Le premier ministre haïtien Laurent Lamothe a annoncé, dans la nuit de samedi à dimanche, sa démission et celle de son équipe, un peu plus de 24 heures après que le président Michel Martelly, dont la démission est également réclamée quotidiennement par des milliers de manifestants, eut fait savoir dans une adresse à la nation, que son chef de gouvernement avait accepté de partir, pour favoriser une issue à la crise politique.
Toutefois, Michel Martelly n'avait pas dit quand exactement Lamothe partirait, et comptait probablement, selon une source proche du gouvernement, que le premier ministre expédierait les affaires courantes pour un temps indéterminé, puisqu'il estimait "compliqué de respecter à la lettre le calendrier proposé par la commission présidentielle consultative, beaucoup de points ne dépendant pas du président".
Cependant pressuré par les manifestations-monstre et aussi par des secteurs internationaux dont le gouvernement américain, qui lui auraient fait savoir, ainsi qu'au chef de l'Etat, qu'il n'y a pas de sursis et qu'il devait partir tout de suite, Laurent Lamothe a dû vite s'exécuter.
Selon des sources, l'administration américaine aurait pesé sur l'accélérateur, après les déclarations pro-Lamothe de Bill Clinton, dont on dit qu'elles visaient à saper les efforts de John Kerry qui a dû annuler vendredi une visite en Haïti. Les deux hommes auraient un contentieux depuis les primaires démocrates musclées de 2008, ayant mis face à face Barack Obama et Hillary Clinton.
Laurent Lamothe a déclaré partir avec un sentiment que « nous avons fait tout ce dont nous étions capable pour le pays ... et
nous avons engagé ce pays dans une dynamique de mutation profonde et de changements réels au bénéfice de la population. »
Toutefois, ce ne semble pas l'avis d'un large secteur de la population. En témoignent les manifestations fleuves organisées ces derniers mois contre les deux chefs de l'Exécutif, accusés par les manifestants d'avoir appauvri le pays, liquidé ses ressources minières et vendu d'importantes portions de terre dans différentes régions du pays.
Samedi encore, lors d'une manifestation qui a rassemblé une dizaine de milliers de personnes, des participants ont fait savoir que la situation socio-économique n'avait jamais été aussi difficile et qu'ils n'avaient jamais vu un tel apartheid, une petite clique composée de membres et de proches du pouvoir concentrant tous les moyens économiques, et pénalisant tous ceux qui ne sont pas du même bord ou qu'ils considèrent comme des adversaires politiques. AHP