MIAMI, 19 Juin – Le racisme est partout. Crime racial. Crime de haine. Guerre raciale. Guerre sainte. Ce sont différentes appellations qui nous ramènent à une même réalité. Quelle différence, sinon en effet l'appellation qui déjà est le résultat d'une certaine catégorisation politique, entre le crime du jeune américain d'origine tchétchène, Djhokhar Tsarnaev, 21 ans, qui a fait 3 morts et 264 blessés, certains horriblement mutilés, le 15 avril 2013, au marathon de Boston, et celui du massacre de l'église historique noire de Charleston (Caroline du Sud, Etats-Unis), commis le mercredi 17 juin écoulé par un autre jeune homme de 21 ans, Dylann Roof. Bilan : 9 morts.
Sinon que la justice fédérale américaine a qualifié ce dernier massacre, et même avec hésitation, de 'terrorisme domestique', alors que pour celui de Boston on a beaucoup insisté sur l'inspiration outre-mer et l'origine musulmane des deux frères, dont l'aîné, Tamerlan, avait été tué par la police.

Double langage ...
Il existe depuis toujours cette tendance à faire automatiquement référence à la menace extérieure. Ce fut le cas lors de l'attentat contre le bâtiment fédéral de Oklahoma City, le 19 avril 1995, qui fit 168 morts et 600 blessés, pour la plupart des petites gens vivant de l'assistance publique. Mais la voix blanche, le président à l'époque, Bill Clinton, devait annoncer que ce crime monstrueux était le fait d'un jeune Américain, Timothy McVeigh, un vétéran de la Guerre du Golfe.
Condamné à la peine de mort, celui-ci fut exécuté.
Le jeune responsable de l'attentat du 'Boston marathon' est aussi condamné à mort, et vendredi (19 juin) le gouverneur de South Carolina a demandé aussi la peine capitale pour Dylann Roof.


N'empêche qu'on sente toujours une légère différence d'approche, un double langage, entre le massacre qu'on considère inspiré de l'extérieur et ce qu'on appelle le 'homegrown' terrorisme, celui qui est produit dans le pays même.
Définitivement l'attentat du marathon de Boston a plus de résonnance dans l'opinion, même plus que les 168 victimes de Timothy McVeigh.
Serait-ce par peur d'avoir moins de prise sur des causes se produisant à l'autre bout de la planète, la peur du lointain, de l'inconnue.
Il y a eu évidemment le 11 septembre 2001 (2.977 morts) qui est passé par là. Désormais rien ne sera plus comme avant ? Eh bien, non, l'un n'empêche l'autre.

Un manque de vision globale ...
Car justement il y a une autre inconnue pour l'Américain, c'est son manque de rattachement à l'histoire universelle et de vision globale. Pour lui, l'Histoire commence et finit avec les Etats-Unis d'Amérique.
Selon lui, il n'existe aucun rapprochement entre la cause qui produit les McVeigh et Dylann Roof et celle des frères Tsarnaev.
Or toutes se retrouvent dans le même petit recoin obscur du cerveau : la haine. Haine raciale. Haine ethnique.
Après son arrestation, Dylann Roof a dit quelle était sa motivation : déclencher une 'guerre raciale.'
On le croit lié au milieu 'white supremacist' (suprématie) ou racisme blanc, comme l'était McVeigh. Mais tendance qui, quels que soient les dégâts commis, fait cependant moins peur.
En même temps que l'on n'a jamais pu (ou voulu) en venir à bout. Au contraire, la facilité de se procurer des armes à feu (que le président Obama a essayé en vain de juguler même un tant soit peu) joue en faveur de ce 'terrorisme maison.'

'Black Power' et 'Black Panthers' ...
Cependant supposons que c'était des Noirs qui commettaient ce genre d'actes contre des blancs ou des établissements fréquentés par des blancs ! Jusqu'à présent, les massacres commis dans des écoles ou dans des lieux publics, comme des cinémas, l'ont été par de jeunes blancs. Or aucun changement structurel n'est intervenu. Et les armes lourdes continuent de se vendre avec toujours autant et même plus de facilité.
Alors qu'on sait quels moyens le FBI déploya pour mater, effacer définitivement de la carte les mouvements 'Black Power' et 'Black Panthers' des années 60. Les poursuivant jusqu'au bout de la Terre. Eradication jusqu'au dernier et pour toujours.
Tout comme tant que ce sont des noirs qui tuent d'autres noirs. 'Blacks killing blacks' est une expression passée dans le langage courant.
'Guerre raciale' pour Dylann Roof, 'guerre sainte' pour Djhokhar Tsarnaev, tchétchène d'origine (le très remuant peuple tchétchène persécuté en premier lieu par le russe Vladimir Poutine, qui avait même transmis des informations sur les deux frères aux agences d'information américaines mais qui n'en avaient fait cas pas suffisamment).
Dénominateur commun : la haine. Raciale, chez Dylann Roof, tuer des noirs 'avant qu'ils ne prennent possession du pays', dit-il, est-ce en référence au fait que le président soit un noir, en effet on a l'impression que ces agressions raciales (multiples cas de policiers blancs tuant des noirs désarmés) ont rebondi sous la présidence de Obama ; ou haine ethnique ou politico-religieuse, mais dirigée contre aucune race en particulier, les 2 frères américano-tchétchènes n'ont pas fait la différence entre blancs et noirs lors de l'attentat.

Deux réponses aussi bêtes ...
Cependant la réponse des deux jeunes hommes, aussi bien Djhokhar que Dylann, tous deux 21 ans, est quasi similaire. Celui-ci voulait déclencher la 'guerre raciale', le premier se venger des Américains qui tuent ses frères musulmans.
Deux réponses aussi bêtes. Oui, comme l'est toujours le racisme. Affreux, bête et méchant. Comment tenir une explication sérieuse aujourd'hui à la haine du juif, la haine du noir, ou le mépris envers le citoyen indigent dans une société dominée par le profit individuel, ou la peur de l'autre sexe en lui déniant le droit à l'éducation et aux libertés mais aussi comment tuer le simple citoyen américain peut-il venger des dégâts commis par les drones dont fait grand usage le président Obama !
Quelle différence avec les tueurs de Charlie Hebdo ? Ils ont profané le prophète en le caricaturant, alors que l'image de ce dernier ne doit pas être représentée sous peine de commettre un sacrilège et méritant la mort !
Dans quel monde vivons-nous ?
Ou les combattants de l'Armée Islamiste (ou DAECH) qui s'amusent à faire exécuter des soldats par des enfants ou à détruire spectaculairement des monuments classés patrimoine de l'humanité dans les régions qu'ils occupent.
On dirait Alex et sa bande de méchants garçons du film de Kubrick 'Orange mécanique' !
Passe encore la Bande à Baader (Allemagne) et l'Armée Rouge Japonaise (Japon) ou les Fedayin, qui visaient avant tout des officiels de l'autre camp.

Entre eux et nous ...
Par contre le norvégien, Anders Behring, qui a tué 77 personnes, le 22 juillet 2011, en voulait à tous ses compatriotes, pour avoir laissé envahir son pays par le 'multiculturalisme.'
Haine 'inter-culturelle' qui peut englober toutes les autres : islamophobie, antisémitisme, anti-immigrés, anti-investissements capitalistes chinois et autres. C'est la nouvelle tendance en Europe. Pas loin de Marine Le Pen (Front National), qui veut non seulement renvoyer les immigrés chez eux mais aussi sortir la France de l'Union européenne.
Par conséquent on voit donc que le racisme est partout plus que jamais.
Mais que pourtant n'était le djihadisme qui est considéré comme une menace universelle, on aurait laissé les mêmes mouvements en Afrique vider leurs querelles entre eux. 'Blacks killing blacks'.
Oui, malgré toute la gravité de cette situation, l'Occident ne peut s'empêcher de faire la différence entre eux et nous.
Il n'existe pas de chasse à l'homme généralisée pour éliminer une fois pour toutes les Dylann Roof, Timothy McVeig, Anders Behring comme il l'est pour les autres qui tirent leur inspiration d'ailleurs ou du moins on le présume.
Ni l'utilisation des drones qui frappent aveuglément et tuent coupables et souvent aussi innocents.
De là à y voir un traitement de deux poids et deux mesures. Et à penser que la véritable inspiration, sinon le motif de base du nouveau terrorisme, viendrait plutôt du Nord, il n'y a qu'un pas.

'Mèsi Papa Dessalines !' ...
Non, le racisme n'a pas de couleur. Les racistes non plus. Tenez, nos voisins dominicains sont presque aussi métissés que nous. Et pourtant ils veulent déporter les immigrants haïtiens même quand ceux-ci sont utiles à leur croissance économique, mais parce qu'ils sont noirs et constituent une menace pour leur ... pureté raciale !
Le racisme est bête. Mais c'est le seul tort qu'on ne peut nous faire à nous Haïtiens. Notre titre de première nation noire libre du monde, on ne l'a pas volé.
Comme dit notre regretté Félix Morisseau-Leroy, 'Mèsi Papa Dessalines !'

Marcus - Haïti en Marche, 19 Juin 2015