FURCY, 15 Février – Les photos du carnaval du Cap-Haïtien sont plutôt pauvres en signification. Des chars musicaux et quelques groupes de danseurs sans plus.
Mais pas de ‘bèf’ (bœufs), ni d’indiens – de Caonabo, Cotubanama ou du Xaragua, pas de morts-vivants (‘vivi griyen dan’), pas de monstres, pas de Choucoune, pas de loups-garous, pas de ‘mèt kalfou’, pas de ‘tresser rubans’. Même pas une ‘la maillote’. Bref, où est le patrimoine culturel, où est le passé historique joliment rendu avec humour qui est le propre du carnaval haïtien ?
Le carnaval dit décentralisé, à sa deuxième édition, semble avoir déjà vécu. Même quand le public se déchaine, même quand c’est, comme on dit, succès plus foule, il n’empêche ce n’est pas ça le carnaval. Et avant peu de temps il n’en restera rien qui ressemble de près ni de loin à un carnaval. Sauf à prendre le mot dans son sens le plus péjoratif. Une affaire sans aucun sens.
Un étalage croustillant …
Car partout le carnaval c’est un héritage culturel accumulé au cours des ans, au fil des siècles. A Venise on ne saurait remplacer le masque de Casanova par celui de Superman. Ni à la Nouvelle Orléans la trompette de Louis Armstrong ouvrant le défilé à travers les rues du Vieux quartier - par la musique Nu Jazz de Berlin.
A Rio, la danse samba est apprise très tôt aux tout petits.
A Jacmel ce sont les monstres en papier mâché remontant aux temps les plus anciens.
Tandis que le carnaval de Port-au-Prince est un étalage croustillant de nos travers politiques et sociaux : les ‘chaloska’ armés d’un nerf de bœuf ou ‘rigouaze’ mettant tous en fuite (du Général Charles Oscar qui a fusillé tous les prisonniers politiques d’ordre du président Vilbrun Guillaume Sam précipitant l’occupation américaine du pays en 1915) ; ‘Choucoune’, notre brunette replète chantée par le poète Oswald Durand ; les ‘têtes Lescot’, rappelant le mouvement d’abord socio-culturel qui renversa en 1946 le président Elie Lescot. L’humour à la place des pneus enflammés. Etc.
Où est tout cela ?
Gonaïviades comme Olympiades …
Le carnaval dit décentralisé est peut-être un événement important, qu’il atteigne même son but d’attirer des touristes qu’il n’est pas pour autant un carnaval.
Pourquoi appeler carnaval ce qui ne l’est pas ? Pire, qui détruit le carnaval. Car en négligeant, ou méprisant, tout le reste pour lui consacrer la presque totalité des ressources, on tue le vrai carnaval.
Les masques de Jacmel préparés de longue main ; du carnaval de Port-au-Prince depuis longtemps déjà en voie de disparition mais ressuscité de temps à autre (dernier en date le carnaval de 2005 avec des organisateurs avertis), sur tout cela il faut faire une croix.
Tout cela au profit d’un événement décidé d’en haut, sans aucune relation avec l’imagination populaire, ni avec la culture nationale, mais qu’il est toujours possible de réussir, soit. Sauf que, appelez-le comme vous voulez, mais ce n’est pas le carnaval. Pourquoi pas : fête de la musique, festival Compas, tout ce qu’on veut ? Selon la ville qui l’abrite : les Jérémiades ou les Gonaïviades comme autrefois les Olympiades etc.
Mieux, pourquoi ne pas faire venir un ‘Rosmaning’ comme autrefois (des romanichels) pour faire le tour du pays et amuser grands et petits. Ces derniers en garderont au moins le souvenir toute leur vie.
Evidemment toutes ces considérations ne changeront rien. Il faut plus que ça pour arrêter la dégringolade. Serait-ce culturellement parlant.
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince