Aide ou coopération ?
PORT-AU-PRINCE, 6 Avril – L’actuelle administration haïtienne mène un combat pour remplacer le mot aide par celui de coopération. Dès son arrivée au timon des affaires (comme on disait autrefois), elle a montré les couleurs. Haïti ne veut plus d’assistance mais des prêts. Nous ne sommes pas des éternels mendiants. Nous pouvons produire. En tout cas nous pouvons faire des affaires. Et ce dernier aspect semble bouger là où la production n’est pas encore une évidence.
Lorsque le chef du gouvernement haïtien Laurent Lamothe a reçu récemment le premier ministre du Vietnam, on n’a pas parlé de stock de riz suranné qui pourrait être offert en don à Haïti mais de coopération. Haïti a des offres pour le Vietnam. A commencer par son marché. Le riz vietnamien coule à flot dans nos assiettes depuis déjà deux années. Une firme vietnamienne, la Viettel (Natcom), est l’un des deux géants du téléphone cellulaire dans notre pays.
De son côté le nouveau petit dragon (capitalo-communiste) asiatique peut nous apporter non seulement des investissements créateurs d’emplois mais aussi nous faire bénéficier de ses avancées technologiques aussi bien en industrie qu’en agriculture.
Fifty-fifty …
Voilà un bon exemple de coopération, c’est à dire fonctionnant dans les deux sens. Fifty-fifty, pas encore mais il faut toujours commencer quelque part.
L’autre exemple patent devrait être le Venezuela. La possibilité nous est offerte de payer en espèces (produits naturels ou semi-industrialisés : café torréfié, yogourt, cacao etc) une partie de la facture pétrolière. La patrie du défunt président Hugo Chavez, l’un des plus grands producteurs d’or noir, nous traite comme un chouchou pour une sorte de dette morale remontant à plus de 200 ans. Seuls les pareils de qui vous savez, qui peuvent considérer la reconnaissance comme une lâcheté ! Mais serait-ce que nos dirigeants soient plus boutiquiers que producteurs (comme d’ailleurs depuis toujours), ici cela n’a pas dépassé le stade des résolutions et belles promesses. Pas le moindre petit morceau de vermisseau qui ait encore pris le chemin de Caracas. En tout cas, pas officiellement car un tel domaine encourage les dessous de table. Or le temps presse car si nous voulons tenir parole et vu que la coopération c’est du donnant-donnant, nous risquons de perdre, comme dit le créole haïtien, ‘et sac et crabes’ si nous nous contentons de recevoir les avantages sans rien apporter en échange. D’autant plus que le Venezuela est en pleine crise politique.
Brésil = éthanol ! …
Aujourd’hui le Brésil est en train d’absorber un nombre important de bras haïtiens dans la construction des villages pour le Mondial de football (l’été prochain) et les Jeux olympiques de 2015.
Le Brésil nous fait les yeux doux depuis son arrivée sur la scène politico-sociale haïtienne en 2004 dans les rangs de la force de maintien de la paix onusienne ou Minustah.
Rien de ce qui avait été conclu qui n’ait cependant été réalisé. Point de centrale hydro électrique de la part du pays qui en compte le plus grand nombre au monde, ni de transfert sur le plan local des expériences très avancées et en tout genre (dont la production animale par clonage) mises à notre disposition. Parce que l’éthanol fait partie du package, et que nos experts le considèrent dangereux pour nos cultures, alors tout lui est assimilé, c’est la grande trouille. ‘Peyi m bon jan l ye a’ (mon pays est bien comme il est), disait Papa Doc mais c’était par dépit de se voir refuser à l’époque (sous l’administration Kennedy - 1960-1963) l’aide étrangère.
La plus grande richesse d’Haïti …
Le même Brésil qui vient de construire à Cuba un méga-port (port géant), à Mariel, en prévision du grand mouvement maritime commercial qui se déploiera dans la région quand seront achevés les travaux d’élargissement du Canal de Panama.
Ce qui nous fait découvrir brusquement que la plus grande richesse d’Haïti aujourd’hui c’est sa position stratégique par rapport à ce nouveau inévitable carrefour maritime. Ce nouveau Gibraltar.
Mais tout seul, bien entendu, cela n’a aucune valeur. Comme si l’aide est pour nous devenue une seconde nature et nous sied encore mieux que la coopération véritable et les efforts qu’elle demande.
Coopération, oui, corruption non ! …
Il est vrai aussi que nos dirigeants passent le plus clair de leur temps à se battre pour terminer leur mandat et que les vrais projets de coopération ne peuvent se réaliser en 5 années, durée du mandat présidentiel sans possibilité de réélection immédiate, selon la Constitution en vigueur.
Aujourd’hui le cancer, est-ce une simple impression, fait des ravages dans nos murs. Le corps médical est très critiqué. Diagnostic erroné ou incomplet. Traitement mal administré. Or Cuba (avec toujours un financement du Venezuela de Chavez) nous offrait durant la décennie 2000 un réseau de laboratoires couvrant tout le pays. Les Haïtiens avaient commencé à aller se faire soigner dans l’île voisine et dans de nombreux cas le voyage n’aurait pas été nécessaire.
Mais le corps médical haïtien tout entier s’y opposa avec une telle vigueur que le président René Préval capitula.
Conclusion : nous ne semblons même pas savoir ce qui nous est réellement utile. Or pour bien aborder la problématique : ou aide ou coopération ou les deux pendant une nécessaire transition, il faudrait peut-être commencer par là. Y compris une Constitution mieux adaptée. Mais d’abord une lutte tous azimuts contre la corruption, celle-ci pouvant détourner au profit d’une poignée tout le fruit de ces efforts.
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince