Jovenel et Jude au second tour'
Mais le dilemme reste le même
JACMEL, 8 Novembre – Jusqu'au dernier moment des tracts circulaient sur l'internet et les réseaux sociaux annonçant une victoire dès le premier tour pour le candidat du pouvoir, avec un pourcentage de 52 à 54% des votes ...
La semaine d'avant c'est la presse de Santo Domingo qui avalisait cette thèse. Washington ayant peur d'un second tour qui prolongerait l'agonie d'une élection haïtienne toujours impossible à tenir, serait prêt à laisser faire Michel Martelly.
Mais le jeudi 7 novembre le Conseil électoral provisoire (CEP) proclamait des résultats (préliminaires) qui renvoient le candidat du pouvoir, Mr Jovenel Moïse (32.81%), au second tour avec Mr Jude Célestin (LAPEH – Ligue haïtienne pour la paix et l'émancipation d'Haïti) : 25,27%.
Les autres candidats ont 72 heures ouvrables pour formuler leurs contestations. Plusieurs s'y engagent.
Donc 1 à zéro sur Michel Martelly !
En effet, on dit que le président redoute le second tour qui risque de placer son candidat face à une coalition globale de l'opposition.
Le 3e larron ...
Cependant l'opposition a-t-elle reçu le message ?
On ne sait pas.
Mais ce qu'il importe de retenir pour l'instant c'est l'attitude du 3e larron, Washington.
Recevant des journalistes actuellement en stage dans la capitale fédérale, à l'invitation de la station officielle La Voix de l'Amérique, le coordonnateur spécial pour Haïti au Département d'Etat américain, Kenneth Merten, a déclaré : les Etats-Unis n'appuient aucun candidat en Haïti, ils souhaitent une transition pacifique du pouvoir à travers de bonnes élections respectueuses de la volonté populaire.
Voyons voir un peu. Et si Washington avait décidé de faire un test. Les Haïtiens ne cessent de répéter que ce sont les Etats-Unis qui décident pour eux.
Et si les Etats-Unis avaient décidé : donnons-leur la possibilité de faire eux-mêmes leur choix ?
La balle est donc dès lors au pied de l'opposition haïtienne. C'est-à-dire les plus de 50 candidats à la présidence et formations politiques qui s'opposent au candidat du parti au pouvoir.
Que vont-ils faire ?
Plusieurs ont annoncé leur intention de contester devant le tribunal électoral les résultats proclamés, estimant qu'en vertu des chiffres en leur possession, soit qu'il y ait un élu au premier tour, et c'est soi-même - c'est le cas avec le candidat venant en 3e position dans les résultats proclamés, Moïse Jean-Charles (Pitit Desalin) :14.27% et aussi Maryse Narcisse (7.05%), la candidate de Fanmi Lavalas solidement soutenue par l'ex-président Jean-Bertrand Aristide ; soit ils exigent la formation d'une commission d'enquête indépendante pour analyser à nouveau les votes et procès verbaux en vertu des dénonciations de fraudes massives portées à la connaissance du CEP ...
Nouveau tournant dans la conjoncture ...
Soit qu'ils aient déjà lancé leurs partisans dans les rues où ils font face depuis le même jeudi de la proclamation des résultats, aux forces de la police nationale.
Mais rien qui adresse de près ou de loin ce nouveau tournant dans la conjoncture électorale.
En un mot tout le monde continue sur sa lancée. Mais le président Martelly aussi. Celui-ci espérant que Washington se fatiguera pour finir par réaliser qu'il n'y a rien à tirer de l'opposition politique haïtienne que toujours plus de piétinement. Et que, à moins d'une décision en haut lieu, comme en 2010-2011 l'entrée en scène d'une commission de l'OEA pour déclarer manu militari qui est le vainqueur (et ce fut lui Michel Martelly bien sûr), eh bien on n'en sortira jamais.
Le dilemme haïtien ...
Car le problème des Haïtiens c'est Washington ; tout comme les Haïtiens constituent un problème pour Washington.
Tous savent que le protagoniste principal ce n'est ni Martelly, ni Guibert ni Gauthier, c'est le Département d'Etat américain ...
Mais faut pas le dire pour ne pas s'attirer l'insulte d'être le complice du 'blanc'.
Donc avantage pour Martelly car ce dernier s'en fout qu'on le considère comme le 'tchoul' de Washington.
De son côté, Washington ne sait plus comment traiter le dilemme haïtien, un pays qui vous accuse de vouloir lui imposer vos quatre volontés mais dont, même après une parenthèse de 5 ans de mandat Martelly exécrable aux yeux de son opposition, la classe politique ne fait rien pour présenter un front uni avec lequel on peut négocier une solution viable.
Haïti n'est pas seule au monde ! ...
Une nouvelle fois, et une fois comme de coutume, c'est le même cas de figure. On tempête, on manifeste, tous les prétextes sont bons, on brûle des caoutchoucs, on gueule et on s'engueule, on s'entretue aussi hélas, mais pas un effort, entre autres par lâcheté, pour trouver une approche nouvelle (ou pour paraphraser le professeur Lesly Manigat, une 'percée louverturienne') pour tirer autant que possible parti de la nouvelle conjoncture.
Jusqu'à ce que l'on décidera à nouveau à notre place. Car ce que nous tardons depuis trop longtemps à réaliser : Haïti n'est pas seule au monde !
Il y a un rapport d'interdépendance qui fait que, même en se battant pour reconquérir notre souveraineté, nous ne sommes pas libres d'en faire à notre tête.
Le reste, c'est de la démagogie.
Haïti en Marche, 8 Novembre 2015