356 Réfugiés Haïtiens parviennent jusqu’à destination

Mais qu’est devenu le sens communautaire ?

MIAMI, 11 Mars – Il était une fois où l’arrivée d’un bateau rempli de migrants haïtiens jusqu’à destination : comme le dimanche 6 mars écoulé, à Key Largo (sud de Miami, Floride), aurait été tout un événement.

En ce temps-là toute la communauté haïtienne de Miami se serait mobilisée en direction du lieudit. Une première manifestation aurait lieu sur place le même jour pour réclamer la libération du groupe qui a eu le courage de braver les mers pour parvenir jusque-là. Les nouveaux arrivants, mourant de faim et de soif, auraient été transbordés vers un camp de détention de réfugiés à Miami. Mais dès le lendemain un mouvement de protestation permanent serait organisé chaque jour devant celui-ci pour exiger la libération des nouveaux venus à leurs parents. Aussitôt commence aussi l’accomplissement des formalités légales à la charge des centres communautaires placés à cette fin dont le Centre des Réfugiés Haïtiens (HRC) de l’inoubliable Père Gérard Jean-Juste, ou HACAD ainsi que le Catholic Refugee Center etc.

C’était un autre temps. Où le titre de militant communautaire était porté avec fierté. Et le réfugié arrivé précédemment et qui avait bénéficié des mêmes services, s’empressait dès sa journée de travail terminée, de venir prendre sa place dans le même ‘picket line’ pour réclamer la libération des nouveaux compatriotes par l’immigration.
Pourquoi la même chose ne se reproduit-elle plus ?

Pourquoi une fois conduits en détention, les ‘356’ migrants haïtiens (dernier total communiqué par les Coast Guard) arraisonnés sur un navire en bois qui s’est immobilisé dans les eaux de l’Ocean Reef Club, un club de luxe à Key Largo, sud de la Floride, on n’en entendra plus parler jusqu’à leur rapatriement en Haïti ? …
Dans une déclaration officielle, les Gardes Côtes américains précisaient, le lundi 7 mars, qu’il n’y avait pas de blessés dans le groupe et que tous seront probablement rapatriés en Haïti dans les plus brefs délais.
En dernière heure, plus de la moitié d’entre eux l’avaient déjà en effet été moins d’une semaine après.
Et que « tel est le sort de tous les migrants qui tentent d’entrer illégalement aux Etats-Unis. Ils seront rapatriés sans considération de leur nationalité. »

Marleine Bastien, directrice exécutive de l’organisation FANM (Family Action Network Movement) fait état des conditions exécrables en Haïti, aussi bien sur le plan économique que sécuritaire et plaide pour qu’un droit d’asile même temporaire soit accordé à ces réfugiés haïtiens jusqu’à ce que les choses se rétablissent dans leur pays.
Mais on doute que les choses aillent plus loin … Parce qu’il n’existe plus le support communautaire, l’esprit ‘grass roots’ (ou volontariat) qui a favorisé l’implantation d’une communauté qui recevra le nom de Little-Haiti, Miami.
C’était les années 1980. Dans une sorte de ‘tous pour un et un pour tous.’ Mais le facteur de mobilisation avait d’abord un nom c’était : A bas la dictature Duvalier !

Aujourd’hui on dirait que les Haïtiens de Miami ne constituent une communauté que de nom. On ne se rencontre que dans des cercles privés, pour parler des problèmes de kidnapping par des gangs armés qui constitue la seule actualité au pays natal ou pour l’anniversaire d’un parent ou un ami.

Même pas pour le Miami Film Festival affichant ‘Freda’ (de l’haïtienne Gessica Généus), ainsi que le film d’un cinéaste dominicain sur le massacre des coupeurs de canne haïtiens en 1937 d’ordre du dictateur Trujillo sous le titre de ‘Parsley’ (ou ‘Perejil’, en français persil, terme qui fut utilisé pour identifier les haïtiens qui ont des difficultés dans sa prononciation).
Mais aujourd’hui plus que jamais c’est ici le chacun pour soi total.
Evidemment dans de pareilles conditions, il n’y aurait jamais eu la création même d’un nouveau quartier qui recevra le nom de Little-Haiti.
Or, justement, le même Little-Haïti aujourd’hui n’existe plus que de nom. Tout l’espace compris officiellement entre la 54ème et la 72ème Rues d’un côté, et de l’autre la 2ème Avenue NE et la 2ème Avenue NW a été récupéré par les grands milieux d’affaires dans une Miami devenue ce qu’on appelle une mégapole.

Mais, me direz-vous, les Haïtiens ne sont pas les seuls à subir le même bouleversement ; car c’est en même temps que la ville, sur le plan ethnique, semble être aussi devenue, plus que jamais, une reproduction copie conforme du continent latino-américain.

Réponse : peut-être qu’il nous manque aujourd’hui à nos nouveaux résidents haïtiens de Floride, le même instinct que jadis, traduisez un certain bonheur d’être ensemble, comme on le vivait dans le Little-Haiti d’il y a un peu plus de trente ans et qu’il n’y avait rendez-vous plus attendu que lors des manifs sur le Biscayne Boulevard aux cris de ‘Yon sèl nou fèb, ansanm nou fò’ ; ‘Together united we’ll never be defeated.’

Pourtant notre communauté est passée, me direz-vous, à un stade supérieur. Nous avons aujourd’hui des élus Haïtiens : Maires, Commissionnaires et même Congresswomen etc.

Or on n’a pas beaucoup entendu leur voix dans ce dossier des 356 arraisonnés le dimanche 6 mars, à Key Largo.
Parce que peut-être que ce n’est pas la même chose. On fait aujourd’hui partie intrinsèque du système. De l’Establishment. Comme on disait jadis : ‘on s’est embourgeoisé.’ Par la force des choses. Mais on ne peut être en même temps aussi du côté de la militance ou ‘grass roots’ …

Nos nouvelles fonctions nous obligent à parler plutôt tout-à-fait comme le porte-parole des ‘Coast Guard’ : et qu’il n’y a qu’une façon d’entrer ici c’est en obtenant un visa du Consulat des Etats-Unis en Haïti.
N’est-ce pas !

Marcus Garcia, Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince