Par Francklyn B. Geffrard, Editorial Rhinews.com - MIAMI, mardi 20 août 2024 – L’heure est grave pour le journalisme en Haïti. Dans un pays où l’information est un enjeu crucial pour la survie de la démocratie, l’absence d’une régulation rigoureuse du secteur médiatique devient une menace réelle pour l’intégrité de la profession. L’institution d’une commission nationale de la carte journalistique professionnelle n’est plus simplement une option, mais une impérieuse nécessité pour sauvegarder ce qui reste de la crédibilité du journalisme haïtien.

Le contexte socio-économique actuel de notre pays est un terrain miné pour les journalistes. Ils sont nombreux à exercer dans des conditions précaires, avec des revenus insuffisants pour subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Ce contexte difficile favorise, malheureusement, des dérives dangereuses. Des journalistes, pressés par la nécessité ou attirés par le gain facile, se laissent entraîner dans des pratiques douteuses. Certains se trouveraient associés à des groupes d’intérêts privés, voire à des réseaux criminels. Ces pratiques sapent la confiance du public dans les médias et alimentent la méfiance à l’égard de l’information. La création d’une Commission nationale de la carte journalistique professionnelle permettrait de remédier à cette situation en établissant des critères stricts pour l’obtention de cette carte, assurant que seuls les professionnels respectant les normes éthiques puissent exercer.

Par ailleurs, il est indéniable que le manque de formation adéquate est un autre mal qui gangrène notre profession. Trop de journalistes en Haïti ne disposent pas de l’encadrement nécessaire pour aborder leur métier avec la rigueur et l’éthique que requiert la fonction. Comment peut-on exiger de la qualité et de l’intégrité dans un contexte où la formation est aussi lacunaire ? Une commission nationale de la carte journalistique professionnelle pourrait imposer des standards de formation et encourager l’amélioration continue des compétences des journalistes. Ce serait un pas décisif vers la professionnalisation du secteur.

Aujourd’hui, le titre de “journaliste” est galvaudé. N’importe qui peut se déclarer journaliste sans pour autant disposer des qualifications requises. Cette situation ne peut plus durer. Elle met en péril non seulement la crédibilité des journalistes eux-mêmes, mais aussi leur sécurité, surtout dans un pays où les journalistes sont régulièrement la cible de menaces. Une commission nationale pourrait changer la donne en s’assurant que la carte journalistique soit un symbole de professionnalisme, un gage de qualité reconnu de tous.

La corruption et les dérives éthiques ne sont pas des phénomènes isolés dans notre presse. La collusion entre certains journalistes et des acteurs politiques ou économiques est un poison lent qui détruit la confiance du public. Il est de notre devoir de faire face à ce fléau. En établissant des règles claires et en veillant à leur stricte application, une commission nationale de la carte journalistique professionnelle pourrait contribuer à restaurer la confiance du public dans notre presse.

Enfin, il ne faut pas sous-estimer l’impact que cette commission pourrait avoir sur la sécurité des journalistes. Trop souvent, ces derniers sont victimes d’intimidations et de pressions pour se conformer aux exigences de tel ou tel groupe d’intérêts. Il est temps que cela cesse. Une commission nationale pourrait offrir un cadre réglementaire protecteur, permettant aux journalistes d’exercer leur métier en toute indépendance et en toute sécurité.

Il est grand temps que nous prenions nos responsabilités pour protéger et valoriser notre profession. L’instauration d’une commission nationale de la carte journalistique professionnelle n’est pas une option, c’est une urgence. Il en va de l’avenir du journalisme en Haïti, de notre capacité à informer, à éclairer le public, et à jouer notre rôle dans la construction d’une société plus juste et plus démocratique.

Pour concrétiser ce projet, il est indispensable de mobiliser divers secteurs et acteurs clés. Le gouvernement, par le biais de plusieurs ministères, dont celui de la Communication, de la Justice, et de l’Éducation Nationale, aurait un rôle fondamental à jouer dans la supervision, l’élaboration du cadre législatif, et la mise en œuvre de cette commission. Les organisations professionnelles de journalistes et les fédérations de médias, de leur côté, devraient être pleinement impliquées pour assurer que les critères d’éligibilité à la carte reflètent les réalités du terrain. Les institutions académiques, notamment les universités et écoles de journalisme, seraient également sollicitées pour définir les standards de formation.

Il ne faut pas oublier le rôle des organisations de la société civile, en particulier celles qui défendent les droits de l’homme, pour veiller à ce que la commission soit orientée vers la protection des droits des journalistes et la promotion de la liberté d’expression. Les experts en médias et communication, consultants et chercheurs, pourraient enfin apporter des analyses et recommandations précieuses pour structurer et orienter les travaux de la commission.

La mise en place d’une telle commission nécessite un cadre juridique solide, une constitution équilibrée et représentative, et des procédures claires pour l’attribution de la carte journalistique. De plus, il est essentiel de prévoir des initiatives de formation et de sensibilisation pour assurer que les normes définies par la commission soient bien comprises et respectées par les journalistes.

La création d’une commission nationale de la carte journalistique professionnelle en Haïti est un projet ambitieux mais essentiel. Elle représente une réponse adéquate aux défis actuels du secteur médiatique, en renforçant la crédibilité, l’éthique, et la sécurité des journalistes, tout en contribuant à une meilleure information du public haïtien