LE RAPPORT DES EXPERTS DE L’ONU
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Le rapport final du groupe d’experts sur Haïti a été soumis au Conseil de Sécurité des Nations-Unies. Dans une copie parvenue à la Rédaction, plusieurs personnalités haïtiennes dont l’ex-Président Michel Martelly ont été épinglés, pour leur implication dans le financement des gangs en Haïti. Dans ce rapport de 158 pages, le Conseil indique que « l’influence des politiciens et des acteurs financiers sur les activités des gangs est de nature systémique ».
New York, le 19 octobre 2023.- Dans ce rapport daté du 15 septembre 2023, le groupe d’experts souligne que « Michel Martelly, président de 2011 à 2016, s’est servi des gangs pour étendre son influence dans les quartiers afin de faire avancer son agenda politique, contribuant ainsi à un héritage d’insécurité dont les effets se font encore sentir aujourd’hui ».
Le Groupe d’experts indique avoir reçu des informations selon lesquelles, pendant son mandat, le chanteur du groupe « Sweet Micky » a financé plusieurs gangs, tels que Base 257, Village de Dieu, Ti Bois et Grand Ravine, notamment en leur fournissant des fonds ou des armes à feu.
D’après plusieurs sources, M. Martelly a, selon le rapport, créé la Base 257, qui a été financée et armée au fil du temps pour empêcher les manifestations contre le pouvoir à Pétion-Ville, notamment à partir de 2014. « Ce gang est régulièrement mêlé à des meurtres, des enlèvements, des vols et au trafic de drogue », poursuit le rapport.
Le groupe d’experts souligne également que « L’ancien Président haïtien est passé par des intermédiaires, notamment des fondations ou des membres de sa garde rapprochée, pour établir des relations et négocier avec d’autres gangs.»
« Ainsi, Arnel Joseph, l’ancien chef du gang de Village de Dieu, a déclaré qu’il s’entretenait régulièrement avec un intermédiaire travaillant dans l’unité de protection rapprochée de M. Martelly, ajoutant que cet intermédiaire lui donnait des armes à feu et d’importantes sommes d’argent », ont rappelé les experts dans ce document volumineux.
Le rapport a cité également Ti Lapli, l’un des chefs actuels de Grand Ravine, qui, dans une vidéo, a expliqué que l’ancien Président a remis à Tet Kale (ancien chef de Grand Ravine) un fusil Galil 5,56 mm appartenant à la police et un fusil de même type à Chrisla, chef du gang Ti Bois.
Quant à Reynold Deeb, le Groupe d’experts affirme avoir des preuves selon lesquelles, il finance des membres de gangs pour protéger son entreprise et assurer le transport des marchandises qu’il importe.
En 2017, selon le rapport, M. Reynold Deeb, Directeur général du Groupe Deka, un important importateur de biens de consommation, qui fait l’objet de sanctions par un État Membre, a payé un chef de gang afin de pouvoir mener ses activités dans l’un des principaux ports.
« Plus récemment, d’après plusieurs sources indépendantes, M. Deeb a utilisé des membres de gangs pour faire pression sur certains douaniers du port afin que ses conteneurs ne soient ni inspectés ni interceptés, ce qui lui a permis d’éviter certains droits d’importation », lit-on dans ce document.
Le groupe d’experts précise que « comme le G9 contrôle la zone autour du port de l’Autorité Portuaire Nationale et les routes qui y mènent, M. Deeb, à l’instar d’autres grands importateurs, paie les gangs pour que sa marchandise passe par leur territoire ».
Les experts qualifient « d’affairiste »,Reynold Deeb qui, rapportent-ils, a profité de la forte demande de produits alimentaires, pour soudoyer des députés, qui ont ensuite payé des chefs de gangs pour que ceux-ci dispersent les manifestants, et débloquer les rues afin de permettre l’entrée de ses marchandises dans le pays.
Pour Youri Latortue, le groupe d’experts de l’ONU affirme qu’il exerce un contrôle considérable sur la vie politique et économique du département de l’Artibonite, notamment par le recours à des gangs, comme Raboteau, qu’il finance et arme.
« Plus récemment, des sources confidentielles ont dit que M. Latortue avait également financé le gang Kokorat Sans Ras, un groupe extrêmement violent du département de l’Artibonite, en collusion avec Raboteau », ont écrit les experts de l’ONU.
Le document précise que l’ex-Président du Sénat haïtien a eu recours à des gangs pour assurer sa protection rapprochée et détruire des biens. Le Groupe d’experts informe avoir récemment reçu une vidéo dans laquelle Barbecue, le Chef de gang du groupe G-9, a déclaré que M. Latortue lui avait remis 30,000 dollars.
De son côté, l’ancien député Prophane Victor a été épinglé en raison des liens avec des gangs dans le département de l’Artibonite. «Pour assurer son élection en 2016 et son contrôle sur la région, M. Victor a commencé à armer des jeunes de Petite Rivière, qui ont ensuite formé le gang Gran Grif, actuellement le plus important du département de l’Artibonite et principal responsable des violations des droits humains, y compris de violences sexuelles », ont précisé les experts dans ce rapport.
Selon le document, l’ancien parlementaire a continué à soutenir Gran Grif jusqu’en 2020, date à laquelle le gang et lui se sont brouillés à la suite de promesses non tenues faites pendant la période électorale. « Depuis, il soutient des gangs rivaux et des groupes d’autodéfense dans la région », poursuit le Groupe d’experts.
Ce dernier souligne que « les politiciens et les élites économiques en Haïti, qui souhaitent obtenir des votes ou protéger leurs biens, paient généralement les gangs en nature ou en espèce ». Une pratique qui, selon eux, a progressivement enrichi les gangs et leur a donné plus de pouvoir.
D’après le Groupe d’experts, « certaines de ces relations ont peut-être évolué au fil du temps du fait de plusieurs facteurs, notamment les récentes sanctions unilatérales visant des personnalités politiques et économiques ainsi que le retard des élections et des campagnes politiques correspondantes, qui ont généralement pour effet de renforcer les liens entre politiciens et gangs ».
Luckson SAINT-VIL
Vant Bèf Info (VBI)