OEA magouille !
PORT-AU-PRINCE, 21 Juin – OEA ‘fake’, OEA magouille ce sont les mots sur toutes les lèvres après la visite d’une délégation de l’organisation hémisphérique (OEA / Organisation des Etats américains) pour rencontrer les protagonistes de la crise politique qui fait rage dans notre pays depuis plusieurs mois.
Délégation conduite par l’actuel président du conseil permanent de l’organisation, l’Américain Carlos Trujillo.
Or voici qu’on apprend que contrairement aux principes, la délégation de Mr Trujillo n’a pas reçu l’aval du conseil permanent de l’OEA pour sa visite en Haïti.
Il n’y a pas eu rencontre ni délibération au conseil permanent à ce sujet, c’est une décision unilatérale du représentant des Etats-Unis … et du Secrétaire général Luis Almagro.
Cela en réponse à une invitation du ministre haïtien des Affaires étrangères, Bocchit Edmond.
Invitation dont les autres membres du conseil permanent n’ont pas reçu copie.
D’où le terme de ‘magouille’ qui court les rues de la capitale haïtienne après la visite de la délégation de l’OEA, le mercredi 19 juin.
‘OEA magouille’, ‘OEA fake’, parce que supposément venue pour encourager le dialogue entre les protagonistes de la crise, la délégation repart sur l’impression d’être plutôt venue aider un allié en difficulté, le président haïtien Jovenel Moïse pour avoir pris parti dans la crise vénézuélienne en faveur de l’administration Trump contre le Venezuela du président ‘chaviste’ Nicolas Maduro, malgré l’aide en milliards de dollars apportée par le Venezuela à Haïti ces dernières années.
Le président haïtien Jovenel Moïse est accusé dans un rapport officiel de l’institution chargée du contrôle de l’utilisation des fonds publics en Haïti – la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif – de détournement de plus de 700 millions de dollars américains (33 millions de gourdes) tirés d’un fonds spécial d’aide vénézuélienne pour le développement (Petrocaribe), cela via une entreprise dénommée Agritrans ayant appartenu au sieur Jovenel Moïse avant son arrivée à la présidence du pays.
Quel était le but de la mission conduite par le représentant des Etats-Unis à l’OEA, Carlos Trujillo ?
Normalement une telle mission qui doit avoir d’abord l’approbation d’un certain nombre de pays et non être la démarche personnelle d’un seul représentant, que celui-ci soit celui des Etats-Unis - débouche sur la formation d’un groupe de travail pour monitorer la situation dans le pays en question, demander la formation d’une commission spéciale d’investigation, insister pour que le gouvernement en question fournisse des garanties de sécurité à ses contradicteurs et stipuler la mise en place d’un processus de dialogue véritable.
C’est l’approche qui a été adoptée ces derniers temps par l’OEA vis à vis, par exemple, de pays comme le Venezuela et le Nicaragua.
Cependant malgré que la crise politique menace de faire totalement disparaitre Haïti au plan économique, la délégation de Carlos Trujillo a montré tout de suite qu’elle est venue d’abord consolider la position du protégé de Donald Trump, pour services rendus dans la crise vénézuélienne, le président haïtien Jovenel Moïse.
D’abord en posant comme sine qua non : la présence incontournable de Jovenel Moïse au palais national de Port-au-Prince.
Quant au soupçon de détournement de fonds publics contenu dans le rapport de la Cour des comptes et réfuté par Mr Jovenel Moïse, la délégation de l’OEA aurait proposé la formation d’une commission internationale pour trancher sur la question. Ah bon !
Certains aussitôt se souviennent d’une mission d’investigation similaire lors des présidentielles de 2011 et qui avait abouti à imposer le candidat Michel Martelly dans les résultats du premier tour du scrutin à la place du candidat Jude Célestin qui devait aller au second tour avec Mirlande Manigat.
Pas étonnant alors que la délégation de l’OEA soit partie en laissant un nouveau slogan pour les milliers de manifestants qui arpentent depuis plusieurs semaines les rues de la capitale haïtienne : OEA fake. OEA magouille !
Haïti en Marche, 21 Juin 2019