De l’affaire Florence Cassez à l’affaire Amaral …
PORT-AU-PRINCE, 25 Janvier – La France vient d’obtenir la libération et le rapatriement immédiat de Florence Cassez qui a été reçue à Paris comme une héroïne, particulièrement dans les milieux de l’establishment (présidence de la République, secteurs politiques, presse etc).
La Française vient de tirer 7 années de détention au Mexique où elle avait été condamnée à 60 ans de prison pour complicité dans des actes d’enlèvement commis par son amant mexicain.
Toutefois un sondage paru dans un grand quotidien de Mexico montre que 7 Mexicains sur 10 considèrent sa remise en liberté comme un arrangement politique entre la France et le Mexique et que ce dénouement prouve uniquement qu’il n’y a pas de justice au Mexique pour ceux n’ayant pas de relations de pouvoir ou de fortune.
Deux présidents français successifs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, n’ont pas ménagé leurs efforts pour arracher Florence Cassez aux geôles mexicaines.
En effet c’est devenu comme un point d’honneur pour la France : rapatrier ses ressortissants détenus à l’extérieur.
Ce n’est le cas, par exemple, ni pour les Etats-Unis, ni pour le Canada. Une Canadienne emprisonnée pour drogue, menaçait encore récemment de faire la grève de la faim dans la prison pour femmes à Port-au-Prince.
Rappelons-nous les jeunes missionnaires américains détenus en Haïti au lendemain du séisme de janvier 2010, sous une suspicion de trafic d’enfants.
Le dossier fut monitoré à distance par la diplomatie américaine avec les autorités haïtiennes. De façon à éviter toute évidence de pression.
Voire de triomphalisme comme la France. L’année dernière un ministre de Sarkozy vint personnellement récupérer deux jeunes Françaises qui avaient été détenues en République dominicaine pour trafic de drogue.
A chaque fois les rapatriés sont pratiquement reçus avec tous les honneurs.
A chaque fois on apprend qu’ils n’étaient pas vraiment coupables mais s’étaient retrouvés comme qui dirait au mauvais moment au mauvais endroit.
Mais tel n’est pas l’avis des Mexicains qui dans leur majorité ne sont pas convaincus de l’innocence de Florence Cassez comme le montre le sondage mentionné plus haut.
Cependant on n’entend jamais tout ce tam-tam (tout ce cocorico !) quand un Français sort d’une prison américaine. Ou canadienne.
Pourtant cela arrive tout le temps. Serait-ce pour immigration illégale.
C’est donc une politique que la France développe surtout vis-à-vis des pays du Sud. Voire ceux de ces pays qui sollicitent son assistance.
C’est ainsi qu’on a connu un cas semblable en Haïti il y a quelques années. Un ressortissant français emprisonné aux Cayes. Pour l’en arracher, le gouvernement français utilisa les grands moyens. Pression diplomatique maximum. Campagne de diffamation contre Haïti dans la presse de droite (Paris Match, Figaro etc) dépeignant des prisons haïtiennes où l’on meurt comme des mouches du Sida ou de malnutrition (le cholera n’était pas encore dans nos murs). Le gouvernement haïtien perdit la tête. Un jugement fut organisé en toute hâte où le type relâché put prendre le même jour l’avion pour Paris.
Coupable ou non, allez savoir !
Tout comme Florence Cassez est reçue à Paris comme une Jeanne D’Arc alors que si la Cour Suprême du Mexique a ordonné sa libération ayant des doutes sur certains procédés utilisés pour bâtir l’acte d’accusation, cependant les grands juges mexicains ne l’ont pas innocentée.
Or jusqu’à très récemment on lisait dans la presse française qu’elle avait plus de chance d’obtenir son rapatriement pour venir purger en France le reste de sa peine.
La France a de meilleurs résultats avec les Etats (Haïti, Mexique, République Dominicaine etc). Par contre quand elle veut appliquer la même recette avec les groupements terroristes, principalement les radicaux islamistes, cela peut tourner mal. Comme en Somalie ou ailleurs en Afrique sub-saharienne. Les opérations commandos pour libérer les otages obtiennent de moins en moins de succès.
Mais cela va encore plus loin. Paris aspire aussi à juger et punir tous ceux qui attentent à la vie d’un citoyen français dans le monde.
D’où l’affaire Amaral !
Puissant chef de gang de Cité Soleil après le renversement-coup d’état en février 2004 de Jean-Bertrand Aristide (dont il fut un supporter), Amaral Duclona a été accusé de l’assassinat d’un consul honoraire de France en Haïti.
Il s’enfuit en République dominicaine voisine où il sera arrêté en 2009.
Paris sollicita et obtint son extradition. En janvier 2010, Amaral Duclona débarqua dans une prison française.
Mais curieusement là s’arrêtent les pressions pouvant être exercées par le gouvernement français. Comme quoi ce que la France peut obtenir à l’étranger (précipiter le procès d’un ressortissant français), elle ne peut le faire chez elle.
En effet à ce jour le jugement d’Amaral Duclona n’a toujours pas eu lieu. Son avocat a réussi à prouver que le dossier manque d’éléments essentiels pouvant accréditer la thèse de l’assassinat.
Conclusion : les autorités françaises peuvent faire jouer la politique dans nos pays. Mais par contre en France, la justice reprend ses droits.
En un mot, on a la démocratie et la justice qu’on mérite !
Marcus - Haïti en Marche, 25 Janvier 2013