Seuls les Haïtiens peuvent débarrasser Haïti du cholera
MIAMI, 25 Mars – Un article du New York Times (19 Mars 2017) intitulé : 'Après avoir introduit le cholera en Haïti, l'ONU ne peut pas rassembler l'argent pour le combattre.'
La maladie a déjà tué près de 10.000 personnes depuis qu'elle a été introduite en l'année 2000 par un bataillon de la force onusienne appelée Minustah (Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti).
En décembre dernier, le Secrétaire général de l'ONU a reconnu (enfin) la responsabilité de l'organisation internationale dans l'épidémie de cholera en Haïti. Il annonçait aussi un fonds de US$400 millions pour la combattre. Et en même temps fournir une assistance aux victimes.
Cependant le Secrétaire général Ban Ki-moon était à la veille de céder la place à son successeur.
Ce dernier, le portugais António Gutteres, ne semble pas autant considérer la question comme une responsabilité personnelle.
Selon le Times, comme les cotisations ne viennent pas comme on l'espérait, le nouveau Secrétaire général avait annoncé une décision pour inscrire les fonds promis, directement dans le budget annuel de l'ONU. Mais le délai du 6 Mars, qui avait été annoncé, est passé sans aucune décision à ce sujet.
Et le quotidien new-yorkais de poursuivre : les officiels onusiens se sentent obligés de remettre leur promesse au placard devant les difficultés financières auxquelles est confrontée l'organisation, face aux réticences de ses membres les plus puissants à payer leur cotisation, à commencer par les Etats-Unis d'Amérique avec une nouvelle administration qui a annoncé des coupes sombres (près de 25%) dans le budget diplomatique et de l'assistance internationale.
D'autres pays peuvent être réticents parce que ne sachant pas si l'argent sera utilisé effectivement pour l'objectif fixé.
On a l'expérience des milliards récoltés pour Haïti après le séisme du 12 janvier 2010 qui a détruit la capitale haïtienne et fait plus de 200.000 morts. Mais Port-au-Prince reste aujourd'hui pratiquement dans le même état.
Selon l'ONU, des 400 millions envisagés, il exige aujourd'hui seulement 2 millions disponibles.
Seulement 6 pays membres (sur un total de 193) ont répondu à l'appel. Ce sont la Grande Bretagne, le Chili, la France, l'Inde, le Liechtenstein et la Corée du Sud.
D'autres pays ont apporté des ressources dans la lutte contre le cholera, mais sans rapport avec le trust-fund onusien, ce sont principalement le Canada (US$4,6 millions), le Japon (2,6 millions).
Cependant au total cela représente une fraction de ce qui avait été envisagé par Ban Ki-moon.
La situation devient plus compliquée du fait que le plus grand bailleur de fonds traditionnellement pour Haïti, soit les Etats-Unis, est également la principale source financière pour les Nations Unies.
Du moins jusqu'à l'arrivée d'un certain président Donald Trump qui a décidé de réduire de près d'un quart le budget de la diplomatie pour augmenter celui de la machine militaire américaine.
Selon Ross Mountain, un vétéran des programmes d'aide pour les Nations Unies, 'le chiffre de US$400 millions recherché pour Haïti n'est pas énorme', mais ce sont les circonstances qui sont différentes.
Alors que faire ?
Le cholera a tué environ 10.000 personnes en Haïti et contaminé près de 800.000.
Rien qu'en février dernier, quelque 2.000 cas ont été rapportés, donc environ une centaine par semaine.
L'épidémie est propagée par les sources d'eau contaminée et l'insuffisance des structures sanitaires (latrines en plein air).
Aussi est-il étonnant et réellement scandaleux de voir, à l'occasion de la Journée mondiale de l'eau, le 22 mars écoulé, les Nations Unies en Haïti évoquer ces problèmes mais sans la moindre référence à l'épidémie de choléra, voire à sa propre responsabilité dans une maladie qui n'avait jamais existé en Haïti jusqu'au jour de juillet 2010 quand elle fit son apparition via les excréments déversés depuis un camp de casques venus du Népal (pays où le choléra est endémique) dans un cours d'eau alimentant le fleuve Artibonite, qui arrose la plus grande partie du pays.
Sous le titre, '42% des Haïtiens ont encore un accès limité à l'eau potable', l'ONU alerte sur le fait aussi que 'encore 7,6 millions d'Haïtiens manquent d'installations sanitaires pour assurer une bonne santé et la prévention des maladies hydriques', etc.
Rappelons pour bien saisir la gravité de ces chiffres, que la population haïtienne est estimée à quelque 11 millions, dont 10 millions en Haïti même.
Le texte des Nations Unies est bâti autour du thème : 'Pourquoi gaspiller l'eau ?' 'L'ONU met cette année en lumière le défi des eaux usées et les différents moyens de les réduire et les réutiliser.'
Très bien. Mais une chose est certaine : on ne doit plus compter sur les Nations Unies pour corriger le terrible mal qui nous est tombé dessus.
Encore une fois (et cela à chaque fois depuis plusieurs siècles, faut-il le rappeler), Haïti ne peut compter que sur elle-même pour effacer les torts qui lui sont faits. Massacre des populations autochtones, traite et esclavage, indépendance gagnée par ses seuls moyens, paiement d'une dette de l'indépendance qui affectera son développement, occupation pendant 19 ans par les Etats-Unis qui nous laisse une force d'occupation interne : une armée d'Haïti prête à renverser toute tentation ou tentative progressiste, et finalement l'appui indiscutable à une dictature de trente ans (1957-1986).
Et enfin l'aveuglement des politiciens haïtiens de tous bords créant la situation qui permet un retour de l'étranger. C'est l'arrivée en 2004 d'une force onusienne, la Minustah ou Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti. Toujours est-il que le nouveau Secrétaire général, António Gutteres, vient de donner son okay pour le retrait des forces militaires de l'ONU.
Cependant une fois ces dernières parties, et qu'il n'y aura plus de bataillons militaires étrangers en Haïti, on peut garantir qu'il n'y aura plus un mot non plus ni dans les couloirs de l'ONU, ni même dans la grande presse internationale de viols ou d'abus sexuels par des casques bleus. Ni non plus de l'introduction du cholera en Haïti.
Il est plus que temps pour les Haïtiens de réaliser que c'est à eux et à eux seuls qu'il revient de nous débarrasser du choléra.
Jusqu'à présent la responsabilité a été laissée à la seule ONU. Y compris par ceux qui manifestent contre cette dernière, hélas.
Haïti (et nous n'osons pas dire le gouvernement haïtien) devra trouver elle-même la solution.
Bien entendu avec un support international mais c'est le pays qui doit s'engager en premier lieu et pleinement.
Mais par le pays nous n'entendons pas le gouvernement, mais tout le corps social, le pays tout entier. Cela peut se faire. Comme ... hier !
Haïti en Marche, 25 Mars 2017