Obama : tant de nos héros à réhabiliter !
KENSCOF, 12 Avril – La Premier ministre de la Jamaïque, Portia Simpson Miller, demandant à Barak Obama, le premier noir élu président des Etats-Unis de réhabiliter Marcus Garvey, intellectuel et héros de la lutte pour l’égalité des noirs avec les blancs dans ce pays et un natif de la Jamaïque.
Marcus Garvey avait été condamné aux Etats-Unis pour ‘mail fraud’ (fraude postale), un délit peu usité, et à ce titre déporté dans son pays natal, la Jamaïque.
Le révolutionnaire d’avant-garde (et en quelque sorte d’avant la lettre) qu’on reconnaît en lui avait peut-être utilisé la boite aux lettres d’un autre pour essayer de semer la police fédérale.
Cependant à l’indépendance de la Jamaïque (ancienne colonie britannique), en 1962, Marcus Garvey a été déclaré héros national par la nouvelle nation.
Aussi pour la Premier ministre Portia Simpson Miller, demander sa réhabilitation à Obama (rencontrant à Kingston les pays de la Caricom le jeudi 10 avril écoulé), vu que Marcus Garvey est considéré également aux Etats-Unis aujourd’hui comme l’un des plus grands noms de la lutte pour les droits civiques qui sera couronnée en 1968 avec la signature du Civil Rights Act à la Maison Blanche par le président Lyndon Johnson en présence du Pasteur Martin Luther King, reconnaissant aux Afro-américains les mêmes droits qu’à leurs compatriotes de souche européenne, et en tant que premier membre de la communauté Afro-américaine élu numéro 1 de la nation étoilée, cela ne peut laisser l’actuel occupant de la Maison blanche indifférent.
Quid de Charlemagne Péralte ? …
Mais et nous Haïtiens, n’aurions-nous pas nous aussi quelque héros national qui mérite qu’on sollicite aussi sa réhabilitation de la part des Etats-Unis ?
Les Etats-Unis se sont bien excusés pour les natifs du Japon qui avaient été enfermés dans de véritables camps chez eux pendant la Guerre du Pacifique.
Or justement alors que nous commémorons cette année le centenaire du commencement de l’occupation américaine d’Haïti (1915-1934), quid de Charlemagne Péralte ?
Chef d’une guérilla qui s’était opposée à cette occupation du territoire national, Charlemagne Péralte a été poursuivi sans relâche mais il a été impossible aux Marines de le vaincre.
Alors l’occupant eut recours à la ruse. Péralte a été trahi par un de ces lieutenants, un certain Conzé (Jean Baptiste Conzé), qui a vendu le secret de sa cachette aux militaires américains en novembre 1919 pour une somme de 2.000 dollars américains et un poste dans la nouvelle garde nationale.
Le sacrifice du Vendredi saint …
Le cadavre mutilé du chef guérilla haïtien a été ensuite exposé sur une place publique à la Grande Rivière du Nord, étonnamment dans une posture rappelant le sacrifice du Vendredi saint.
Mais aujourd’hui la nation haïtienne le vénère au même titre que les héros qui nous donnèrent notre superbe indépendance de nation dès 1804.
Justement à l’occasion du centenaire cette année du début de l’occupation américaine (1915-1934), pourquoi ne pas demander aussi aux Etats-Unis la réhabilitation de notre Charlemagne Péralte ?
Les Etats-Unis vénèrent tous ceux qui ont lutté pour l’indépendance de leur nation, et aussi pour la conserver. Jusqu’aux attentats terroristes du 11 septembre 2001.
Péralte n’avait rien fait d’autre.
A quand un ‘Viva Dessalines !’ …
Tout comme le Mexique pourrait demander aussi la réhabilitation de l’un de ses héros les plus célèbres, Emiliano Zapata.
Celui-ci a été lui aussi trahi par un de ses proches, un aventurier venu des Etats-Unis pour noyauter la lutte mexicaine vers une véritable indépendance.
Cependant on pourrait considérer que Zapata a déjà été réhabilité lorsque Marlon Brando accepta de l’incarner dans le célèbre film de Elia Kazan ‘Viva Zapata’ (1952).
On pourrait demander aussi à la France la réhabilitation de notre libérateur, Jean-Jacques Dessalines, que l’historiographie française s’obstine, plus de 200 ans plus tard, à présenter comme un cannibale parce qu’il avait ordonné le massacre des anciens colons alors que la France a fait bien pire avant de se résigner à abandonner ses ex-colonies. Jusqu’à la Guerre d’Algérie (1954-1962).
Cependant aucun cinéaste haïtien ne s’est encore intéressé à faire pour Dessalines ce que Brando-Kazan a fait pour Zapata …
Ni non plus pour Péralte en ce centenaire du début de l’occupation de 1915.
Et le film Toussaint Louverture qui plait tant à nos congénères d’Afrique, avec dans le rôle principal l’acteur haïtien de Hollywood, Jimmy Jean-Louis, est d’un réalisateur franco-sénégalais, Philippe Niang !
Marcus - Haïti en Marche, 12 Avril 2015