MIAMI, 30 Avril – Que veut dire ‘Déclaration de Pétion-Ville’ ?
Un néologisme apparu lors du dernier sommet des pays de l’AEC (Association des Etats de la Caraïbe).
‘Déclaration de Pétion-Ville’ c’est ainsi qu’a été titrée la Déclaration finale. A la vérité, elles sont deux déclarations.
Est-ce une façon de souligner la différence parce que ce sommet, sans précédent, a réuni les représentants de 25 nations, dont environ 8 chefs d’Etat et de gouvernement. Et non des moindres. Les présidents du Chili, du Mexique, du Honduras, Guatemala, de la République dominicaine etc.
Est-ce pour marquer l’événement d’une pierre blanche qu’on a inventé cette nouvelle terminologie : ‘Déclarations de Pétion-Ville’ ?
Est-ce que le sommet a eu lieu à Pétion-Ville ?
Non.
Il s’est déroulé au Karibe Convention Center, situé au Canapé Vert.
Le Canapé Vert ne se trouve ni à Pétion-Ville ni à Port-au-Prince. Mais à mi chemin.
Qui plus est, il semble que le premier texte ait été intitulé ‘Déclaration de Port-au-Prince’ (du moins le document fut lu ainsi dans les médias) puis le gouvernement a changé ensuite le titre pour ‘Déclaration de Pétion-Ville’.
Dans quel but ?

Comportement de nouveau riche …
Pour rendre hommage à Pétion-Ville, localité voisine qui a reçu un coup de balai - ce que tout le monde apprécie (Pétion-Ville, ancienne banlieue résidentielle a retrouvé depuis quelques semaines un peu de son lustre d’antan), mais est-ce que cela suffit pour condamner la capitale haïtienne à finir ses jours dans les décombres du séisme du 12 janvier 2010 ?
Est-ce un comportement de nouveau riche ? Pétion-Ville, le nouveau joyau qu’il faut mettre en valeur de toutes les façons possibles et imaginables, quitte à oublier que la capitale d’Haïti s’appelle Port-au-Prince. Et que c’est elle qui doit figurer dans tous les documents officiels. A côté du sceau de la République. Et du palmiste frappé du drapeau bleu et rouge !

Port-au-Prince capitale politique et siège du gouvernement …
Est-ce une dernière pirouette de la campagne pour la relance du tourisme haïtien ? Oui Pétion-Ville, siège de plusieurs grands hôtels, anciens et nouveaux, Oasis, Best Western, El Rancho-Villa Créole, Karibe, pour ne citer que ceux-là.
Mais attention à ne pas tout mélanger. Quand 25 nations se réunissent en Haïti pour un sommet régional, c’est un événement politique. Et non touristique.

Par contre on peut décider de faire de Pétion-Ville, ou d’une autre, la capitale économique d’Haïti puisque depuis le séisme c’est là que se concentre l’activité commerciale et financière du pays.
Par contre Port-au-Prince reste et demeure la capitale politique et siège officiel du gouvernement haïtien, même quand ce dernier doit pour survivre se réfugier sous les tentes !

 

Délocalisé ou décentralisé ?
Outre que ce n’est pas en ayant honte de notre capitale parce qu’un tremblement de terre l’a laissée en ruines et aussi parce que les fonds de la Reconstruction ont été dilapidés par des humanitaires sans beaucoup d’humanité … que nous faisons œuvre qui vaille.
C’est au contraire en lui reconnaissant toute son importance symbolique - non en la trahissant, en la poignardant dans le dos, que nous travaillions à rebâtir notre belle capitale (référence à la Cité de l’Exposition et à l’inauguration du Bicentenaire de la Ville de Port-au-Prince en 1950, lors l’une des plus splendides capitales de la Caraïbe) !
Que nous arrive-t-il ? On est comme des enfants qui viennent d’étrenner un nouveau jouet.
Ni ce n’est ça la décentralisation tant déclinée sur les toits.
Et qui nous a déjà valu que le carnaval traditionnel de Port-au-Prince, vieux depuis la colonie de Saint Domingue, ait été interdit (nous insistons : interdit) depuis deux ans.
Délocalisé vers d’autres villes. Alors que les Capois, régionalistes par nature (Cap-Haïtien, siège du carnaval national 2013) n’ont manifesté aucun engouement spécial.

Aucune légitimité constitutionnelle …
Et puis voilà que maintenant tout doucement, on s’amuse à enlever à notre capitale la dernière chose qui lui reste, son statut de capitale politique de la République d’Haïti.
Est-ce un complot ? Car d’autres ont déjà essayé (l’empereur Jean Jacques Dessalines, qui ne daignait pas se déranger, gouvernant depuis la ville portant son nom, Dessalines, ô culte de la personnalité !), puis le président Pierrot, autre régionaliste farouche, depuis sa bonne ville du Cap, …
Mais Port-au-Prince retrouvera sa place. Elle la retrouvera une fois encore. Car existe-il plus beau nom pour une ville que : Port-au-Prince.
Vous pouvez avoir toutes les capitales touristique, économique, commerciale, ou carnavalesque que vous voulez.
Mais bas les pattes sur la capitale politique qui reste et demeure Port-au-Prince. Halte à la banalisation. Et à la confusion !
Par conséquent, il n’y a pas de Déclaration de Pétion-Ville que ce soit. Parce que cela n’ayant aucune légitimité constitutionnelle. Cette dernière dit clairement que la capitale politique de la République d’Haïti s’appelle Port-au-Prince.
Le texte final du Ve sommet de l’AEC s’appelle donc ‘Déclaration de Port-au-Prince.’ L’Histoire se chargera d’y apporter la correction nécessaire.
Comme dit le créole : ‘Tout jwèt se jwèt men kwòchèt pa ladan.’

Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince