PORT-AU-PRINCE, 4 Juillet – Doit-on craindre pour l’avenir de l’identité haïtienne ?
La question peut se poser devant la rage de nos jeunes à s’enfuir du pays à tout prix, pour aller tenter leur chance ailleurs, n’importe où, face à la quasi disparition d’Haïti sur la carte économique.
Quelle plus grande preuve que le nombre de ces migrants illégaux ramenés chaque jour à leur point de départ (la même semaine par charters entiers venant du Mexique, du Guatemala, des Bahamas, de la République dominicaine, de Cayenne, des Etats-Unis bien sûr et autres).
A la moindre occasion, les mêmes prêts à tenter à nouveau leur chance.
Il faut fuir à tout prix ce pays maudit où, pour de bon, on n’a plus aucune chance.
Que penser de cette fillette haïtienne emportée par les eaux du Rio Grande alors que sa mère tentait de franchir avec elle la frontière Mexique – Etats-Unis. Cela se passait le mercredi 3 juillet écoulé.
Une semaine après qu’un citoyen hondurien et son bébé se furent noyés dans les eaux du même Rio Grande, faisant la une des médias du monde entier.
Mais rien ici de nouveau, me direz-vous, la Diaspora haïtienne ne date pas d’hier.
Plus préoccupant pourrait être la mode généralisée des ‘réseaux sociaux’ qui en un clin d’œil n’ont déjà plus de secret pour les 11 millions d’Haïtiens.
On en a une première retombée dans la multiplication des nouveaux prénoms en usage aux quatre coins de notre pays. Y compris les Meghan et Harry depuis le récent mariage à la cour royale d’Angleterre.
Les groupes musicaux haïtiens continuent de se surpasser pour plaire à leurs fans, mais qui passent plus de temps à admirer les performances de leurs alter ego étrangers.
Le rappeur Youssoupha, français d’origine congolaise, en concert le jeudi 5 juillet à Port-au-Prince, est reçu comme un demi dieu.
Et alors, n’est-ce pas le même pays dont le cœur a battu pour les grandes vedettes latino (Celia Cruz, la Sonora Matancera …), puis nord-américaines (Ray Charles, Elvis, James Brown …), ou encore françaises bien sûr Johny Halliday, Charles Aznavour, Mireille Mathieu …
Cependant il existe une grande différence. C’est l’état des choses aujourd’hui à l’intérieur de notre pays qui n’est plus le même.
En effet la pauvreté n’a jamais été une menace pour l’identité de l‘haïtien comme on dit ‘natif-natal’.
‘Depi nan ginen’, nous nous battons contre la misère.
Non, mais c’est plutôt la disparition de tout ce qui contribue à nourrir cette identité haïtienne.
Disparition de l’éducation tout court au sens d’une formation des esprits et des âmes en vue d’assurer le maintien et l’enrichissement de ce qui fait ‘notre différence’.
A côté d’une école et d’une université qui laissent à désirer par la force des choses, vu le dénuement quasi général, mais combien d’instruments de culture, d’écoles de musique, de nouveaux ‘centres d’art’, de bibliothèques régulièrement alimentées, et surtout … d’exemples vivants ?
Nos artistes triomphent mais aujourd’hui inévitablement en terre étrangère. Ventes aux enchères à Paris, New York ou Londres.
Compas Fest à Miami ou Montréal ou New York, tournées aux quatre coins de France, et même au ‘Collège de France’, oui, enrichissement extérieur - appauvrissement intérieur puisqu’aucun encouragement sérieux ne semble à l’horizon, comment se pourrait-il que l’ensemble ne s’en ressente ?
Attiré irrésistiblement vers l’ailleurs, quel qu’il soit, bien obligé puisque n’ayant rien, absolument rien serait-ce pour nourrir l’espoir comme ce fut le cas presque depuis toujours dans notre difficile petit pays.
Outre les nouveaux instruments de dépaysement, plus irrésistibles que jamais dirait-on depuis la création du monde, que sont les ‘réseaux sociaux’, de plus en plus à toutes les bourses.
Outre que les Rihanna et Beyonce et leurs alter ego masculins ne sont pas seulement célèbres mais elles sont vendues comme l’image achevée d’une vie. C’est être ça ou rien, toute autre conception de la vie est vaine. Un nouvel évangile.
A l’intérieur, le vide total, à l’extérieur les attraits les plus irrésistibles même dans la majorité des cas ne devant pas dépasser le stade du rêve …
Haïti, notre Haïti que ses enfants fuient comme la peste, ne risque-t-elle pas comme on dit de finir par y perdre son âme …
Déjà Port-au-Prince ressemble à un immense quai de gare, où comme dit la chanson ‘on prend toujours un train pour quelque part ‘ …
Et notre pays de devenir rien qu’un grand boulevard où l’on se bouscule sans se reconnaître.
Sans identité, sans âme. Ne figurant sur aucune carte comme on s’étonne quand la télé étrangère donne la météo de la région sans aucune référence à nous.
Vous avez dit Haïti comment ? …
L’Haïtien une espèce en voie de disparition ?
Espérons que non. Si nous savons bloquer tout de suite le mauvais oracle.
Haïti en Marche, 4 Juillet 2019