MIAMI, 10 Mai – Une délégation de l’opposition dite radicale est revenue d’une visite sur invitation aux Etats-Unis.
Elle a été reçue par des officiels, dit son porte-parole Me André Michel, mais sans préciser lesquels lors de sa conférence de presse à Port-au-Prince.
Récemment une pétition signée de plusieurs dizaines de membres du Congrès américain a circulé dans laquelle ces derniers s’élèvent contre le peu de réaction soulevé dans les milieux officiels en Haïti par ce qu’on appelle le massacre de La Saline : pas moins de 70 personnes tuées froidement en quelques jours par des gangs armés dans ce quartier pauvre de la capitale haïtienne.
On annonce pour bientôt la visite en Haïti d’une délégation comprenant des signataires de cette pétition.
Cette dernière a eu assez de résonnance pour que les grandes ambassades trouvent nécessaire d’afficher publiquement leur engagement dans la défense des droits humains.
C’est d’abord l’Ambassadeur des Etats-Unis, Mme Michele Sison, recevant le no.1 du RNDDH (Réseau national de défense des droits humains), M. Pierre Espérance qui, selon une agence d’informations locale (Alterpresse), avait reçu auparavant des menaces de mort …
Tandis que l’Ambassadeur de France, José Gomez, reçoit le vendredi 10 mai des représentants de plusieurs organisations de défense des droits de l’homme : RNDDH, CARDH (Centre d’analyse et de recherche en droits de l’homme), POHDH (Plateforme des organisations haïtiennes des droits humains) et BDHH (Bureau des droits humains en Haïti).

Aucune remise en cause du gouvernement lui-même …
Cependant tout en souhaitant que ‘toute lumière (soit) faite sur ces terribles événements’ (et que) ‘l’enquête en cours permette de déterminer les responsabilités et de punir les coupables et les commanditaires’, les honorables ambassadeurs se gardent bien de remettre en cause la responsabilité des gouvernants haïtiens.


Pour la raison bien simple qu’ils sont également ami-ami avec le pouvoir en place.
Ainsi donc nous vivons aujourd’hui une situation sans précédent où l’opposition de même que le pouvoir politique, émanent pour leur reconnaissance pour ne pas dire, leur légitimité, de la même source, du même tronc commun : la communauté internationale.
Et qui plus est, à la satisfaction des uns comme des autres.

Pouvoir et opposition égal à égal …
La délégation du secteur dit radical se déclare satisfaite de sa visite aux Etats-Unis, même si elle s’est montrée plutôt avare sur l’identité des personnalités rencontrées, voire sur le contenu des conversations.
En même temps que le président Jovenel Moïse n’a pas eu à se plaindre jusqu’à présent de l’appui que lui apporte (d’abord pour se maintenir au pouvoir face à une opposition très agressive) l’administration Trump, surtout depuis que Haïti vote aux côtés des Etats-Unis (Organisation des Etats Américains, ONU) dans la lutte acharnée depuis la Maison blanche (Washington, DC) pour le renversement du président vénézuélien Nicolas Maduro.
Donc satisfaction fifty-fifty. Or justement puisque chacun est assuré de sa force, aussi bien le palais national que l’opposition même la plus radicale, pourquoi l’un ou l’autre ferait le premier pas dans un effort pour mettre fin à la crise ?
Comme la tentative de formation du nouveau cabinet ministériel - dont la composition laisse tellement à désirer.
D’une part, des partis d’opposition qui devaient désigner un ministre, ont fait volte face. Du moins officiellement !
Mais même intransigeance de la part du parti au pouvoir (le PHTK de l’ex-président Michel Martelly, celui-ci toujours aux commandes, dit-on, dans les coulisses) qui insiste pour conserver les ministères les plus importants … les plus stratégiques, eu égard aux élections législatives devant avoir lieu, en principe, avant la fin de l’année.

L’intérêt général sacrifié au jusqu’auboutisme intéressé des uns et des autres ! …
La crise politique et gouvernementale donc ne bouge pas …
Pouvoir et opposition se considérant d’égal à égal.
Comme quoi seul l’international qui compte en ce moment.
Quant au pays lui-même c’est une autre histoire !
Oui, situation sans précédent. En 2004, l’opposition (réunie au sein du Groupe des 184, tous secteurs confondus, groupes armés, droits humains, associations de presse etc) avait la faveur de la communauté internationale … mais pas Aristide, celui-ci finira par rendre son tablier (29 février 2004).
Sous la dictature Duvalier, la presse indépendante a bénéficié de la protection de l’administration Carter (1976-1980) mais une fois Carter battu aux élections par Reagan, les journalistes, syndicalistes et autres militants en question étaient prestement liquidés (prison et exil).
Conclusion : on ne fait pas jeu égal avec le pouvoir.
Du moins c’était jusqu’à présent le cas.
Mais les temps changent. Démocratie oblige !
Quoi qu’il en soit, nous pensons que l’opposition ainsi que les organisations de la société civile devraient se méfier que l’intérêt général ne finisse par être sacrifié à cause du jusqu’auboutisme (intéressé ?) des uns et des autres, pouvoir et opposition, encouragés par leurs bonnes relations avec l’international, forts de leurs relations si l’on peut dire en haut lieu … si haut que la situation réelle (le sort des 11 millions de citoyens) finisse par être totalement ‘freezed’ (bloquée) et pour longtemps, dans un pays qui disparaît à vue d’oeil.
Pays ‘lock-ed’ mais dont la clé ne semble cette fois entre les mains d’aucun de nous : ni pouvoir, ni opposition, ni le pauvre citoyen qui va occasionnellement sur les barricades.

Haïti en Marche 10 Mai 2019