JACMEL, 22 Février – La presse rapporte que le premier Cardinal de l’histoire d’Haïti, Mgr Chibly Langlois, qui a été consacré par le Pape François samedi au Vatican, a déclaré à son départ d’Haïti que la situation économique est alarmante et que le peuple a faim.
Cependant les officiels haïtiens maintiennent qu’il y a des progrès au plan économique en se référant aux derniers indicateurs par rapport à l’année précédente (2012-2013) : baisse de l’inflation et taux de croissance en hausse etc.
Interrogé lors d’une interview sur Radio France Internationale (RFI) à l’occasion de sa visite officielle à Paris, le jeudi 20 février écoulé, le chef de l’Etat haïtien a répondu qu’il n’entend pas entrer en discussion avec le Cardinal haïtien mais il a maintenu que l’économie haïtienne est dans une meilleure forme.


Or les deux hommes ont raison. Seulement chacun dans son rôle. Le Président est lancé dans une campagne internationale pour attirer des investissements dans le pays et il entend profiter des meilleures dispositions qui se présentent au plan macroéconomique.
Tandis que le premier Cardinal haïtien, en droite ligne du défunt Jean Paul 2, le Pape le plus aimé des Haïtiens pour avoir prémédité la chute du régime dictatorial des Duvalier, veut retrouver la mission de l’Eglise comme ‘la voix des sans voix.’

Support de la communauté internationale …
Le gouvernement haïtien est lancé dans un forcing pour attirer des investissements étrangers (c’est même l’essentiel de sa politique aujourd’hui et dont dépend tout le reste, malheureusement !). Il a de toute évidence aussi le support de la communauté internationale. D’où les tournées présidentielles successives à la Maison Blanche (Washington), l’Elysée à Paris etc.
Mais cette opération promotionnelle demande de lourds efforts car Haïti est tout à fait comme un individu si endetté qu’il lui est interdit de toucher à ses économies tant qu’il n’aura pas acquitté ses créances.
Et ce sont les moins fortunés qui en paient le prix. Y compris les classes moyennes qui consomment mais n’ont jamais gagné suffisamment pour faire des économies.

‘Damnés de la terre’ …
Cependant le Cardinal Langlois ne souhaite pas une insurrection des ‘damnés de la terre’, à l’instar de certains radicaux (ne faut-il pas de tout pour faire un monde ?). En effet, et contre le vœu de ces derniers bien entendu, c’est la même Eglise qu’il préside (Conférence Episcopale d’Haïti) qui organise le ‘Dialogue national’ qui a réuni pour la première fois la presque totalité des acteurs politiques haïtiens (Exécutif, Législatif et les partis politique de différentes tendances). Même si l’accord final n’a pas été signé à cause de la persistance de certains différends, l’espoir d’arriver à un consensus en vue de meilleures conditions pour la tenue des prochaines élections n’a pas disparu.
Aussi l’avertissement du Cardinal se veut aussi un rappel aux acteurs politiques en les plaçant devant leur responsabilité. Aussi bien l’Exécutif qui prend les décisions et qui a intérêt à toujours mieux les soupeser au regard de l’intérêt national avant tout (et avant le clinquant des visites officielles) que le Parlement qui fait parfois obstruction pour faire obstruction sans suffisamment penser aux conséquences pour les ‘sans voix’, et enfin nombre de leaders politiques qui considèrent le pouvoir politique comme un gâteau.
Et pour finir une communauté internationale qui plus d’une fois ne tient pas sa parole. Ex. : les fonds pour la reconstruction au lendemain du séisme de janvier 2010 dont moins de 5% parviendront au gouvernement et aux entreprises en Haïti.
Le Président et le Cardinal ne parlent pas un langage différent. La preuve, la grande presse internationale peut vouloir les diviser !

Haïti en Marche, 22 février 2014