JACMEL, 22 Mai – Une nouvelle génération est entrée en scène aux dernières présidentielles en 2010-2011. La tendance se confirme aujourd'hui. C'est la disparition des leaders historiques, ceux qui ont occupé l'estrade au lendemain de la chute de la dictature Duvalier en 1986.
Aujourd'hui le champ électoral rassemble l'héritage de tout ce qui a précédé, y compris la période dictatoriale.
D'un côté les enfants des temps tumultueux du Lavalas, ou le pouvoir sorti de la base. Mais aujourd'hui disséminés sous des étiquettes diverses, constamment en complet veston, bon chic bon genre. Le parti d'origine, Fanmi Lavalas, existe toujours et a son candidat officiel, Dr Maryse Narcisse, mais déserté par plus des trois quarts des anciens lieutenants et sous-lieutenants du président Jean-Bertrand Aristide qui soit se sont mis à leur propre compte, sont candidats au nom de leur propre organisation, soit comme des samouraïs reconnus pour leur expérience dans le combat politique prêtent leurs services à d'autre prétendants au trône. Tel un notaire Jean-Henry Séant. Ou le sénateur Moïse Jean-Charles. Tous deux sortis de la souche principale du Lavalas.

'La haine d'Aristide' ...
Du côté de l'ancienne opposition anti-Lavalas (car pendant au moins deux décennies la lutte s'est circonscrite à cela : Lavalas – anti-Lavalas ; ou comme disait feu Hervé Denis, homme de théâtre passé à la politique : 'l'opposition n'a qu'un seul programme : c'est la haine d'Aristide'), eh bien de ce côté aussi c'est aujourd'hui le même cas de figure.


Les leaders historiques ou sont morts comme l'ex-président Leslie Manigat, Gérard Pierre-Charles, René Théodore (y compris les victimes du séisme de 2010 comme les regrettés Micha Gaillard, Hubert Deronceray, Georges Anglade ou Magalie Marcelin etc), moment pour nous de réaliser quelle hécatombe cela a été, ou ont passé la main comme un prof. Victor Benoit, actuel ministre des affaires sociales, mais comme une façon de prendre sa retraite de la politique.

Un 'chapeau légal' ...
Mais l'ancienne opposition ne survit pas moins dans la bataille actuelle. D'abord en son nom propre : Sauveur Pierre-Etienne, ex-bras droit de Gérard Pierre-Charles (OPL), Edmonde Beauzile (Fusion), Duly Brutus, réfugié sous un quelconque pavillon d'emprunt, du genre que Aristide traitait ironiquement de 'chapeau légal', Samuel Madistin, rescapé du MOPOD, à moins que ce soit ce dernier le rescapé etc ...
Mais tout comme Lavalas, l'ancienne opposition qui se recrutait surtout, du temps de la guerre ouverte avec le Lavalas, dans les milieux dits des classes moyennes, universitaires et professionnels, aujourd'hui voit elle aussi ses propres enfants faire résolument bande à part.
Les milieux professionnels remplissent la majorité des postes de candidats : avocats, médecins, universitaires, enseignants et, signe des temps, de plus en plus d'entrepreneurs et de gens de médias.

Ni à droite ni à gauche ...
Voilà aujourd'hui le milieu de terrain, ce qu'on appelait autrefois dans la politique française le marais, une sorte de centre qui n'est orienté ni à droite ni à gauche, un certain centre droit, mais qui ne se reconnaît aucune affiliation idéologique, pour qui la querelle Lavalas anti-Lavalas c'est de l'histoire ancienne et relevant du moyen-âge de la vie politique haïtienne.
Pourquoi on y trouve aussi sans aucun état d'âme des survivances du duvaliérisme, disons du jean-claudisme mais qui peuvent même s'en réclamer, dans les circonstances actuelles, sans hésitation. Rappelons que Baby Doc n'a pas été épargné non plus par la grande faucheuse. Venu terminer ses jours en Haïti après un exil de 25 ans en France. Et déjà oublié. En effet, le 22 mai, une des dates symboliques du duvaliérisme, n'a donné lieu cette année à aucune manifestation de la part des disciples de l'ancien régime.
Et comme pour mieux dédramatiser la situation, l'ex-président Aristide et leader dit charismatique du Lavalas, se terre, dans sa grande résidence de Tabarre, depuis son retour d'exil en 2011.

Et enfin opportuniste sur les bords ...
Outre qu'il vienne de tous les horizons qui ont marqué la politique haïtienne depuis un demi-siècle, et même avant puisqu'on y trouve des rejetons de leaders de la révolution de 46 ou triomphe de la tendance noiriste (tel une Mme Danielle Saint-Lot) ainsi que de celle de 1957 avec Papa Doc (comme un Gonzague Day ou une Joséphat Raymond etc), le portrait robot de notre candidat aux présidentielles de 2015 se distingue d'abord par sa non-affiliation à aucune idéologie, pas plus nationale que internationale, une sorte de réconciliation de tous les contraires, y compris non seulement le Lavalas anti-Lavalas mais aussi faisant un trait sur la lutte menée pendant les trente ans de dictature duvaliériste.
L'ennui est que ça fait beaucoup trop de monde pour un petit bulletin de vote.
Réconciliation oui, mais très individualiste et opportuniste sur les bords.

Marcus - Haïti en Marche, 22 Mai 2015