus est en marche à nouveau chez nous.
De plus en plus de citoyens se déplacent vers l'intérieur du pays. Pour commencer le week-end et les jours de congé. Puis pour leurs vacances.
Peu à peu on prend goût et plus d'un décide d'y établir résidence.
Nous voici donc reconvertis, si l'on peut dire malgré nous, à ce qui constitue la base de la Décentralisation dans les pays où elle existe véritablement : le citoyen. Le résident local. A la fois consommateur, producteur, contribuable et aussi un électeur.
Voici donc un mouvement qu'il importe d'encourager si l'on veut sortir du marasme dans lequel on est plongé. Et de plus en plus tous, tant que nous sommes. Et sous une forme ou une autre. Si ce n'est financièrement, c'est de ne pouvoir mettre le nez dehors à cause de l'insécurité qui nous guette partout étant obligé de nous concentrer tous dans un mouchoir de poche.
Sans oublier évidemment la diaspora haïtienne qui ne demande pas mieux. Ainsi que les nombreux étrangers à la recherche aussi d''un coin tranquille à la campagne.'
Ainsi donc le rôle des pouvoirs publics est d'ouvrir le pays par tous les moyens de transport existants, de procéder à un réaménagement du territoire pour promouvoir le système de la résidence secondaire qui fait la fortune des pays comme la France où le tourisme à la fois intérieur et extérieur constitue la principale richesse nationale.
Une fois les régions régénérées avec du sang neuf, le pays gagnera économiquement bien sûr, mais la richesse nationale sera dès lors aussi mieux répartie et mieux partagée, politiquement le vote sera nationalement plus équilibré et partant la participation électorale plus élevée, et enfin une meilleure distribution des chances sur le territoire national donnera un citoyen meilleur. Et partant de meilleurs gouvernants. Si Dieu veut !
Haïti en Marche, 18 Octobre 2015