Un tribunal dominicain tranche en faveur de travailleurs haïtiens

MIAMI, 20 Avril – Un million de dollars c’est la compensation décidée par un tribunal à Santo Domingo en faveur d’une centaine de travailleurs haïtiens qu’on estime avoir été abusés par leur patron dominicain.
Plus que tout c’est la valeur symbolique d’une telle décision qui mérite d’être relevée.
C’est la première fois que les droits des ouvriers migrants haïtiens dans la république voisine se trouvent reconnus à ce niveau.
Mais symbolique aussi en Haïti même, où aucun tribunal du travail n’a jamais osé trancher aussi nettement en faveur de simples salariés.
Selon un bulletin du GARR (organisation haïtienne appuyant la cause de nos expatriés dans le pays voisin), la Cour d’Appel civil de San Cristobal a prononcé son verdict dans l’affaire opposant une centaine de travailleurs migrants haïtiens à l’entreprise Coquera Real que dirigeait l’homme d’affaires Alonso Luna. La sentence lue en faveur des ressortissants haïtiens, le 2 avril 2013, en présence de leurs avocats dominicains, les frères Carlos et Lucas Sanchez, ordonne que soit remise une compensation de 30 millions de pesos dominicains aux Haïtiens qui ont travaillé pendant une dizaine d’années dans cette entreprise de noix de coco.

 

L’Etat haïtien a, comme toujours, brillé par son absence …
Parmi les organisations qui ont appuyé la cause des Haïtiens, on mentionne entre autres la fondation Zile avec pour coordonnateur l’ex-ministre des Haïtiens vivant à l’étranger sous la présidence de René Préval, Edwin Paraison.
L’Etat haïtien a, comme toujours, brillé par son absence.

 

Le capital seul compte …
Cela ne devrait guère étonner vu que en Haïti la notion ‘open for business’, si à la mode, n’a jamais concerné le travailleur, le salarié mais seulement le porteur de capitaux.

 


Le capital seul compte. Le travail. Pourquoi ? On se bouscule à la chaine. N’est-ce pas le pays au plus fort taux de chômage du continent. Et le reste à l’avenant.
Aussi qui l’eût cru, oui que la leçon nous viendrait de la république voisine, un pays plus connu pour son exploitation à outrance de la main d’œuvre haïtienne.
Dans le cas en question, l’entrepreneur les a utilisés pendant dix ans, puis a fermé ses portes pour raison de trésorerie mais en jetant ses employés dans la rue sans la moindre compensation.

 

Ils auraient pu être aussi des salariés dominicains …
Or soudain, incroyable mais vrai, voici ces ressortissants haïtiens, en majorité des résidents non permanents, qui occupent pendant près d’un mois l’entrée du Ministère du travail, à Santo Domingo, réclamant le respect de leurs droits.
Et sans être chargés par la police dominicaine, habituellement si prompte à cela ?
Explication. Ils auraient pu être aussi des salariés dominicains. C’est pas une question de sans papiers haïtiens, c’est la loi du pays qui est en cause.
C’est de manière extraordinaire ainsi que la question a été considérée et traitée par la justice du pays voisin.

Aussi bien les droits du capital que ceux du travail …
En un mot, les salariés haïtiens ont reçu un traitement qui leur est pratiquement interdit dans leur propre pays.
Aujourd’hui comme hier.
Que ce soit sous la fameuse ‘révolution économique’ de Jean Claude ‘Baby Doc’ Duvalier (années 1970) où les syndicats ouvriers étaient carrément interdits, que sous l’actuelle campagne du gouvernement Martelly-Lamothe où le mot de travailleur n’intervient que pour vanter le coût infiniment bas de la main d’œuvre haïtienne.
Il a fallu le jugement d’un tribunal dominicain pour venir nous rappeler qu’un pays n’est vraiment ‘open for business’ que lorsque tous les droits concernant le marché des investissements, mais aussi bien les droits du capital que les droits du travail, sont fixés une fois pour toutes car l’investisseur sérieux n’entend pas se retrouver devant une situation inattendue (politique ou autre) qui viendrait mettre ses actifs en danger, alors seulement peut-on parler de stabilité et de durabilité.

Mercenariat financier …
Le reste c’est du mercenariat financier.
Tout à fait comme la tant célébrée ‘révolution économique’ des années Baby Doc …
Qu’en reste-il ?
Les voisins dominicains quant à eux prouvent qu’ils sont capables de mettre leurs ressentiments personnels en arrière de la défense de leurs intérêts dans la durabilité.
Et que le véritable développement est une institution et non un accident.
D’où leur progrès continu.
Et notre recul sans fin.

Haïti en Marche, 20 Avril 2013