PORT-AU-PRINCE, 11 Septembre - Le tourisme pour les dirigeants et les milieux économiques haïtiens ce sont le foncier et le capital. Plus rarement parlera-t-on des résidents des lieux destinés à abriter les projets touristiques et que la publicité présente (image d’Epinal que l’on croit indispensable) comme une île déserte.
Le problème a été une fois posé en notre présence. Les promoteurs haïtiens (ainsi que nos officiels) avaient beaucoup de difficulté à y répondre. Qu’allez-vous faire des gens qui vivent sur place ?
Pendant que tous l’on se grattait la tête, l’un de nos interlocuteurs, un grand promoteur international, a poursuivi sans sourciller : voici comment nous faisons habituellement. Soit offrir à la communauté locale une participation financière (ce qui est plus rare) ; soit c’est eux qui ont la priorité dans le choix de nos futurs employés ; soit on achète leur production : produits alimentaires, artisanat ou autre.
Soit enfin nous destinons un pourcentage régulier de notre chiffre d’affaires à des projets au sein et au bénéfice de la communauté.
Les projets en question ne se sont jamais concrétisés. Et pour cause. Pas seulement pour ces raisons mais à cause d’une autre exigence des promoteurs internationaux : on ne traite jamais avec des particuliers ou des familles mais avec des sociétés. Ce qui constitue chez nous un autre handicap majeur.


Une autre question encore plus ironique a été de savoir : qu’est-ce qui garantit la concession quand celle-ci concerne le domaine public de l’Etat ?
Eh bien le même promoteur mentionné plus haut connaissait fort mieux que nous autres toutes les dispositions de la Constitution haïtienne, savoir que celle-ci interdit toute aliénation, quelle qu’elle soit, du domaine public de l’Etat. De quoi nous lancer dans une interminable discussion sur ce qui est domaine public et domaine privé de l’Etat. On ne nous l’a point appris à l’école.
Le tourisme ce n’est donc pas une simple affaire de bien foncier (l’île magique, l’île du bout du monde !) et de gros investissements.
Selon le promoteur précédemment cité, seul un équilibre convivial, empathique, symbiotique, avec le milieu où le projet est implanté qui constitue une vraie garantie d’avenir. Une protection durable.
Ainsi du projet ‘Labadee’. La Royal Caribbean Tours s’enorgueillit de la vue extraordinaire qui se découvre aux yeux de ses passagers lorsque le paquebot arrive en rade de Labadie.
Ce qui ne correspond en rien avec l’Haïti déboisée et désertifiée que l’on connait.
Or qu’est-ce qui protège la montagne dominant le village de Labadie ? C’est un accord qui a été trouvé avec le village pour garantir l’équilibre écologique dans cette petite région du Nord du pays, dans ce tout petit bout d’Haïti. La perle des Antilles ! Une véritable petite société à but non lucratif, un bon deal, entre le projet et le village et, comme on dit, sur une base gagnant-gagnant. Et qui fonctionne à merveille.
D’autre part, nous avons eu la chance d’écouter aussi une fois les explications du président dominicain (lors) Leonel Fernandez sur le formidable projet nommé Punta Cana.
On sait que c’est depuis les années 1970 l’un des pôles majeurs du tourisme dans le pays voisin. Et même dans la Caraïbe.
Punta Cana est un endroit autrefois consacré à la culture de la canne, mais grâce à ses plages naturelles bordant à la fois la Caraïbe et l’océan Atlantique, lorsque l’industrie sucrière dominicaine a perdu de son poids, Punta Cana s’est reconverti dans le tourisme.
Le président Fernandez de nous expliquer alors que le véritable intérêt pour l’Etat dominicain derrière cette entreprise ce ne sont pas les millions mais ceci : comment transformer un projet totalement privé en un instrument social sans précédent.
En effet, Punta Cana ne doit employer que des jeunes, garçons et filles. Secundo, ces derniers doivent avoir un métier lorsqu’ils laissent l’entreprise.
L’Etat dominicain fait face (comme nous aussi en Haïti) à une démographie galopante et avec une moyenne d’âge de moins de 30 ans.
Il faut tout faire pour canaliser cette jeunesse et l’éloigner autant que possible des mauvaises tentations, dont la criminalité.
Punta Cana, tout en étant un investissement totalement privé, a été ainsi utilisé par l’Etat dominicain à quelque chose de tout à fait extraordinaire.
Rien de cela qui soit impossible à Haïti !

Marcus - Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince