PORT-AU-PRINCE, 2 Juin – Le centre-ville de Port-au-Prince livré aux démolisseurs. Sans communiqué officiel, une bonne partie de la capitale haïtienne est depuis le vendredi 30 mai, en pleine opération démolition. Des immenses bâtisses en béton réduites en poussière en un clin d’œil.
En première ligne viennent les gros engins lourds du ministère des Travaux publics qui abattent les plus hautes murailles. Puis cédant la place à des centaines de particuliers armés de masses, de pioches et de pinces qui se mettent à dépecer les décombres de leur armature métallique, fer qu’ils vont ensuite revendre sur le marché local. Et dont une bonne partie serait embarquée pour l’étranger.
Cette opération se déroule dans un immense quadrilatère délimité au nord par la rue des Casernes et au sud par la rue St Honoré, donc trois blocs, à l’est et à l’ouest respectivement par la rue Réunion, à un bloc du palais national, et jusqu’à l’Avenue Jean Jacques Dessalines.
Selon le président de la commission communale, Pierre Richard Duplan, l’opération s’étendra jusqu’à la mer.
Tout doit être aplati, aplani ; seules exceptions les églises et autres temples, les tribunaux, le Pénitencier national et certaines écoles.
Mais notre confrère Radio Télé Méga a dû plier bagages. Nos sympathies à l’ami Charléus et son personnel.
Jusqu’à lundi matin il n’y avait encore aucune information officielle. Lors d’une conférence de presse en milieu de journée, le secrétaire d’Etat à la Planification dessina le cadre légal des opérations. Il s’agit d’une loi de 1979 sur la notion d’utilité publique qui a été remise en état après le séisme. La police est sur les dents. La pagaille s’amplifie. Les démolisseurs individuels menacent d’intervenir dans des zones ou des bâtiments qui ne seraient pas compris dans l’opération.
Même les cadres officiels se plaignent de l’absence de l’Etat qui aurait dû rendre public, relèvent-ils, un plan plus détaillé délimitant les zones d’intervention.
Ensuite que deviendra l’espace ainsi dégagé, du moins dans l’immédiat ?
On a vu comment des zones détruites par le séisme sont devenues des camps abritant autant le banditisme organisé que les vrais réfugiés ! Ces derniers refusant ensuite de dégager les lieux.
Jusqu’à ce lundi, on n’a aucune idée des projets qui sont conçus pour cette immense partie du centre-ville de la capitale laissée béante …
Ni dans quel délai ces éventuels projets pourraient être réalisés. Ni si les fonds sont disponibles. Alors même que l’on vient d’annoncer la fermeture du FRH (Fonds pour la reconstruction d’Haïti).
Pourquoi l’Etat a-t-il choisi ce moment précis pour opérer un tel chambardement, alors qu’on devrait être en train de rechercher un peu de calme s’il est vrai qu’on est à la veille de compétitions électorales.
Beaucoup de questions se posent. Et surtout si cet espace laissé béant au centre de Port-au-Prince ne va pas devenir pour le moment un immense no man’s land favorisant le grand et le petit banditisme.
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince