JACMEL, 11 Novembre – Le seul endroit où Donald Trump pouvait être élu chef de l'Etat c'est encore les Etats-Unis.
En effet, sauf en Russie et aussi en Israël, dans toutes les autres nations on a voté (théoriquement bien sûr) contre l'arrivée à la présidence du milliardaire américain.
Mais pour utiliser une paraphrase, 'Rome t'a choisi'. Force est donc de faire avec.
Le président provisoire d'Haïti, Jocelerme Privert, a envoyé un télégramme, au lendemain des présidentielles américaines, au nouvel élu pour lui présenter des félicitations et souhaiter que les relations entre les Etats-Unis et Haïti soient des meilleures pendant les 4 années à venir.
Mais quoi de plus ?
Cela va être un tournant délicat pour notre pays parce que personne en Haïti, comme ailleurs dans le monde, ne s'attendait à cette situation. On a tous été 'trump-és.' Trump à la Maison Blanche, c'est la grande inconnue.

Diplomatie et commerce ...
Pour commencer, en quoi consistent les relations entre Haïti et les Etats-Unis ?
Elles comprennent principalement deux niveaux : diplomatie et commerce.
Diplomatie, ou plus exactement politique. Parce que ce sont des relations d'une superpuissance à un petit pays, donc difficilement égales (comme dit mieux encore le créole : 'egal ego').


Et comme le prouve mieux encore cette dernière épreuve de force, vécue cette année même, pour asseoir un peu la volonté populaire nationale face à la décision de l'administration américaine d'imposer les résultats d'élections, organisées l'an dernier (2015), et déclarées frauduleuses par une commission de vérification indépendante.
En guise de représailles, Washington décida d'abord de ne pas aider financièrement à la reprise des élections. Puis pour se raviser devant la situation catastrophique provoquée par le passage du terrible ouragan Matthew.

La famine nous menace dans les 3 mois à venir ...
Nous parlons des élections qui auront lieu dimanche prochain, 20 novembre (présidentielles et législatives partielles).
On pourrait donc presque dire que c'est grâce à Matthew si l'entrée à la Maison blanche de Donald Trump ne coïncide avec un des moments les plus difficiles de la diplomatie haïtiano-américaine.
Quoi qu'il en soit il faut s'attendre à un bouleversement total au Département d'Etat, qui a été occupé il n'y a pas longtemps, ne l'oublions pas, par la rivale même de Mr Trump aux élections, l'ex-Secrétaire d'Etat Hillary Clinton ...
Et comme partout dans le monde, nous aussi en Haïti en ressentirons les secousses au niveau des diverses représentations diplomatiques américaines dans notre pays.
Or nous avons aujourd'hui besoin plus que jamais de la compréhension de celui qu'on appelle ordinairement 'le grand voisin'.
L'ouragan a affecté 4 départements géographiques, dont trois (le grand Sud) sont parmi les plus importants au niveau de la production vivrière.
La famine nous menace dans les mois à venir.

'Scratch my back' ...
Nous allons avoir nous aussi bientôt à Port-au-Prince un nouveau pouvoir élu, mais qui va arriver de toute évidence les mains nues et sans une alternative véritable.
Tandis qu'à Washington c'est également la grande inconnue.
Combien de temps cela prendra-t-il pour recoller les morceaux ?
Haïti doit donc être prête à se serrer pour encore plus longtemps la ceinture.
La diplomatie c'est également un réseau de connaissances bien établi de part et d'autre.
Le 'scratch my back ...' (gratte moi le dos, je te gratterai le tien) de rigueur.
Or combien chez nous qui ont déjà leur entrée dans l'entourage du nouvel élu américain ?
De manière effective. Pas du piratage ou relations mensongères déguisées en 'lobbyisme'.
Parfois bien difficiles à éviter en pareil cas.
Aussi bien chez nous que sur les bords de la rivière Hudson.
Oui, ils sont déjà là, tapis dans l'ombre. Pas vrai ?

Jamais une bonne nouvelle pour les luttes populaires ...
Mais de plus, on sait par expérience que toute domination Républicaine à Washington, comme c'est aujourd'hui le cas où avec la Maison blanche, le Grand Old Party détient aussi la majorité qu'il avait déjà dans les deux chambres du Congrès (Sénat et Chambre des représentants), cela n'a jamais été une bonne nouvelle pour les luttes populaires en Haïti ...
Depuis la dictature Duvalier jusqu'au coup d'état de 2004 renversant le second gouvernement Aristide et introduisant la force militaire internationale.

Chasser les immigrants et rapatrier les emplois ...
Le second niveau des relations entre les Etats-Unis et Haïti c'est l'économie.
Ou appelons-le par son nom, le COMMERCE. En tout et pour tout.
Les Etats-Unis sont notre premier partenaire commercial.
Le second c'est notre voisine la République dominicaine.
Mais non point partenaire au sens (pour reprendre le créole) 'egal ego.' Car c'est déjà l'autre (la superpuissance) qui fixe les prix (puisque nous autres, sommes contraints à pratiquer la taxation zéro pour les produits importés, en tête le riz qui constitue chez nous le plat dominant), or c'est aussi elle qui conditionne notre marché de l'emploi, donc le pouvoir d'achat, et c'est encore elle qui influence les institutions de crédit pouvant nous dépanner (Banque mondiale, Banque interaméricaine etc).

HELP, HOPE ...
Pour finir, les Etats-Unis sous la présidence Clinton, puis sous celle d'Obama ont reconduit certains accords (HELP, HOPE) qui permettent l'entrée aux Etats-Unis d'une catégorie d'articles pré-assemblés chez nous sans payer de droits de douane. Officiellement dans le but d'attirer en Haïti des investissements créateurs d'emplois.
On n'a pas encore eu les résultats escomptés, soit.
Mais l'une des priorités du président Donald Trump est de ramener aux Etats-Unis les emplois.
Chasser les immigrants et rapatrier les emplois partis vers des salaires moins élevés à l'extérieur.
Donc ici également c'est le 'wait and see'. On verra bien. Ou comme dit plutôt l'haïtien : 'Si bon Dye vle.'
Oui, veillez et priez.
Bien sûr, cela ne suffit pas.

Haïti en Marche, 11 Novembre 2016