Haïti parmi les principales victimes du réchauffement climatique
MEYER, 4 Décembre – Il a fallu la conférence de Paris sur le climat (COP21), qui se tient jusqu'à mi-décembre, pour nous apprendre que Haïti est l'un des trois pays à avoir été les plus affectés, ces vingt dernières années, par le phénomène climatique.
Selon un rapport du groupe de sensibilisation Germanwatch, basé à Bonn (Allemagne), intitulé Index sur le Risque Climatique Global 2016, montrant les nations les plus affectées par les conséquences du réchauffement extrême de la température, entre 1998 et 2014, Haïti figure en tête avec le Honduras et le Myanmar.
Viennent ensuite les Philippines, le Nicaragua, Bangladesh, Vietnam, le Pakistan, la Thaïlande et le Guatemala.
Donc en gros des pays de l'Amérique du Sud et de l'Asie du Sud-Est.
En tout, 525.000 personnes sont mortes comme résultat direct de ces cas d'élévation extrême de la température globale.
Provoquant sur le plan économique des pertes de l'ordre de quelque 2.97 trillions de dollars.
Températures extrêmes comme celles que nous avons subies cette année ...
L'analyse du groupe de conscientisation allemand démontre donc que des phénomènes comme la sécheresse prolongée (comme celle qui a sévi cette année en Haïti) sont une conséquence du réchauffement planétaire (et pas seulement comme on avait l'habitude de l'expliquer jusqu'ici du simple phénomène climatique cyclique dénommé El Niño), ainsi que conséquemment la famine qui résulte de cette sécheresse hors du commun.
Mais le rapport de Germanwatch ne s'arrête pas là, notant aussi comme autres conséquences majeures du phénomène : l'élévation du niveau des océans avec la fonte des glaciers, et la hausse de la température des mers ainsi que leur degré d'acidité.
En ce qui concerne donc notre Haïti, un nombre croissant de recherches établit une directe connexion entre le réchauffement climatique - qui fait actuellement l'objet de la conférence qui a réuni à son ouverture à Paris (France), le 30 novembre écoulé, plus de 150 chefs d'état et de gouvernement - et les températures extrêmes comme celles que nous avons subies cette année (2015) ainsi que la sécheresse persistante qui en est résultée et qui a brûlé toutes les plantations et anéanti les récoltes aux quatre coins de la république.
Un avertissement formel ...
Le rapport de Germanwatch est formel à cet égard, indiquant que ce niveau d'exposition et de vulnérabilité aux températures extrêmes devrait être interprété comme un avertissement par ces pays pour se préparer à des épisodes semblables et encore plus fréquents dans le futur.
Germanwatch appelle aussi les négociateurs à la conférence de Paris à arriver à un accord universel pour prévenir une catastrophe climatique.
'Paris doit déboucher sur une décision de portée la plus large et la plus durable afin de protéger les populations les plus affectées', recommande le rapport.
Les autres causes de désastres dues aux phénomènes climatiques extrêmes, n'en restent pas moins aussi la croissance démographique en des endroits vulnérables et la non protection contre ces événements, expliquent aussi les experts.
Un phénomène tout nouveau ...
Ce message est-il passé en Haïti ?
Si peu !
Les rares interventions sur la conférence de Paris sont à l'initiative de certaines missions diplomatiques étrangères. Donc pas assez branchées sur nos particularismes locaux.
Du fait aussi que le pays manque d'experts dans les domaines scientifiques. Nos gradués trouvent plus d'intérêt, mais probablement aussi plus de débouchés dans les branches littéraires et sociologiques.
En même temps que, paradoxalement, c'est là aussi qu'on trouve les plus conscientisés. Malheureusement la question climatique reste encore chez nous un phénomène tout nouveau.
Solutions alternatives ...
Alors que nous y sommes plongés jusqu'au cou, à lire un autre rapport paru la même semaine et publié par Planet Worth, en partenariat avec les firmes et organisations Abt Associates, Chemonics, Helvetas, Tetra Tech, le Programme des Nations Unies pour le Développement et Zurich, rapport explorant les solutions alternatives dans le combat contre le réchauffement climatique.
Et dans ce contexte paraît un article sur Haïti.
'Comment transformer le changement du stade de crise à celui d'opportunité'.
L'article a pour cadre la Plaine du Cul de Sac, au nord de la capitale Port-au-Prince, où les récoltes ont presque toutes été perdues cette année à cause de la sécheresse.
Ce sont 1 milliard d'êtres humains qui vivent la même situation à l'échelle de la planète, et auxquels viendront s'ajouter 3.5 autres milliards dans environ 10 ans.
Cette situation pose une pression cruelle sur le système des petites plantations agricoles dans le monde, alors que 80% des fournitures alimentaires mondiales en dépendent, et qu'on prévoit vers 2050 une population à l'échelle de la planète de 9.6 milliards.
Pour aider les petits planteurs comme ceux de la Plaine du Cul de Sac, ces grandes agences recommandent aujourd'hui un système d'agriculture plus sensible au climat.
Le nouveau défi est d'intégrer ce secteur dans un système aussi soucieux de la sécurité alimentaire que du changement climatique. Alors que ces dernières décennies on s'est surtout concentré sur la croissance et l'augmentation de la production.
Plantation suspendue et irrigation goutte à goutte ...
Aujourd'hui la technologie et la science et des pratiques d'agriculture moderne sont la clé pour augmenter la productivité des petites unités agricoles (chez nous de nos petits planteurs) et leurs revenus.
En Haïti, la firme de développement international Chemonics fait la promotion d'un modèle de plantation suspendue en montagne, et d'un système d'irrigation goutte à goutte qui permet d'économiser de l'espace et de l'eau. Permettant au fermier de tirer le plus du moins d'eau que possible, en même temps que cela doit aider à régénérer les montagnes dénudées qui contribuent au désastre environnemental en Haïti.
L'Agence américaine pour le développement international (USAID) a fourni du financement pour aider à réhabiliter plus d'une centaine de kilomètres de ravins en Haïti, planter 5.6 millions d'arbres et construire un barrage dit de diversion devant arroser et protéger les terres de 50.000 petits fermiers contre les inondations fréquentes dans la Plaine du Cul de Sac.
Enfin cela participe aussi à la lutte mondiale contre le phénomène climatique car selon la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'Agriculture et l'Alimentation), l'agriculture et la culture de la terre sont responsables pour 24% dans l'élimination des gaz à effet de serre, cause principale du réchauffement climatique.
Haïti au 4e rang mondial de vulnérabilité ...
Voici aussi quelques chiffres cités dans une intervention signée du nouvel ambassadeur des Etats-Unis en Haïti, Peter F. Mulrean, à l'occasion de la conférence de Paris : 'Haïti, en tant que Petit Etat Insulaire en Développement (PIED) est exposée à différents phénomènes liés au climat. Les variations au niveau du régime pluviométrique, l'augmentation de la température ambiante, les périodes prolongées de sécheresse constituent, parmi tant d'autres, des signaux climatiques observés à travers le pays. Les scénarios établis en Haïti montrent d'ici à 2030 un accroissement de la température – de 0.8 à 1 degré C, une diminution de la pluviosité annuelle de 6 à 20%, un décalage de la saisonnalité des pluies et une augmentation du niveau moyen de la mer. En 2014, Haïti a été classée au 4e rang mondial de vulnérabilité aux effets des changements climatiques.'
Toujours pour Haïti, 'les coûts cumulés des impacts du dérèglement sans prendre de mesures préventives sont estimés à 1.8 milliard de dollars US et à 77 millions en prenant des mesures d'adaptation à l'horizon 2025.'
Les grandes agences internationales font peu usage des cadres locaux ...
Cependant on lit peu de ce genre de rapports dans notre littérature locale (journaux et autres publications). La faute en est que nos scientifiques ne se comptent même pas sur les doigts d'une main. Pour les raisons d'absence d'utilisation que nous avons mentionnées plus haut.
Mais aussi que les grandes agences internationales font peu usage de leurs services.
Par exemple, l'américaine USAID, critique-t-on, frappe toujours aux mêmes portes, dans un jeu de relations qui ne laisse pas de chance au nouveau venu. Et de génération en génération. La politique du 'scatch my back ...' (gratte moi le dos, je te gratterai le tien.)
Dépendre en tout et pour tout de l'assistance ...
Mais d'un autre côté il y a aussi chez nos locaux une forte tendance à tout idéologiser (comme une nostalgie des bancs de l'université) et qui fait porter davantage l'accent sur la critique (on s'enflamme pour la dette envers les pays du Sud de la part des riches pays développés qui sont les principaux responsables du réchauffement climatique) mais quand il en vient aux dispositions pour mieux protéger notre propre pays, on est moins inspiré.
Vieille séquelle aussi du temps de la dictature Duvalier qui faisait peu de différence entre critique négative et critique positive.
Mais il est temps de changer. Surtout que ce sont aussi les mêmes qui subissent le plus l'indignation de dépendre en tout et pour tout de l'assistance internationale.
Haïti en Marche 5 Décembre 2015