L’incontournable Dialogue …

PORT-AU-PRINCE, 4 Janvier – Les leaders politiques haïtiens feraient bien d’en prendre note : le mot clé dans toutes les relations avec l’ONU pendant l’année 2020 c’est Dialogue.
Or devant les complexités de la crise politique haïtienne, les autres membres du Core Group ou ensemble des ambassadeurs des pays les plus engagés dans la problématique haïtienne, ont pris la décision de confier la présidence de leur groupe au représentant spécial de l’Organisation des Nations Unies (ONU) dans le pays.
Actuellement c’est Mme Helen La Lime, Représentante spéciale pour Haïti et Chef du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) – une citoyenne des Etats-Unis.
En un mot l’ONU joue le rôle, apparemment incontournable de liaison, si ce n’est d’arbitre dans la crise qui fait rage dans notre pays depuis près de deux ans.
Si ce n’est plus, étant donné les importants moyens dont elle dispose et qui ne sont à la portée ni du pouvoir en place, ni de l’opposition.
Et d’abord ceux de pouvoir répondre directement aux besoins humanitaires d’un peuple qui en a plus besoin que jamais.
L’ONU c’est plusieurs organisations parallèles consacrées aux besoins essentiels soit de nourriture (Programme alimentaire mondial), soit la santé (OMS), l’éducation, les catastrophes naturelles … ainsi que l’organisation des élections.
Dès lors vu que ce sont les principaux problèmes auxquels fait actuellement face notre pays, l’ONU est, quoi que nous ayons à lui reprocher, irremplaçable.
Or voici que le mot qui fait rage dans la crise politique haïtienne, celui autour duquel on discute le plus intensément c’est le même que l’organisation internationale choisit pour être son image de marque, son leitmotiv à l’occasion du 75e anniversaire de sa fondation : Dialogue.


‘Aucun pays, aucun groupe n’est en mesure de surmonter à lui seul les problèmes complexes de notre planète. Nous devons nous rassembler. Pas seulement pour parler, mais aussi pour écouter. Votre participation à toutes et tous est absolument essentielle. Nous avons besoin de vos voix, de vos stratégies, de vos idées afin de mieux servir les femmes et les hommes du monde entier auxquels nous sommes dévoués.’
Aussi pas étonnant qu’au lendemain de l’assassinat ciblé par l’armée américaine d’un important dirigeant de la République islamique d’Iran, le Général Qassem Soleimani, le mot du Secrétaire général de l’ONU, Antonio Gutteres, est un appel à la ‘retenue’.
« Le monde ne peut se permettre une nouvelle guerre dans le Golfe. »
Mais là où les belligérants (Washington et Téhéran) peuvent ne pas trop s’en soucier, par contre nos responsables politiques (faut-il souligner qu’être membre de l’opposition n’en fait pas moins de vous, un responsable !) n’ont pas tous les moyens de leur politique et sont obligés de compter avec l’acteur choisi par la communauté internationale pour être son représentant.
Et voici le mot ‘Dialogue’ qui reste le maitre mot de la crise politique haïtienne, cette année encore plus qu’avant.
Mais tout dépend, bien sûr, de l’interprétation qui lui est donnée.
Nous savons que le politicien haïtien, à quelque tendance qu’il appartienne, et ce depuis toujours, passe pour être un habile prestidigitateur des mots et de la parole.
‘Pawòl pale, pawòl konprann’.
C’est-à-dire soit ne rien dire, soit dire ce que l’autre a besoin d’entendre mais sans aucun engagement véritable de sa part, soit surtout parler pour ne rien dire.
Ou comme disait mieux encore Talleyrand : ‘La parole a été donnée à l’homme pour mieux déguiser sa pensée.’
Que représente le dialogue pour le président de la République Joseph Moïse ?
Il faut le saisir à chaud, comme lors de sa récente intervention totalement (hélas) improvisée dans le cadre du ‘dialogue communautaire’ pour l’entendre promettre ni plus ni moins de « couper la tête » à tous ceux qui se mettraient en travers de son chemin et que, qui sait, il peut y avoir des ‘accidents’ …
Comment dialoguer ou promouvoir le dialogue avec une personne animée de pareilles intentions sinon … en l’attachant avec des cordes ?
Mais l’opposition n’est pas davantage claire sur la notion de ‘dialogue’.
Est-ce dialogue ni oui ni non ? Je t’aime moi non plus.
Quand en son propre sein on ne voit pas le dialogue toujours primer.
A moins de définir déjà qu’il y a opposition et opposition.
Une pour le dialogue et une qui ne l’est pas.
Mais le dialogue suffit-il pour déterminer qui est réellement sérieux ou pas.
Quand on sait que c’est un must pour le politicien haïtien de savoir ‘rouler sa langue.’ C’est-à-dire parler pour ne rien dire.
Par conséquent c’est la notion même de dialogue qui doit être rebattue comme un vieux jeu de cartes aujourd’hui usé jusqu’à la corde.
Et bon pour la poubelle … à moins d’être totalement revu et corrigé.
Ce qui nous ramène au choix par l’ONU (et par le BINUH – Bureau intégré des Nations Unies en Haïti) du mot Dialogue comme un incontournable dans toutes ses interventions en l’année de son 75e anniversaire …
Quel sens exact donner au mot Dialogue dans le cadre de la crise politique haïtienne ?
Cela vaut un premier débat avant les débats à venir.
Et du président Jovenel Moïse au plus radical de ses opposants.
Reprenons le mot de Talleyrand : assez de maquillage !
Assez de bluff !

Marcus-Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince