Desaparecido’
PORT-AU-PRINCE, 27 Mars – Sans passer par 4 chemins, la police s’y prend très mal dans l’affaire du journaliste disparu.
C’est la première fois qu’on aura vu la police tirer sa conclusion avant même d’avoir accompli l’effort nécessaire voire tout ce qui est en son pouvoir.
En effet le porte-parole de la police croit pouvoir se prononcer comme n’importe qui, étalant son scepticisme sur les ondes, jouant les saint thomas, alors que sa tâche c’est tout au contraire de montrer que la police est prête à tenter jusqu’à l’impossible pour retrouver la personne disparue.
Celle-ci c’est un photographe-reporter, du nom de Vladjimir Legagneur, disparu depuis deux semaines après avoir signalé à son épouse qu’il se rendait à Grand Ravine, un quartier populaire au sud de la capitale, dans les hauteurs de la commune de Martissant.
Grand Ravine avait fait l’actualité il y a quelques mois et dans des circonstances douloureuses.
Y ayant débarqué un matin pour mener une opération de sécurité, une patrouille policière a été accueillie par des tirs nourris qui ont provoqué immédiatement la mort de 2 agents.
Ceux-ci ont répliqué, tuant eux aussi un nombre indéterminé de civils dont probablement des gens innocents.
En tout cas, les circonstances n’ont jamais été entièrement élucidées par les officiels.
Rappelons que la récente note de la Minujusth (mission onusienne de support à la justice) qui a tellement mécontenté le pouvoir en place, notait aussi que la justice ne s’est jamais prononcée sur les faits qui se sont déroulés à Grand Ravine le 13 novembre 2017.
D’où l’atmosphère plus tendue qui entoure la disparition du photographe reporter Vladjimir Legagneur en apprenant qu’il aurait disparu dans l’exercice de sa profession et à Grand Ravine.
Ses parents ayant contacté la police après n’avoir pas entendu parler de lui depuis le 14 mars, la nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre, mobilisant associations de presse et médias.


Tous demandant à la DCPJ (direction centrale de la police judiciaire) de mener des ‘recherches approfondies’ pour retrouver le disparu.
Pour toute réponse, le porte-parole, le commissaire Frantz Lerebourg, étale son pessimisme. Oui, la police va faire de son mieux mais on ne promet rien, car la seule chance de retrouver le disparu vivant c’est s’il y avait eu une demande de rançon, or ceci n’étant pas, étant donné que ce n’est pas apparemment un kidnapping, donc il vaut mieux se préparer au pire.
On ne peut pas accepter que le cas soit traité de cette façon, avec un tel découragement, par la seule instance vers laquelle se tourner, la seule qui est placée par la loi pour assurer la sécurité des citoyens : la police nationale.
Si la police baisse les bras, alors que reste-t-il ?
La police semble oublier sinon ignorer qu’il s’agit d’une question qui n’est pas seulement individuelle ni même sociale, mais déjà politique.
La disparition d’un photographe reporter, qui a travaillé pour des médias connus, dont le site Loop News, et disparition qui pourrait (on n’est pas certain à cent pour cent) qui pourrait être survenue dans un quartier qui a déjà été récemment au centre d’une actualité extrêmement chaude, les tirs croisés entre la police et des gangs de Grand Ravine qui ont fait probablement près d’une dizaine de morts en tout …
Outre que le pays se trouve plongé aujourd’hui plus que jamais, personne ne peut l’ignorer, dans une atmosphère politique extrêmement tendue à cause de l’absence de résultats de l’actuel pouvoir sur le plan économique …
Il ne manquerait donc plus que ça. Si ce n’est des assassinats, comme on en a connu au long des interminables troubles politiques qui ont jalonné ces trente dernières années, aujourd’hui des disparitions ou assassinats camouflés.
‘Desaparecidos’. Un phénomène politique qui a répandu un fleuve de sang et de calamités à travers tout l’hémisphère sud-américain avant le rétablissement de la démocratie qui est, Dieu merci, aujourd’hui favorisée dans la majorité de ces pays.
Or non seulement les ‘disparus’ pourraient être en train de renaitre chez nous, mais toute attitude trop désinvolte (voire complice) de la part des pouvoirs publics, à commencer par la police nationale, pourrait être considérée comme un feu vert par les auteurs de ‘disparitions.’
Par son manque de réactions face aux circonstances, c’est presqu’un encouragement au phénomène qu’apporterait la police nationale.
Disons le pouvoir en place lui-même.
Déjà l’absence d’éclaircissements sur les précédents événements sanglants de Grand Ravine, constitue une porte ouverte à des comportements de non-droit. Aussi bien de la part des gangs que des autorités étatiques quand celles-ci affichent aussi des comportements hors-la-loi.
Ce sont les uns comme les autres qui peuvent conduire le pays dans ce que, on ne sait par quelle magie, nous avons pu éviter jusqu’ici malgré les dangers quotidiens quand on vit au milieu d’un peuple qui ne peut accomplir les besoins les plus basiques comme le boire et le manger.
L’affaire du reporter-photographe disparu doit être proprement traité (oui avec persistance et clarté) pour ne pas inspirer d’autres professionnels de ‘disparitions provoquées’ qui attendent seulement que la voie soit libre pour nous précipiter dans le volcan.
On dirait qu’il manque des cours de politique, de psychologie politique, dans la Police Nationale d’Haïti.
Il n’est pas trop tard.

Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince