Lundi 12 Janvier 2015
Frères et Sœurs en la Patrie Commune,


J’ai volontairement observé un silence stratégique pendant ces dernières semaines. J’ai préféré d’un côté laisser une opportunité a ceux qui se battent sincèrement avec moi pour l’établissement d’un état de droit dans le pays, de l’autre permettre l’étalement des jeux dilatoires et meurtriers, alors que le destin de la patrie était laissé de coté.
Aujourd’hui, face à la catastrophe imminente qui se précise, j’ai décidé de rompre le silence pour crier haut et fort ma colère, mes inquiétudes et mon indignation devant cet assassinat programmé et annoncé des bases essentielles de notre dignité et de notre souveraineté.
Il va de soi que les problèmes haïtiens doivent être résolus par les Haïtiens. Mais internationaliste par formation, par conviction et par réalisme, je crois en la fécondité des relations interétatiques. Le dialogue entre les peuples, dépouillé des séquelles d’une volonté de domination, devra alimenter et canaliser une diplomatie ouverte, sérieuse, professionnelle.
Ainsi, au nom du peuple haïtien, je réclame de nos voisins proches ou de nos partenaires éloignés, respect et compréhension! Je demande à la communauté internationale en général et à l’ambassade américaine en particulier de ne pas nous imposer des solutions ou des initiatives qu’elles n’accepteraient pas chez elles.
J’élève ma voix pour protester contre cette suggestion à peine voilée, de violer notre charte fondamentale.
Il est minuit moins cinq à l’horloge du pays car à partir du 12 janvier aucune décision ne peut être adoptée par l’Exécutif ou par le Parlement qui ne soit en accord avec la Constitution (amendée ou non). Comment dans l’espace-temps qui reste, un Parlement pourra-t-il, après s’être remis en Assemblée Nationale, permettre à la chambre des Députés de se réunir pour ratifier le choix d’un Premier Ministre et d’un gouvernement dit de consensus, voter les amendements à la Loi Electorale avant même la formation d’un nouveau CEP ? Un programme herculéen impossible à réaliser sinon dans une vaste opération de bâclage qui ne tient pas compte de la dignité des parlementaires et dont le but évident est de tromper les citoyens. On ne peut faire en 24 h ce qui aurait du être réalisé en 3 ans et demi.
Aucune torsion ne peut combler ce trou béant adroitement creuse.
Maintenant qu’elle s’impose, il n’y a pas d’alternative à une décision courageuse : constater la faillite d’une politique, la caducité de toutes les institutions exécutives et législatives, en conséquence préparer une alternative sérieuse, responsable pour remettre les pendules à l’heure, organiser des élections inclusives et incontestées, préparer une Constitution qui allie le réalisme fonctionnel et la nécessité de balises juridiques efficaces pour éviter les dérives.
Femmes d’Haïti, engagez-vous par vous-mêmes dans l’action politique dont l’image et les revers vous dissuadent encore.
Vous, représentants du secteur privé des affaires, grands entrepreneurs ou chefs de petites et moyennes entreprises ; Vous, religieux de différentes confessions, vous, Jeunesse du pays qui représentez plus de 40% de la population, Jeunesse impatiente et exigeante avec raison ;
J’adresse un appel patriotique sincère à toutes ces forces vives du pays et je les invite à sortir de cette léthargie qui les paralyse ; à combattre toute acrobatie tendant à colmater les brèches à notre loi fondamentale. Il faut qu’enfin triomphe l’Etat de Droit qui implique la soumission à la loi des gouvernants et des gouvernés. Il y a une autre façon de faire de la politique.
L’équipe qui nous dirige doit constater sa faillite, et tirer la reverence; alors unis en un seul corps nous entamerons ensemble la reconstruction de notre pays.
Mirlande Manigat
Secrétaire générale du RDNP, membre fondateur du MOPOD