PORT-AU-PRINCE, 10 Avril – La reconstruction est en marche mais pas du côté où l’on espérait. Dans une ville qui était dominée par les clochers des églises (basilique Notre Dame, Ste Anne, Sacré Cœur, St Joseph, Saint Gérard, Ste Thérèse etc), pas une seule qui ait été reconstruite 4 ans après le séisme.
Par contre les grands hôtels se ramassent à la pelle. En trois ans à peine, trois nouveaux sont apparus à Pétionville : Royal Oasis, Best Western et le nouvel El Rancho. Rejoignant le Karibe comme niveau palace. En moyenne 100 chambres.
Mais avant le temps d’en faire l’annonce, voici le Mariott de Turgeau presque achevé. Et ce jeudi, un contrat de 26 millions de dollars a été signé pour la construction du Hilton Garden Inn près de l’Aéroport Toussaint Louverture de Port-au-Prince.
Vous avez bien entendu Port-au-Prince, la capitale. Oui, le mouvement qui s’est amorcé en faubourg, Pétionville, épargné par le séisme, va donc à présent droit au but. En plein dans la cité dont une bonne partie se trouve encore sous les décombres. Et qui est, encore plus qu’auparavant, pourrie non seulement par les chômeurs et la mendicité mais aussi et surtout par la criminalité. Et la pire, la petite criminalité. Les baby-gangsters. La pire espèce. Ça tue sans réfléchir. Petits meurtres comme les autres !
Alors qu’est-ce qui attire ainsi les plus grands noms du monde de l’hôtellerie ?
Il faut remonter jusqu’aux années 50, à l’heure du Bicentenaire de la Ville de Port-au-Prince et du Tri-cinquantenaire de l’Indépendance (1946-1950-1954), pour voir une telle moisson.
Et à ce train-là, le mouvement ne va probablement pas s’arrêter. A quand le Sheraton de Port-au-Prince, le Hyatt, l’Hôtel Intercontinental …
Nos institutions bancaires se mettent apparemment aussi au diapason. Au forum du Group Croissance, l’un des thèmes majeurs c’est l’investissement et le crédit bancaire, qui a été développé entre autres par le Gouverneur de la banque centrale. Tandis que le PDG de la BNC (Banque nationale de crédit) offrait ce jeudi dans le cadre du 35e anniversaire de cette institution, un petit déjeuner d’informations sur le crédit immobilier et les possibilités d’investissement dans ce secteur.
La reconstruction n’est donc pas ad patres comme on aurait tendance à le croire en voyant le si peu d’accompli dans la capitale malgré toutes les promesses.
Toutefois on a l’habitude d’entendre qu’il faut toujours commencer par le commencement. Vous auriez éclaté de rire si on venait vous dire que cela se passerait ainsi. Surtout que l’Haïtien est mauvaise langue. Si votre voisin construit un château, vous entendez aussitôt que c’est de l’argent qu’on blanchit. Mais ici il s’agit de marques les plus célèbres. Alors qu’est-ce qui attire autant de roses sur cette sorte de poubelle géante, c’est la question comme on dit à 100.000 dollars !
Economiquement d’abord. Où sont les touristes ? De source généralement bien informée, tous ces palaces de plus de 100 chambres ne remplissent pas la moitié de leur capacité. A peine 40%.
Alors qu’est-ce qui fait qu’on continue à les construire ? Et de plus en plus grands. Le Hilton, 4 étoiles, aura 150 chambres et sera achevé fin 2016. Eh bien c’est là ce qui nous échappe à nous simples mortels. Comme dit la chanson de Dutronc : on nous dit tout, on nous dit rien … On nous rebat les oreilles avec des projets de développement mais dont nous voyons très peu alors que la vraie réalité se passe ailleurs. Le secret est sacrément bien gardé. Que deviendra Port-au-Prince ? Sans clocher. Sans carillonnement qui vous réveille pour la messe de 5 heures. Mais grouillant d’hommes d’affaires étrangers qui sont appelés à devenir les principaux clients de ces ‘majors’ de l’hôtellerie internationale.
Or un problème demeure qui n’est pas lui une simple affaire de gros sous, ce sont les défis de la surpopulation et par voie de conséquence de la petite criminalité qui ne tue pas seulement mais qui tue le simple besoin de mettre le nez dehors. Comment une telle capitale peut-elle devenir (redevenir) hospitalière ? Ça c’est la question à plus de 100.000 dollars …
Or on ne verrait pas un pareil rush des plus grands si un tel problème n’avait pas été déjà au moins supposé résolu. Et tout ce que nous pouvons considérer encore comme défis, nous simples mortels. Comme dit le proverbe, ‘foumi a pot nouvèl pou mwen.’ Or s’il fallait attendre aussi longtemps, il n’y aurait pas une telle précipitation. Non quelque chose se prépare. Est en train de mijoter. Tout ce qu’on peut espérer, c’est que nous simples mortels ne serons pas tout à fait écartés de la fête.
Port-au-Prince renaitra. Mais probablement pas comme nous l’aurions espéré. Mais ne vous attendez pas non plus qu’on nous dise sous quel aspect. On nous dit tout, on nous dit rien …
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince