‘Nationalisation’ à la Jovenel Moïse !
MIAMI, 23 Novembre – L’Etat haïtien ne sait pas administrer. Faut-il encore le prouver ?
Alors que compte-t-il faire des entreprises de production d’électricité dont il est en train de prendre possession ?
En effet, selon les agences haïtiennes d’information (photos à l’appui), le président Jovenel Moïse a envoyé la justice procéder à la saisie des équipements de l’entreprise Sogener sur les sites de Varreux 1 et 2, dans la commune de Cité Soleil, pour le compte de la compagnie d’Etat, Electricité d’Haïti.
On sait l’actuelle administration Jovenel Moïse engagée dans un bras de fer avec les entreprises privées de production d’énergie électrique Sogener, E-Power et Haytrac autour du renouvellement de leur contrat avec l’Etat haïtien.
Or le pouvoir ne semblant avoir d’autre objectif que de mettre fin au contrat en question, le moment est venu de demander que compte faire l’Etat haïtien ?
On sait que le plus mauvais administrateur en Haïti n’est autre que l’Etat haïtien lui-même.
Et nul autre domaine ne le prouve davantage que celui de l’électricité.
Le mot black-out n’existe plus aujourd’hui qu’en Haïti.
D’autre part, faut-il rappeler que ce ne sont pas les compagnies privées qui sont allées vers l’Etat mais que c’est l’Etat qui est venu à elles.
C’est l’échec de l’Etat qui a donné lieu à leur naissance.
Et cela remonte à pas si longtemps. Car jusqu’à la fin de la dictature Duvalier (7 février 1986) il y avait le barrage hydro-électrique de Péligre suppléé par quelques relais installés au fur et à mesure que ce dernier devenait insuffisant, mais toujours sous la seule administration de la compagnie nationale, l’Electricité d’Haïti (ED’H).
Cependant le règne du black-out avait commencé …
A tel point que dès sa prestation de serment, le 7 février 1991, le président Jean-Bertrand Aristide se mit en devoir de commencer à chercher une solution.
Aristide est renversé par un coup d’état militaire quelques mois plus tard (septembre 1991), le pays tomba sous un embargo international qui n’arrangea bien entendu pas les choses.
Trois années plus tard, rétablissement de la démocratie, mais le prochain président élu, René Préval (7 février 1996) prêtera serment à la lumière des bougies.
Au fur et à mesure, la compagnie d’Etat, Electricité d’Haïti, se mit à éteindre elle aussi ses feux, mais ce n’est ni faute de capacité de production ni faute de carburant que par défaut de gestion. C’est là que le bât blesse. La compagnie d’Etat ne peut faire face à sa tâche principale qui est d’assurer la rentabilité du produit confié à sa gestion.
Bien sûr on invoquera le ‘cumberland’ (traduction locale de vol de courant) et l’impossibilité de poursuivre les contrevenants dans les quartiers populaires où les gangs font la loi …
L’ED’H n’a plus aujourd’hui que la peau et les os …
Mais il y a aussi les autres services, et pas seulement la production du courant électrique, qu’on voit au fur et à mesure confiés aux firmes privées ; en effet quid des frais d’installation du service dans les maisons privées comme sur les sites commerciaux, les transformateurs, pylônes, câbles et autres matériels, ce sont là aussi d’importantes rentrées mais que l’EDH a continué à abandonner à des privés.
Pourquoi l’Electricité d’Haïti n’a donc plus aujourd’hui que la peau et les os.
Outre que ses meilleurs techniciens l’ont laissé, dans la plupart des cas pour ouvrir leur propre entreprise.
Et malgré, depuis 2006, l’ouverture de la production vénézuélienne de carburant largement à Haïti par le Venezuela de Hugo Chavez, et le don à Haïti par ce dernier de trois centrales de production (Port-au-Prince, Cap-Haïtien, Gonaïves), l’Electricité d’Haïti a continué à péricliter.
Conclusion : c’est l’Etat qui devant l’échec patent de la compagnie nationale, est allé vers le privé. Et non le contraire.
Et aujourd’hui c’est le même Etat et dans les mêmes conditions, qui annonce son intention de prendre en main la production de l’énergie électrique.
Comme cela vient de commencer avec la prise de possession des équipements de la compagnie Sogener lors d’une descente de lieux opérée sur les sites qui les abritaient dans la commune de Cité Soleil d’ordre du commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Jacques Lafontant, à la Direction Départementale de la Police pour accompagner les techniciens de l’Electricité d’Haïti sur les lieux.
Donc ‘dès la présente reçue’, l’Etat prend en main la production et la distribution d’électricité en Haïti.
Si ce n’était pas aussi triste, il faudrait en rire !
Risque de transformer l’électricité en Haïti en un produit de luxe et à la portée uniquement des riches …
On peut se préparer. Ce n’est plus le black-out, c’est le noir le plus noir c’est l’obscurité la plus totale.
Jovenel Moïse prend là une responsabilité dont il ne semble pas mesurer toute l’ampleur.
A moins que Monsieur le président de la République ait perdu la raison (et sauf à abandonner le pouvoir immédiatement comme son opposition le réclame !), il reste comme option devant l’impossibilité, reconnue nationalement et internationalement, par l’Etat de gérer la question Electricité, de gérer tout court, en conclusion c’est soit d’engager une autre firme privée (on soupçonne le président d’avoir des alliés puissants qui attendent impatiemment dans les coulisses, attirés par les centaines de millions générés, paraît-il, par cette industrie, mais ces derniers ont-ils la technologie – technostructure - nécessaire pour remplir immédiatement la tâche) ; soit de donner la production à une société étrangère, au risque de transformer l’électricité en Haïti en un produit de luxe et à la portée uniquement des riches ; soit … oui de négocier avec les mêmes compagnies locales qui ont déjà la maitrise du domaine, quitte sur des bases plus avantageuses pour le consommateur (non pour remplir les caisses déjà lourdes des détenteurs du pouvoir) et avec le concours dans le processus de négociation des instances internationales spécialisée.
C’est ça ou la disparition totale du pays lui-même car l’électricité c’est pas seulement l’éclairage mais aussi le commerce, l’industrie, le tourisme, le développement mais aussi la sécurité, bref tout. Dieu dit que la lumière soit, sinon ce sont les ténèbres absolues.
Est-ce que Jovenel Moïse et sa batterie d’avocats, de juges et d’acolytes savent à quoi ils jouent ?
A quoi ils nous exposent ?
En même temps que tous, il est vrai aussi, pratiquement tous restent à les regarder faire. Comme si ce n’est pas notre sort qui se jouait ?
Marcus-Haïti en Marche, 23 Novembre 2019