On nous dit tout, on nous dit rien !
MIAMI, 21 Mars – Remue-méninges diplomatique. Le vendredi 18 mars les présidents américain Joe Biden et chinois Xi Jinping se sont entretenus pendant environ deux heures de la crise provoquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine.
Selon la presse américaine, Biden avait l’intention de prévenir Xi Jinping qu’il y aura des conséquences si la Chine répondait à la demande de Poutine pour de l’aide sous quelque forme que ce soit.
Cette démarche semblerait presque normale si ce n’était pas contre la même Chine que le président Biden récemment agitait le martinet.
On se souvient de l’annulation par l’Australie du contrat d’achat de sous-marins à la France, chipé par les Etats-Unis de concert avec la Grande-Bretagne, et de la crise diplomatique qui s’ensuivit entre Paris et Washington.
Il s’agissait, expliquait-on, d’un nouveau pacte de sécurité entre les Etats-Unis, l’Australie et le Royaume uni en vue de contenir l’expansion de la Chine dans la région indopacifique.
L’Agence France Presse écrivait, ‘il ne fait aucun doute que la nouvelle alliance vise d’abord à faire face aux ambitions régionales de Pékin … ‘.
Or ce 18 mars 2022, machine arrière toute. Après que le président Biden eut manifesté clairement et sans détour ses préoccupations, selon la porte-parole de la Maison blanche, Jen Psaki : ‘les deux leaders se sont entendus pour maintenir ouvertes les lignes de communications et soigneusement coordonner aussi les retombées de la compétition entre leurs deux pays.’
C’est la version officielle, quant aux faits on attend.
Dans le même ordre d’idées, c’est le récent envoi de deux émissaires spéciaux au président du Venezuela, Nicolas Maduro, bête noire de l’administration américaine qui maintient ce pays sous un embargo qui a pratiquement ruiné économiquement le plus grand producteur de pétrole du continent.
Aucune information n’a filtré sur les résultats de cette démarche. D’un côté ni de l’autre. Si ce n’est, d’après Jen Psaki, qu’il s’agit bien de la ‘question énergétique.’
Est-ce que c’est justement la brusquerie caractérisant toutes ces dernières décisions diplomatiques américaines, qui ferait réfléchir …
Washington a décidé comme on sait d’un embargo sur le pétrole de la Russie, l’un des principaux pays exportateurs et il lui faut trouver comment remplacer ce manque à gagner. Sur ce, le prix du gallon n’a cessé de grimper aux Etats-Unis mêmes. Passant d’un jour à l’autre de moins de trois dollars à plus de 4 dollars 50. (Et ce lundi 21 mars, plus de 5 dollars le gallon du super).
Maduro a pris parti en faveur de la Russie lors du récent vote de l’Assemblée générale de l’ONU sur l’invasion en Ukraine - mais il ne peut ne pas considérer une possibilité de soulager les souffrances de son peuple.
D’autre part, le Venezuela et Cuba sont très liés. Or Biden n’a pas poursuivi l’ouverture amorcée par Barak Obama dont il était le vice-président, quand bien même celui-ci accomplissait une visite très remarquée, qualifiée même d’historique, à La Havane (mars 2016).
L’embargo qui pèse sur Cuba depuis plus d’un demi-siècle, s’est même aggravé. Mais plus du fait du prédécesseur, le républicain Donald Trump.
Cependant, et la surprise est encore plus grande, on rapporte que les mêmes démarches ne seraient pas plus fructueuses du côté de Ryad et des émirats du Golfe, alors même que ce sont là des alliés historiques et clients fidèles depuis longtemps et plus que tout autre pour les Etats-Unis.
Est-ce que c’est justement la brusquerie caractérisant toutes ces dernières décisions diplomatiques américaines, qui ferait réfléchir ces derniers ?
L’Amérique de Biden ne changerait-elle pas de cheval trop facilement ? Et dans ce cas jusqu’où doit-on s’engager à ses côtés ?
En un mot l’administration Biden a-t-elle une véritable ligne sur le plan de la politique extérieure ?
On ne tardera pas à le savoir.
Cependant pourquoi Haïti n’est-elle en rien concernée ? Comme disait l’autre : Haïti n’existe pas ?
Pour commencer il n’est pas prouvé que nous ayons de l’or noir dans notre sous-sol. Mais d’aucuns disent : Tant mieux, car du coup le taux de kidnappings serait cent fois plus élevé !
Toujours est-il que le premier ministre (dit de facto) Dr. Ariel Henry soit soudain devenu un vrai pigeon voyageur.
Il vient en effet de se rendre la même semaine et coup sur coup à Belize (congrès des nations de la Caraïbe - Caricom) puis au Chili pour la prestation de serment du président élu Gabriel Boric.
Trois jours au Chili pour un ordre du jour plutôt succinct (rencontres officielles et visite à la communauté migrante haïtienne de ce pays) …
Dr. Ariel Henry a-t-il également été approché dans le cadre du grand branle-bas diplomatique à l’actif actuellement de l’administration américaine ???
Le plus désolant c’est que hier comme aujourd’hui nos dirigeants acceptent de jouer ce rôle … de zombie ...
Evidemment on n’en saura rien. Et c’est là le problème !
De l’Ukraine nous saurons seulement que les étudiants haïtiens dans ce pays ont été évacués. Pas sans difficulté. Comme tous les sujets africains qui s’y trouvaient.
Rien à voir cependant avec l’accusation de ‘néo-nazi’ portée par l’agresseur Vladimir Poutine contre les dirigeants du pays voisin !
Seul changement qui aura marqué le déplacement de notre chef du gouvernement c’est apparemment un désir d’accommoder son image, soulever un certain … sentimentalisme : ‘j’ai carrément peur’ déclare en effet Dr. Ariel Henry à une agence qui l’a accompagné dans son voyage (‘Gazette-Haïti’), mais ‘je suis prêt à aller jusqu’au bout de ma mission : réaliser des élections démocratiques’ et à la satisfaction générale.
En un mot, du lobbying. Voici la seule nouveauté qui ressort de la tournée du premier ministre. Définitivement le citoyen haïtien n’en aura jamais comme on dit pour son argent. Ce depuis toujours.
Alors que par contre on sait que Maduro a reçu (photo à l’appui et confirmation de la porte-parole Jen Psaki) deux émissaires du président Biden.
On a suivi avec le Wall Street Journal les démêlés avec les émirats du Golfe.
On a lu le communiqué final de la conversation de vendredi entre les chefs d’Etat américain et chinois.
Mais concernant Haïti, jamais rien. Aujourd’hui comme hier.
Sommes-nous considérés comme un peuple mineur, ou trop naïf ou trop bête, incapable de piger ces questions de haute diplomatie ?
Mais attention, aujourd’hui il y a les ‘réseaux sociaux’. Comment empêcher nos concitoyens par exemple de croire que la série de tremblements de terre qui a frappé le week-end précédent la région de Jérémie (Grande Anse), que c’est un navire suspect qui menait des recherches sous-marines dans la région dans le but de détecter d’éventuelles ressources pétrolières, bien entendu.
Evidemment le plus désolant c’est que hier comme aujourd’hui nos dirigeants acceptent de jouer ce rôle eux aussi … de zombie.
Mais comme dit le créole : ‘mwen voye dlo mwen pa mouye pèson n’.
En tout cas, tous ces exemples montrent que le monde autour de nous est en train de bouger, d’embrasser de nouveaux paramètres. Et que tout ou tard cela interviendra aussi dans l’évaluation de nos politiques. Et peut-on espérer celle aussi de nos … ‘politiciens.’
Marcus Garcia, Haïti en Marche, 21 Mars 2022