L’ancienne cathédrale qui avait, elle, été incendiée, lors des troubles politiques qui ont jalonné les années 1980-1990, par des partisans du futur président Jean-Bertrand Aristide, puis reconstruite cette année aux bons soins d’un riche paroissien, portera donc temporairement le nom de Notre Dame de l’Assomption. Ainsi en a décidé un arrêté signé de l’Archevêque de Port-au-Prince, Mgr Guire Poulard.

Retrouver ce qu’on appelait dans notre enfance l’Ancienne cathédrale, est une grande émotion.
C’est là que beaucoup de générations ont fait leur première communion, surtout à l’époque (années 1950) où était rénovée, tout à côté, la Grande cathédrale comme on disait aussi. Celle-ci avait été consacrée en 1914.
La messe du dimanche, en uniforme de l’école des Frères Jean Marie Guilloux, également attenante, était célébrée plus tôt que d’habitude. Ça sentait l’huile de baptême. Les murs semblaient recouverts de suie mais c’était plutôt la patine du temps. En effet, c’est dans cette église que Toussaint Louverture prononça urbi et orbi (à la ville et au monde) son entrée en guerre contre le Sud dirigé par son adversaire, le mulâtre André Rigaud, en juin 1799.
L’église avait été construite en 1791.
C’est dans ses cryptes que sont inhumés également, dit-on, les restes des premiers chefs de l’église catholique en Haïti.

Comme dans le vieux cinéma italien, le prêtre monte en chaire pour délivrer son homélie du dimanche en s’assurant que les fidèles sont proprement vêtus, les filles d’abord bien entendu.
Et nous rêvions tous de remplacer un jour l’organiste réfugié là-haut dans le clocher.
Et ce sont des souvenirs aussi chers qui disparaitront brutalement un jour d’émeutes, le 7 janvier 1991, à la suite du coup d’état de l’ex-baron duvaliériste Roger Lafontant tentant de renverser le résultat des urnes du 16 décembre 1990 dont le vainqueur était un jeune curé nommé Jean-Bertrand Aristide.
L’Ancienne cathédrale fut rasée totalement par les flammes. Elle ne fut jamais reconstruite.
Puis c’est la Grande cathédrale qui disparait à son tour dans le tremblement de terre du 12 janvier 2010.
Pénétrer ce dimanche dans l’Ancienne cathédrale restaurée vient combler comme un mystérieux sentiment de manque d’avoir toujours vécu dans une ville dominée par le clocher de sa cathédrale, puis pour se retrouver brutalement comme orphelin.
C’est comme un petit miracle. A plus forte raison que la reconstruction a été financée par un paroissien, oui une seule personne, et dont le nom n’a pas été révélé publiquement. Oui, cela peut exister encore, en Haïti, un geste pareil !
La nouvelle église a essayé de garder la même architecture que l’ancienne. Disons plutôt la même forme. L’Ancienne cathédrale était de style roman. Ramassé et court sur pattes. La nouvelle construction ressemble aussi de loin à un gros canard mais les matériaux sont modernes, il en ressort une meilleure aération et une meilleure pénétration de la luminosité naturelle.
Cependant beaucoup de paroissiens peuvent hésiter à se risquer dans le quartier devenu entretemps un immense marché d’articles de troisième main, et pire encore.
Le geste de ce paroissien, fortuné ou pas, devrait servir d’exemple car il retrouve celui des grands bâtisseurs de cathédrales de jadis. La cathédrale qui était la plus importante construction de la ville (après le château du prince des environs) était habituellement construite aux frais des paroissiens eux-mêmes, c’est-à-dire de toutes les couches de la population, chacun apportant dans la mesure de ses moyens, le commerçant de l’argent, le manant du sable des rivières. Etc.
Lorsque le projet de construction de la Grande cathédrale fut conçu par Mgr Alexis Jean Marie Guilloux, en 1884, son premier geste fut une grande quête au niveau local. Et c’est parce que le résultat fut encourageant qu’il put faire appel à l’aide du monde catholique extérieur.
Aujourd’hui force est de constater que nous comptons uniquement sur l’aide extérieure pour la reconstruction de toutes les églises catholiques du pays détruites par le séisme.
Et à Port-au-Prince ce sont toutes sans exception.
Redonner à Port-au-Prince une autre Grande cathédrale coûtera dans les 40 millions de dollars américains.
Peut-être que le miracle de la reconstruction de l’Ancienne cathédrale va servir d’inspiration.

Marcus - Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince