PORT-AU-PRINCE, 29 Novembre – C’est au tour du peuple de Jérémie (chef lieu de la Grande Anse, Sud) de sortir de ses gonds.
Mercredi 28 novembre les Jérémiens ont gagné massivement les rues pour protester contre l’arrêt des travaux de construction de la route de Jérémie.
Commencés depuis plus d’une année, ces travaux se sont arrêtés depuis au moins trois mois alors qu’ils sont parvenus à la deuxième partie du parcours. Partis des Cayes (Département du Sud), on est entré dans la Grande Anse, en direction de Jérémie.
Mais soudain rien ne va plus. La compagnie de construction, OAS, une compagnie brésilienne a décidé de mettre la clé sous la porte.
Pour quelle raison ?
C’est un contrat de la BID (Banque Interaméricaine de Développement). Donc solide. Financièrement.
Cependant on a constaté que les travaux ont stoppé alors qu’ils arrivaient aux endroits les plus difficiles, aux points stratégiques qui ont déjà constitué un défi pour d’autres compagnies, savoir : ‘Fanm pa dra’ et Rivière Glace.
Fanm Pa Dra est un massif rocheux dominant la falaise et Rivière Glace une passe qui a déjà emporté plus d’un.
La compagnie brésilienne a donc commencé à plier bagages. Un bateau se trouve au warf de Jérémie pour embarquer les derniers équipements.
Le contrat aurait été résilié.
On ne sait à la demande de quelle partie. Est-ce la compagnie OAS qui avait sous-estimé la dimension des travaux et n’est plus en mesure de délivrer la marchandise ?
Ou est-ce la BID (et l’Etat haïtien représenté par le Ministère des Travaux publics, transports et communications) qui devant l’arrêt des travaux, ont décidé de couper court ?


Selon notre correspondant à Jérémie, le Ministère aurait fait savoir qu’une autre compagnie va reprendre les travaux dans peu de temps.
Est-ce seulement pour calmer la tension ? Ils étaient plusieurs milliers ce mercredi dans les rues de Jérémie pour crier leur ras-le-bol.
Le lendemain jeudi la tension est montée d’un cran avec des pierres jetées contre les véhicules de la mission onusienne.
On commence à craindre que le mouvement soit ‘manipulé.’
La Grande Anse a toujours été le département le plus négligé au niveau des voies de communication terrestre – à l’exception des Nippes d’ailleurs la porte à côté.
La seule route depuis des siècles est la voie maritime. Mais ‘ô combien de marins, combien de capitaines qui sont partis joyeux pour des courses lointaines, dans ce morne horizon se sont évanouis.’
Pourtant le projet de la route de Jérémie avait cette fois fini par convaincre.
D’ailleurs la première partie s’est déroulée à la satisfaction quasi générale. C’est la branche Cayes - Camp Perrin, exécutée en grande partie par une compagnie haïtienne semi publique, le CNE.
Mais voilà, le CNE (Conseil national des équipements) s’était lui aussi déjà cassé les dents sur le fameux Fanm Pa Dra.
Un appel d’offres a été lancé qui a été remporté par une compagnie brésilienne, OAS, entre autres sur une firme canadienne.
Les Canadiens ont une bonne réputation dans la construction des routes en Haïti. Par exemple, la nationale Sud est leur œuvre. C’est celle qui a le mieux résisté aux catastrophes naturelles dont nous sommes devenus des clients habituels.
Cependant le Brésil assure le commandement de la mission onusienne de maintien de la paix en Haïti depuis 2004. Ils ont donc un certain poids dans la balance.
Mais la compagnie OAS a-t-elle sous-estimé l’importance réelle des travaux ?
Ou des fonds qui auraient été dilapidés ? On rapportait en effet que des chefs de chantier quotidiennement allaient dormir en République dominicaine voisine.
En tout cas nous espérons que la BID et le gouvernement haïtien ne tarderont pas longtemps pour remplacer la compagnie brésilienne et permettre aux Jérémiens d’avoir eux aussi bientôt leur route … comme c’est le cas pour les riverains de la nationale Nord, jusqu’aux Gonaïves.
Ou pour ceux du Département du Centre. A la grande joie entre autres des pèlerins de Saut d’Eau …
Comme désormais aussi un autre département depuis des siècles lui aussi enclavé comme la Grande Anse et qui commence à en être enfin libéré. Ce sont les Nippes. La route de Petite Rivière de Nippes (Miragoane-Petite Rivière), première étape de cette délivrance, étend son brillant ruban d’asphalte nous faisant découvrir un panorama jusqu’ici inconnu sur le golfe de la Gonave.
Et c’est une réalisation d’une compagnie haïtienne privée, Vorbe et fils.
Tandis qu’on peine à dresser un bilan des interventions sur la nationale Sud de la compagnie dominicaine COAMCO.
Pas plus que pour les chantiers qui lui sont confiés sur la route de l’Amitié (route de Jacmel). Des travaux qui piétinent ou toujours recommencés.
Toujours recommencés, oui, caractéristique principale des routes d’Haïti.

Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince