Festival de jazz de Port-au-Prince (17 – 24 Ianvier 2015)
PORT-AU-PRINCE, 22 Janvier – Comment ne pas adresser un coup de chapeau au Festival de jazz de Port-au-Prince déjà à sa neuvième édition sans cesser de se renforcer d'année en année.
Si côté scène la qualité est encore au rendez-vous, côté public on constate un formidable élargissement de ce dernier vers le monde étudiant et chez les jeunes de la capitale en général.
Est-ce dans ce but que le festival a multiplié également ses séances de prestation populaire comme à Fokal (Ave Christophe, centre-ville de la capitale), la Place Boyer, à Pétionville, où l'admission est également gratuite.
Au point que plus d'une fois il arrive que le spectacle soit dans le public. Comme lors d'un moment de blackout (panne de courant) et que des dizaines de jeunes se mettent à chanter 'Banm ti black-out souple', à la grande joie des interprètes, la 'blueswoman' Bella Cat se mettant aussitôt au diapason.
Cette année on a une palette encore plus diverse que d'ordinaire. Une sorte de Jazz à la carte. Car il y en a qui restent attachés au 'sound' de notre continent américain puisque d'après le président Obama : 'Nous sommes tous américains'. Blues, R&B (rythm and blues), soul, big band, cool ou hard, mariés pour le meilleur aux influences caribéennes reggae, rap etc), eh bien ceux-là trouvent paradoxalement à se régaler chez nos propres compatriotes auxquels le Festival fait de plus en plus aussi appel, plusieurs vivant en diaspora, cette année spécialement Etienne Charles, trompettiste, le saxo Jowee Omicil en tandem avec le Tabou Combo, le Vodou Jazz de Turgot Theodat et à la Boukman Eksperyans, le jazz funk de Chardavoine, guitariste haïtien de New York et celui qui se déclare 'unclazzified' Gérald Kébreau ; d'autres cependant ont développé un goût particulier pour le jazz sud-américain, non le jazz latin mais bien au-delà une musique constamment en quête de sonorités spéciales qui font remonter aux origines du sous-continent et de ses diverses cultures, des autochtones aux difficultés d'aujourd'hui dans les mégapoles de Mexico et de Rio, avec le touch chilien 'music unlimited' qui fait la jonction avec le jazz européen en constante exploration pour les amateurs du son pur, cette année le Festival étrenne l'arrivée pour la première fois dans ses murs de la Grande Bretagne, tandis que les afficionados se pâment pour la ligne mélodique dont ne se dépare jamais le jazz à la française même le plus audacieux, Michel Legrand oblige.
Difficile donc de ne pas revenir au jeune public haïtien qui afflue de plus en plus aux séances populaires, malgré la menace de pluie, malgré les difficultés de toutes sortes qui nous assaillent de toutes parts. Aussi ce moment est unique. Nous avons suivi de près ce public composé d'autant de filles et de garçons. Il y a 4 ans ils auraient tourné le dos à cette musique. Aujourd'hui par un art consommé dans le choix des artistes, une balance étudiée entre musiciens haïtiens et ceux d'ailleurs, ainsi que le choix des sites du festival, on est arrivé à faire ce jeune public se faire sien le Festival international de jazz de Port-au-Prince dont c'est déjà la 9e édition cette année.
Qu'est-ce qu'ils aiment surtout ? On est jeune donc tout ce qui vous fait bouger. Le jazz haïtien, très spectaculaire, et même exhibitionniste.
Des corps possédés par le rythme ; seulement que si dans le rara c'est le bas du dos, ici ce sont les épaules qui ne restent pas en place.
Ensuite les chanteuses ont la vedette. On aime que le rythme s'accompagne d'une voix. Et quand celle-ci coule de source comme une Ranee Lee, Bella Cat, toutes deux du Canada mais cette dernière comme une véritable native de Nashville, Tennessee ... et la toute nouvelle Maya Azucena, originaire de Brooklyn mais une âme mondialiste, qui semble s'être sentie tout de suite proche de ce jeune public. Et celui-ci le lui rend bien.
Bravo pour les organisateurs. Bravo pour les sponsors et tous ceux, pays et institutions, qui aident à maintenir ce qui est devenu le plus prometteur événement culturel d'Haïti. Parce que le plus sûr de nourrir la culture locale et dans une direction qui lui permette de se révéler toujours davantage tout en s'ouvrant aux influences les plus positives d'ailleurs.
Marcus - Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince