PORT-AU-PRINCE, 6 Octobre – Le Premier ministre Laurent Salvador Lamothe a eu à propos du cholera un simple mot mais qui peut changer beaucoup, celui de moralité. ‘L’ONU a une responsabilité morale en Haïti’ a-t-il déclaré dans son allocution devant la 68e Assemblée générale des Nations Unies, le jeudi 26 septembre écoulé.
Il n’y a pas assez de participation de la société civile, nationale et internationale, dans ce dossier qui est resté surtout la chasse gardée du Secrétariat général de l’ONU et des gouvernants haïtiens. Très peu de réactions enregistrées au niveau des grandes chancelleries. Y compris du Conseil de sécurité. Donc la question demeure prisonnière de la paperasserie onusienne. Qui au fond n’a aucun pouvoir. On (et nous entendons d’abord les Haïtiens) n’a pas su mobiliser autour de l’une des plus grandes ‘catastrophes humanitaires’ du monde moderne. Justement c’est l’ONU qui utilise ce langage et elle s’est jusqu’ici gardée de le faire. Pourquoi ? Un mal qui a emporté plus de 8.000 compatriotes et infecté quelque 700.000 en deux ans depuis son apparition, même la tragédie des enfants soldats qui n’en ait fait pire.
Merci Professeur ! …
Le plus étonné de ce silence complice a été le professeur français Renaud Piarroux, c’est lui qui après une investigation menée sur l’un des affluents du fleuve Artibonite (non loin de Hinche, Centre) a le premier identifié le bacille comme le même qui faisait rage au même moment au Népal, pays d’où nous était venu un bataillon de casques bleus onusiens installé dans les parages.
Simple question d’infrastructures d’hygiène mais l’apparition pour la première fois en Haïti d’un mal jusqu’ici inconnu.
Pour le professeur Piarroux, il n’y a qu’en Haïti que cela peut ainsi se passer. Merci Professeur !
D’autres missions scientifiques ont abouti aux mêmes conclusions. Dernière en date, celle de l’université américaine Yale.
Paperasserie onusienne …
Mais rien n’a changé. On n’a (nous n’avons) pas su utiliser ces moments forts, ces données et conclusions pertinentes pour sortir du silence complice. Nous laissons nos 8.000 compatriotes rester sans sépulture dans les basses fosses d’une paperasserie onusienne si massive qu’elle ne peut avoir d’oreilles pour écouter les cris de tous les damnés de la Terre, y compris ceux survenant de sa propre initiative.
Only in Haiti, dit cependant le Professeur Piarroux.
Par contre un nouvel éclairage au niveau du citoyen moyen dans le monde peut apporter une plus large sensibilisation sur ce fait inimaginable d’avoir apporté dans un pays un mal aussi terrible, quoique curable, puis de refuser de l’admettre malgré les affirmations des scientifiques les plus éminents.
Bien entendu c’est plus que refus d’assistance à personne à danger c’est comme une sorte de totalitarisme. Et rappelez-vous que nous parlons de l’organisation numéro 1 pour porter secours à populations en danger.
‘Responsabilité morale’ …
Donc un crime (puisqu’il faut bien l’appeler par son nom) sur lequel les dirigeants de l’ONU continuent de naviguer en toute impunité, étant donné que les nations, grandes et petites, qu’elle représente, crise économique aidant, laissent l’impression d’avoir d’autres chats à fouetter.
Mais le mot ‘responsabilité morale’ peut nous faire sortir du carcan des gouvernements et de leur cynisme serait-ce de circonstance (crise économique aidant) pour que désormais ce soit chaque habitant de la Terre qui se sente (ou puisse se sentir) concerné.
C’est quand le Sida a commencé à être vécu comme une ‘responsabilité morale’ (tout comme la tragédie des enfants soldats – à voir le très beau film de Kim Nguyen intitulé Rebelle, oscarisable) ou encore la famine au Sahel qu’on verra de célèbres chefs d’entreprise (tel un Bill Gates) ou des philanthropes même mondains comme une Lady Diana (de regrettée mémoire) et enfin des chefs d’Etat, pour ne pas être en reste, choisir d’en endosser la lutte comme un héritage immatériel à laisser par leur passage au sommet de la gloire autrement si frivole (comme le projet PEPFAR du président George W. Bush).
Irresponsabilité immorale ! …
Mais jusqu’à présent le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a su faire tant et si bien qu’il a pu garder le crime d’introduction du cholera en Haïti enterré sous l’immense tapis de son bureau au grand bâtiment de verre sur la rivière Hudson.
En faire désormais une ‘responsabilité morale’ c’est non pas lui tourner le dos à la cible principale mais c’est prendre la citadelle à revers.
Mais sans oublier que dans ‘responsabilité morale’, attention, il y a responsabilité et qu’il nous faut d’abord commencer par accepter la nôtre.
Et le gouvernement haïtien pour commencer. Sinon c’est tout à fait le contraire, oui : de l’irresponsabilité immorale !
C’est rejoindre Ban Ki-moon dans sa négation et que l’Haïtien, qui Dieu merci a toujours le mot pour rire, avait tôt fait de traduire dans une formule si bien enlevée : Banm Ki-Moun ? Dis moi qui a fait ça?
Marcus-Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince