PORT-AU-PRINCE, 24 Août – Y en a que pour l’Ile-à-Vache. Aéroport international, chaine d’hôtels, plages, terrains de golf et condominiums. Et bien entendu appel à investisseurs.
Le premier ministre y est retourné la semaine dernière pour le lancement ‘des travaux d’infrastructures … pour un projet de développement touristique de grande envergure’ (HPN).
Son commentaire : « c’est un grand jour pour le tourisme et pour tous les Haïtiens qui désirent voir leur pays atteindre un niveau international … ».
A quoi la ministre du Tourisme, Stéphanie Balmir Villedrouin, renchérit : « l’Ile-à-Vache sera la première destination touristique du pays, la plus belle de la Caraïbe. »
Tant mieux. Seulement on a une impression de déjà vu. Sinon déjà entendu.
En effet, qu’est-il advenu de Jacmel pour lequel les mêmes épithètes, les mêmes superlatifs ne suffisaient pas il y a si peu ?
L’Ile-à-Vache monte, Jacmel fait du surplace, du ‘kilomètre zéro’ (pour répéter Dominique Batraville) s’il n’est pas bloqué.
Marketing au coup par coup ? …
Le Gouvernement dispose-t-il d’une sorte de boite-à-musique qu’il dépose partout où il va ?
Et à chaque étape, ‘mesdames et messieurs, maintenant nous allons écouter l’autre bord de la plaque’ comme disait un animateur du siècle dernier.
Entre-temps, l’aéroport international de Jacmel pour lequel les fonds étaient disponibles (juraient les mêmes autorités sur la tête de leurs mandants !) n’a pas encore reçu le premier coup de pioche.
Les grands projets d’infrastructures : le front de mer ou ‘Malecon’ (pour répéter le président Michel Marchely), le centre de convention international, le grand hôtel etc, tous des chantiers que la poussière commence à recouvrir.
Le Gouvernement a-t-il un plan global de développement touristique (comme on voudrait le croire, et comme il en existe un depuis longtemps dans les tiroirs) ou fait-il du marketing au coup par coup ?
Ce sont ses propos qui le font croire. Tous ces mêmes superlatifs qui reviennent à chaque nouvelle destination font par trop du baratin de marchand de tapis.
‘Paradis fiscal’ …
Ce n’est pas pour ignorer les avantages des uns comme des autres.
L’Ile-à-Vache a pour elle que c’est une localisation refermée sur elle-même. Meilleure sécurité. Population moindre. Pauvreté sous contrôle. Une Punta Cana haïtienne.
On peut rêver d’un Freeport, Bahamas. Hôtels-casinos. Marinas. Etc.
Par contre, difficile d’en faire la ‘première destination touristique’ même d’Haïti. Et les ’12 plages’ identifiées ne sauraient être que des mouchoirs de poche.
Certes l’Ile-à-Vache peut même devenir un ‘paradis fiscal’ à l’instar d’un Grand Cayman, et c’est peut-être là l’objectif d’un gouvernement qui cherche par tous les moyens à attirer le grand capital.
Mais Haïti n’est pas un casino flottant comme tant d’autres dans la région, nous avons certes beaucoup plus : des plages de sable blanc à l’infini comme Port-Salut (Sud) ou Cormier (Nord), ou de sable gris comme Petite Rivière de Nippes (du département éponyme), Ti Mouillage (Jacmel), on a du frisson garanti pour les alpinistes du dimanche (Haïti, vocable indien pour terre montagneuse) contrairement à nos voisins de l’autre côté qui le disent seulement pour varier le menu. Etc.
La proie pour l’ombre …
Bref malgré les singularités (y compris historiques : les galions chargés d’or et de pierres précieuses du corsaire Henry Morgan y auraient coulé à pic en 1688) de ce confetti (15 km de long et 5 de large), flottant à 10 km au sud-est des Cayes, chef lieu du département du Sud, pas de ‘vacheries’ inutiles à l’égard des autres. Justement c’est parce que Haïti a tant à offrir qu’on ne sait par quel bout la prendre …
Mais attention à ne pas lâcher la proie pour l’ombre. Sinon on ne travaille pas véritablement pour un tourisme haïtien durable, alternatif et capable de faire profiter tout le pays en mettant celui-ci en valeur sous toutes les formes, mais plutôt pour quelque lobby affairiste (spécialistes en sanctuaires pour capitaux et capitalistes) soigneusement camouflé dans les plis et replis du grand mouvement touristique mais sans véritable lien avec celui-ci.
Il faut probablement les uns comme les autres. Mais aussi chaque chose à sa place. Ne pas confondre une machine-à-sous et le tourisme comme véritable industrie nationale.
Tout comme Labadie (ou ‘Labady’), autre enclave touristique, ‘is great’ pour les recettes publiques mais n’est pas la solution pour exploiter la diversité à la fois culturelle et géographique du pays.
Et faire que vraiment ‘tout moun jwenn.’ Traduisez, au bénéfice de tous.
Haïti en Marche, 24 Août 2013