Reprenons le problème à zéro !

MIAMI, 29 Avril – Première image. Nous engageons notre vieille camionnette sur la route de montagne qui traverse aujourd’hui le territoire sous occupation par le chef de gang surnommé Krisla afin d’éviter le tohu-bohu de la route nationale cela jusqu’à la commune de Carrefour, porte d’entrée dans la partie sud du pays …

Que voyons-nous ?
C’est une véritable armée de gosses, presque nus, dégringolant des hauteurs, et qui se précipitent vers nous la main tendue.
Image frappante.

Autant de fillettes que de garçons, mais difficiles à distinguer les uns des autres tellement ils sont nombreux et tous pareils.

Quoiqu’on ne se sente nullement en danger mais on s’empresse de s’éloigner tellement l’image est choquante.

Or justement cela nous ramène on ne sait trop pourquoi quelques années en arrière. Flashback. Nous sommes au temps de Baby Doc. 22 septembre, anniversaire de l’arrivée au pouvoir du régime Duvalier. Le jeune dictateur doit accomplir la tournée obligatoire en ville mais la population n’est pas motivée.

Alors, tenez-vous bien.

Alors on lève l’interdiction qui pèse sur le bidonville le plus vaste de la capitale, Cité Soleil aujourd’hui (et hier Cité Simone Duvalier), l’interdiction faite à ces près d’1 million de pauvres hères de sortir dans les rues de Port-au-Prince est levée pour quelques heures, les tontons macoutes ont ce jour-là pour ordre formel de les laisser gagner la capitale. Et à quelles fins ?

Pour applaudir au passage du cortège présidentiel, Baby Doc jetant des poignées de monnaie (cinquante ‘kobs’) par la fenêtre de sa Mercedes.

Mais aussitôt le président rentré dans son palais, les rues reprennent leur allure normale.

Sauf l’odeur qui empoisonne l’atmosphère jusqu’à la fin de la journée.

La même odeur quasi pestilentielle que nous allons retrouver quelques 30 ans plus tard dans les mornes dont nous parlions tout à l’heure.

Vous avez donc compris d’où viennent les gangs …

Pas les chefs non mais la multitude de bambins armés jusqu’aux dents et des armes les plus modernes qui nous tuent, nous violent, nous violentent sans pitié, nous chassent de nos maisons puis les incendient après les avoir pillées …

Mais ce n’est pas tout. Qui brûlent aussi les écoles … mais qu’ils n’ont jamais pu fréquenter, même les hôpitaux, c’est pareil, jusqu’aux églises …

Bien sûr s’il n’y avait pas les armes, direz-vous.

S’il n’y avait pas d’abord ceux qui les ont sortis de la montagne pour les armer à leurs propres fins, politiques ou/et économiques.

Mais aujourd’hui que faire ?

Qu’allons-nous faire ?

Papa Doc a su s’en tirer. C’est le corps des ‘tontons macoutes’. Ou plutôt en les dressant les uns contre les autres.

Mais n’est pas Papa Doc qui veut !

Tandis que tous les successeurs n’ont fait que jouer avec le feu. Autant le pouvoir Lavalas dans les bidonvilles que les militaires qui l’ont renversé avec l’aide des FRAPH de Toto Constant puis les blousons dorés du PHTK etc.

Tout le monde a utilisé la même arme : et c’est la misère atroce des masses. Pour ne pas dire cela depuis les débuts de notre histoire nationale si l’on pense aux Piquets et aux Cacos …

Pour aboutir aux gangs qui tiennent actuellement le pays, mais bien nous tous en otage.

Une chose est certaine et c’est la seule : c’est qu’on ne sait quoi faire, comment nous débarrasser de ces véritables monstres, oui monstres puisqu’il n’y a aucun dialogue possible avec.

Et on vient de voir pourquoi.

Mais c’est d’abord pour n’y avoir aussi jamais pensé, eh oui.

Est-ce trop tard ?

Apparemment on n’a pas les mêmes critères d’appréciation. Comment peut-on brûler un atelier d’art, un ‘gingerbread’ ces jolies bâtisses témoins de la haute culture de notre pays ?

Allez donc le dire à Lanmò San Jou ou Ti Makak ou autres.

Donc dialogue, zéro.

Alors ne resterait-il qu’une solution, ne nous reste-t-il qu’une solution : la bombe atomique ?

Mais nous ne l’avons pas.

Ou plutôt ce n’est pas à nous d’en décider.

Nous voici donc, oui c’est pourquoi nous sommes aujourd’hui : faits comme un rat. ‘No way out !’

Et que la seule chose qui pourrait encore nous rester : c’est peut-être commencer par le commencement.

Comme on disait en classe (puisque nous au moins on a eu la chance d’y avoir été) : eh bien oui c’est reprenons le problème à zéro.

Qu’en pensez-vous ?

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 29 Avril 2025