Crise et sous-développement …
PORT-AU-PRINCE, 12 Novembre – Les sénateurs haïtiens n'ont pas voté le projet de budget public depuis deux années.
L'une de leurs revendications est le trop fort pourcentage dévolu aux secteurs politiques du gouvernement (palais national, primature, ministère de l'intérieur …).
Or c'est le même reproche qu'on pourrait adresser à l'aide américaine à Haïti. Trop peu au secteur de développement et le gros morceau à la bureaucratie politique (gouvernement et société civile).
Dans les dernières statistiques de l'USAID (Agence américaine de développement international) remontant à l'année 2012, le secteur 'Gouvernement et société civile' totalise 21.5% de cette assistance, tandis que 26.2% vont aux 'Programmes de Politique de Population / Santé Reproductive' etc. Soit donc la moitié de cette assistance de US 561 millions de dollars, votée par le Congrès pour Haïti en 2012 qui est consacrée principalement à la bureaucratie.
Alors que la santé de base récolte 6.4%, l'éducation seulement 2.2%, mais qui pis est, le secteur Energie seulement 1.5% alors qu'on parle de développement et de parcs industriels et autres ; la prévention des désastres : 1.0 % (alors que Haïti est l'un des pays les plus vulnérables aux catastrophes naturelles et surtout deux ans seulement après le séisme de janvier 2010 qui a fait près de 300.000 morts et détruit 150% du PIB du pays), tandis que les problèmes socio-politiques se voient encore attribuer 3.9% pour la Prévention et Résolution de conflits, Paix et Sécurité etc …
En un mot, ce sont les problèmes politiques qui consument le gros du budget public, aussi bien le budget national (comme le dénoncent nos sénateurs, mais tout en étant eux aussi partie du problème), que le budget de l'aide internationale, car il doit être de même avec l'assistance de l'Union Européenne.
Pouvoirs et société civile toujours prioritaires. De plus la présence de celle-ci, la société civile, dont nous ne contestons évidemment pas l'importance étant donné justement les proportions gigantesques prises par le secteur politique, mais il pourrait paraître plus normal, comme c'est le cas ailleurs, que la société civile soit soutenue plutôt par des institutions civiques et non gouvernementales comme les fondations Ford, Bill Gates etc.
Voilà donc un aspect de notre réalité qui passe trop inaperçu. Le poids des problèmes politiques est le principal handicap au développement du pays, à la création d'emplois, à une meilleure éducation et une meilleure santé pour la population, bref à une amélioration de nos conditions de vie à tous, à quelque catégorie sociale que nous appartenons.
Ce sont nos problèmes, et nos appétits politiques, qui continuent d'enfoncer Haïti dans le néant.
C'est bien connu que la politique dans notre pays consiste à se servir avant de servir.
Les sénateurs accusent le pouvoir exécutif de gonfler les postes gouvernementaux et de négliger le social …
Mais ce que les sénateurs négligent de mettre en relief (parce qu'ils participent aussi du problème) c'est comment cette crise politique perpétuelle, constante, éternelle monopolise tout le budget public, aussi bien national que l'assistance étrangère, les priorités continuant d'être portées sur les tentatives de résolution de cette satanée crise aux dépens non seulement des nécessités du social mais aussi du développement car seul le développement véritable (énergie, ouverture d'entreprises, agricoles ou industrielles, création d'emplois etc) est de nature à créer le véritable changement, un bond en avant qualitatif … à nous faire sortir du cercle infernal du chômage, de la misère et des malheurs, y compris, comme on l'expérimente encore cette semaine, les conséquences des désastres naturels toujours beaucoup plus graves qu'ailleurs.
Les problèmes politiques permanents, récurrents ne nous rendent pas seulement plus pauvres (peut-être au profit d'un tout petit groupe qui entretient ces problèmes à leurs propres fins), mais ils rendent aussi notre pays chaque jour encore plus misérable et plus dépendant. Et ça tous le savent.
Mais de plus c'est un cercle vicieux, qui finit par décourager tout effort de reprise. L'assistance internationale, même quand elle aurait des intentions plus positives - comme cette nouvelle loi votée par le Congrès américain exigeant du Département d'Etat un rapport détaillé tous les trois mois sur les buts atteints par l'assistance à Haïti ou mieux encore la loi Hope qui détaxe l'importation en territoire américain des articles fabriqués en Haïti afin de favoriser l'implantation des multinationales dans notre pays, tout cela n'arrive pas à produire l'effet escompté …
Il faudrait faire disparaître la crise politique. Au diable la politique et les politiciens ! Mais comme on n'a pas une baguette magique …
Il reste alors le bulletin de vote. Mais l'électeur est si peu renseigné sur ces questions essentielles … Il reste donc à mieux le renseigner. Mais pour l'instant ce n'est le programme ni des différents secteurs politiques (continuant tranquillement de consommer la plus grande partie de la fortune nationale) … ni de l'assistance internationale qui craint peut-être de perdre le contrôle en essayant de changer l'ordre des choses. Alors vive la crise, et passons la monnaie !
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince