Parmi les photographes de presse, il était sans doute le meilleur. Sachant dégager la note sensible de chaque scène de la rue, Thony avait une particularité bien à lui. Et cela se ressent dans ses photos.


Et pourtant il était malade, très malade. Souffrant d’une tumeur maligne du cerveau, il avait subi une première lobotomie, grâce au concours de son ami de toujours, le journaliste français-corse Dominique Levanti et directeur du bureau de l’AFP en Haïti pendant de longues années, décédé lui aussi voilà déjà quelques années.
Et sans doute rien n’a jamais plus été pareil pour Thony depuis la mort de Dominique. Pourtant nous ne l’avons jamais entendu se plaindre.
Aussitôt posé le diagnostic concernant Thony, Levanti avait pu arranger pour lui un voyage de santé en France où il a été opéré. Mais Thony ne s’en était pas sorti indemne. Et finalement il perdit l’usage de la parole.
Et quand il réalisait que son interlocuteur ne comprenait pas, Thony demandait une feuille de papier, et sans complexe, il rédigeait ce qu’il voulait vous dire.
La mort de Thony est un grand choc pour tous ceux qui l’ont côtoyé. C’est qu’on s’était habitué à son état. Il était de toutes les manifestations, de tous les spectacles de rue et aussitôt après, en vrai professionnel, il nous envoyait son document photographique à notre adresse courriel. Car Thony était aussi l’un des photographes de Haïti en Marche. Nos lecteurs le connaissent et le regretteront probablement beaucoup.
Son dernier reportage remonte seulement au vendredi écoulé 19 juillet lors de la marche contre le mariage homosexuel convoqué par des organisations religieuses et des sectes réformés.
Le photojournaliste Thony Bélizaire avait reçu, en 27 juin 2007, le premier prix dans la catégorie professionnelle d’un concours de photographie, organisé par le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP). Les photos, présentées par Thony, avaient été prises, pour la plupart, à Cité Soleil. Il faisait ressortir les problèmes liés surtout à l’environnement, à la pauvreté et au proxénétisme.
Thony Bélizaire avait aussi reçu le Prix Jean Dominique pour la Liberté de la Presse décerné cette année-là par SOS Journalistes.
Thony, tu nous manqueras beaucoup. Et surtout tu resteras un exemple pour beaucoup de jeunes et de moins jeunes. Ne jamais se laisser aller au découragement, quel que soit l’infirmité ou le coup dur.

 

Elsie Ethéart