La télé numérique haïtienne passe par Las Vegas
LAS VEGAS, 10 Avril – Fleur du désert parce que construite au milieu d’une des régions les plus arides du territoire américain, le Nevada, mais où le cactus et les ronces sont cultivés comme dans un verger, au petit soin, taillé au cordeau, c’est la plus grande merveille avec Las Vegas, plus que tous les palais et monuments on dirait le jour en carton pâte, mais la nuit qui s’allument comme un immense fanal de Noël, un défilé de chars allégoriques s’alignant des deux côtés du Strip, la plus grande avenue de cette métropole du jeu et du show business.
Bref, comme son fondateur l’a probablement voulu : un mirage.
L’idée est de reproduire ouvertement le complexe bien américain d’être le centre de l’univers.
Venise, avec son palais des doges et le lion de la place Saint Marc ; Tour Eifel ; le Parthénon ; y compris la Statue de la liberté car il ne faut le céder en rien même à une autre ville sœur (New York).
Nous sommes à Las Vegas pour l’exposition annuelle de la NAB (National Association of Broadcasters), le plus grand rendez-vous annuel d’entreprises en fabrication d’équipements radio et télévision.
Ils sont venus, ils sont tous là. Plusieurs centaines des plus célèbres marques de trois continents (nord-américain, européen et asiatique). Personne n’est absent à moins de ne plus exister ou d’avoir été absorbé par un concurrent car dans ce domaine des nouvelles technologies de la communication, les innovations sont quotidiennes et sans fin.
Une réalité le 15 juin 2015 ! …
Nous répondons à une invitation du Conatel (Conseil national des télécommunications), chargé de la transition d’Haïti à la télé numérique qui doit être une réalité le 15 juin 2015.
Les invités représentent les associations de médias du pays (Patrick Moussignac de RadioTéléCaraïbes ; Robert Denis de CanalBleu ; Jean Max Chauvet (Le Nouvelliste), Marcus Garcia, Mélodie FM ; Jean Lucien Borges de RadioTeleGinen ; les ingénieurs Fritz Joassain et Yvon Auguste. Notre accompagnateur est le chef de cabinet au Conatel, Mr. Schiller Jean-Baptiste.
En un mot, résume Patrick Moussignac, ‘le numérique est un fait accompli.’
Donc inutile de revenir sur le sujet.
Parmi les principaux points à l’ordre du jour figure d’abord : le choix entre les deux systèmes américain et européen (ATSC ; DVBT).
Ne comptons pas sur l’exposition qu’elle y réponde pour nous car celle-ci adresse le marché global et les mêmes compagnies créent pour les différents systèmes car il y a aussi le japonais et le brésilien.
Etablir une feuille de route
Le système choisi sera celui répondant au mieux aux spécificités du marché haïtien. Y compris la diaspora qui joue pour une large part le rôle de porte-monnaie pour les foyers haïtiens.
A ce sujet, le Conatel nous a introduit auprès de la ‘NAB Foundation’, une fondation qui peut nous aider à établir une feuille de route et définir les principales étapes du processus.
Deux techniciens viendront en Haïti pour un séminaire avec les propriétaires et spécialistes du marché de la télévision.
Ces derniers reviennent à peine de Trinidad et Tobago, également engagé dans le processus de transition au numérique.
L’aspect intérêt collectif …
Selon eux, il ne faut pas sous-estimer la sensibilisation de la population. Dans nos questions cela ne passe peut-être pas encore assez : l’aspect intérêt collectif.
Mr Schiller Jean-Baptiste nous assure que le problème sera résolu en temps utile.
Lors de nos innombrables déambulations à travers les nombreux stands d’exposition, il s’agissait surtout d’évaluer les possibilités d’adaptation au nouveau système des équipements existant déjà en Haïti.
Ainsi que les coûts.
Nous pensons que nos confrères ont été amplement satisfaits étant donné la grande disponibilité des experts à tous les endroits où nous nous sommes arrêtés.
La compétition est ‘hard’, mais la courtoisie ne lui cède en rien.
En gros, les émetteurs fabriqués le plus récemment sont plus susceptibles d’être adaptés de l’analogique au numérique.
Les coûts dépendent beaucoup de la marque choisie. Le même équipement à 60.000 dollars ici peut valoir ailleurs plus de 200.000.
Pour l’ing. Fritz Joassain, cet écart n’a rien d’étonnant au plan technologique. Mais en Haïti nous avons évidemment d’autres considérations dont il faut tenir compte !
Mieux : il existe aussi des émetteurs fabriqués spécialement pour la transition, c’est-à-dire possédant à la fois les deux formats : analogique et numérique.
Qui va casquer ? …
La délégation haïtienne n’en partira pas moins avec toujours le même casse-tête. Pourquoi a-t-on inventé cette affaire de numérique ? C’est beau de nous dire que chaque fréquence enfantera automatiquement de 4 ou 5 chaînes et que le produit télévisuel aura une qualité inégalée. Mais qui va casquer pour tout ça ? La mise à niveau des équipements ; la production télévisée locale quasi inexistante alors qu’on va devoir faire face à la concurrence des chaines internationales ; la préparation du public. Est-ce que le jeu vaut la chandelle dans une économie en chute libre ? Et par-dessus tout l’Etat haïtien dont la décision finale reste un mystère ?
Mais de l‘autre côté, c’est la porte du futur qui s’ouvre avec les immenses possibilités que permettent les nouvelles technologies en matière de santé, d’éducation, de formation dans tous les domaines. Enfin en toutes sortes d’innovations dans une population dont l’âge moyen ne dépasse pas 30 ans.
Et de plus dans un pays qui a presque toujours raté ses rendez-vous avec le progrès.
Marcus - Haïti en Marche, 10 Avril 2013