Une tâche pour les jeunes

PORT-AU-PRINCE, 5 Novembre – Le vol American Airlines débarque à l'heure. Le Boeing 737 est plein à ras bord. Oui, à près de 100 pour 100, de citoyens américains.
Des missionnaires, direz-vous. Sûrement pas des touristes mais des volontaires qui viennent prêter main forte dans la réparation des malheurs faits par l'ouragan Matthew qui a laminé notre pays les 3 et 4 octobre derniers.
Nous avons engagé la conversation. Ils n'ont pas la dégaine classique de ce qu'un vocable local désigne habituellement comme missionnaire, mais appartiennent à un mouvement de volontaires fonctionnant sur la même base que Médecins du monde ou Médecins sans frontières.
En effet, en majorité des jeunes hommes et jeunes femmes, ils ont fait connaissance pour la première fois à l'aéroport de Miami.
En effet, ils viennent de différents Etats américains. Dans notre rangée de siège, nos deux camarades venaient de débarquer l'une de Georgia et l'autre de l'Illinois.
Ils attendent une fois sur place en Haïti de recevoir leur ordre de mission.
Ils sont donc ainsi plusieurs centaines de jeunes gens qui débarquent dans notre pays pour apporter leur contribution, pendant quelques jours, sur une base de roulement, dans la tâche de réhabilitation après les dégâts immenses faits par l'ouragan.
Et ils ne viennent probablement pas uniquement des Etats-Unis.
Les premiers arrivés, rappelons-nous, ont été une brigade médicale cubaine spécialisée dans la lutte contre les infections qui se multiplient toujours en pareil cas.

Mais où est la jeunesse haïtienne elle-même ? ...
Or rappelons-nous aussi que nous avons déjà vécu des circonstances similaires au lendemain du séisme qui a détruit entre autres la capitale haïtienne en janvier 2010, faisant environ 200.000 morts et 1,5 million de sans abris.


Selon des statistiques d'organismes spécialisés, les dégâts de l'ouragan Matthew touchent plus de 2 millions de compatriotes, mettant 1,4 million en urgence extrême.
Outre des pertes matérielles de l'ordre de 2 milliards de dollars, selon les finances publiques haïtiennes.
Mais première question ? où est la jeunesse haïtienne elle-même ?
Des appels isolés d'institutions d'enseignement ou syndicales ou autres mais aucun mouvement d'envergure, ni d'envergure nationale n'a encore été lancé.
Après le séisme de 2010, on vit s'élever un grand mouvement de solidarité mais qui, à cette époque aussi, n'a pas bénéficié d'un encadrement national, celui-ci nécessaire dans un pays où la politique a pris le pas sur la motivation sociale, ou même sociétale. Et quelle politique !
Dans un pays surtout où les grands élans de solidarité nationale ont été sévèrement réprimés, stoppés net (par exemple au lendemain de la chute de la dictature sanglante des Duvalier, 1986), de peur que la révolution internationale (à l'époque, le communisme) ne s'en empare.

 

Un défi d'abord pour la société civile ...
C'est donc plus encore qu'à l'Etat, à la société civile (entendez par là mouvements religieux, civiques, tout ce qui touche la population au plus profond) qu'il reviendrait d'en faire en ce moment l'essentiel de sa mission.
C'est un grand défi, mais qui ne semble pas avoir encore effleuré notre esprit, nos grands esprits !
Mais au-delà de nos jeunes, il y a aussi le comportement de ceux-là mêmes qui bénéficient de ce mouvement humanitaire international.
Parce que le peuple lui non plus n'y comprend goutte.
Ainsi en janvier 2010 on vit des volontaires internationaux en train de débarrasser des décombres des maisons de particuliers pendant que ces derniers restent assis à regarder.
Probablement parce que rien ne leur avait été expliqué.
On ne peut uniquement compter sur l'Etat, dont nous ne connaissons que trop les faiblesses, quelque bonne volonté qu'il puisse y mettre à l'occasion. Mais son rôle n'est pas non plus de garder toute l'initiative par devers lui, que de lancer de nouvelles pistes.
A cet égard, on nous apprend que lors du passage dans notre pays du cyclone Hazel (1954, au moins 1.000 morts) ce sont les Scouts et Guides d'Haïti qui ont joué le rôle que viennent remplir aujourd'hui dans la Grande Anse ces brigades de volontaires internationaux.
Alors ?

Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince