PORT-AU-PRINCE, 23 Décembre – En Haïti tous les mythes sont tombés de leur piédestal.
Ce n’est pas seulement en politique et dans les différents domaines de la vie sociale mais même les représentations les plus symboliques qui ne résistent pas à cet impitoyable coup de torchon.
Ainsi Tonton Noël en reçoit également pour son grade.


Au fur et à mesure que les ventes de fin d’année sur les étals de la Grand Rue, l’avenue commerciale la plus fréquentée, se réduisaient à une peau de chagrin au même rythme que l’amenuisement du pouvoir d’achat, c’est Père Noël qui se change en Père fouettard, pour ne pas dire en Tonton macoute.

 

‘Pouki Ton Nwèl !’ …
C’est la radio, le plus grand pourvoyeur d’hymnes de Noël, qui est l’instrument le plus direct pour évaluer le phénomène. Avec les nouveaux miracles de l’électronique, rapidement dominés par les jeunes, l’enregistrement d’une chanson n’a plus de secret. C’est donc une parole totalement libre (libérée) qui éclate aux quatre coins du cadran. Et du pays. Le Tonton Noël de notre enfance, barbe blanche et sa hotte pleine de cadeaux pour les enfants sages, n’est plus de mise. Finies les illusions. Pourquoi Tonton Noël ? ‘Pouki Ton Nwèl !’ Ne nous racontons pas d’histoires. C’est plus notre affaire ou alors qu’on nous prouve le contraire en changeant la situation pour les enfants de Cité Soleil, de Fonds Verrettes, des Gonaïves, dans tous les endroits les plus vulnérables.

 

Domaine du symbolisme …
Même si, au fond, cela peut sembler passer d’une illusion à une autre. Mais nous sommes dans le domaine du symbolisme, et même du fantasme, ne l’oublions pas.
En tout cas la mode s’impose au point que c’est aujourd’hui toute la nation qui communie et la chanson classique de Noël (genre ‘viens me voir en descendant du ciel’) sonne totalement ringard. Mathuzalem-éen. Comment a-t-on pu croire à de telles sornettes !
Non on n’y a jamais cru, la question n’est pas là, c’est toujours le reflet d’une époque. Et cette époque où la rêverie pouvait avoir beaucoup de prise sur notre imaginaire, à quelque catégorie sociale qu’on appartienne, ne résiste plus à la brutalité de notre quotidien de pays parmi les plus pauvres de la Terre.

 

Tuer les dieux ne suffit pas …
La vraie question c’est que cela ne s’arrête pas là parce que en même temps on est orphelins plus que jamais. Nous avons détruit nos dieux mais nous ne savons par quoi les remplacer car nous sentons encore au fond de nous le besoin de croire à quelque chose. En nous libérant nous nous enfermons encore plus … dans le vide. Les dieux sont morts mais nous voici encore plus seuls et désarmés. A l’heure où nous devons prendre un nouveau départ.
Mais n’est-ce pas la même interrogation dans Les Gouverneurs de la Rosée de Jacques Roumain ?
Tuer les dieux ne suffit pas. Faut-il encore construire l’homme nouveau.
C’est le défi vers lequel nous nous dirigeons aujourd’hui. Parce que nous n’y sommes point encore. On renonce aux illusions ou pas ?
Oui, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Le stade actuel est toujours encore trop celui du fatalisme.

 

Marcus-Haïti en Marche, 23 Décembre 2012