Remonter jusqu’à la source du mal !

PORT-AU-PRINCE, 5 Avril – La sécheresse et les ouragans diminuent les ressources alimentaires en Haïti. 

C’est l’Office des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) qui lance le signal d’alarme. 

En conséquence près de 1million et demi d’Haïtiens vivent une situation d’insécurité alimentaire aigue.

Cela à cause de la sécheresse et du passage l’année dernière des ouragans Isaac et Sandy.    

Ceci est la version de l’humanitaire. OCHA. 

Mais de la même façon qu’on parlerait de l’Argentine où des inondations viennent de faire une cinquantaine de morts. Comme une situation purement conjoncturelle. Un accident de parcours.

Ainsi le discours humanitaire ne dit pas toute la vérité.  

‘Les agences onusiennes et les organisations humanitaires travaillent avec le gouvernement (haïtien) pour atteindre des centaines de milliers de personnes avec de l’assistance alimentaire.’ 

Et puis l’année prochaine, idem. Plus ça change, plus c’est la même chose.

 

 

Péligre mis en cause ! …

Passons maintenant dans la Vallée de l’Artibonite où les planteurs de riz avertissent que la prochaine récolte risque d’être totalement perdue.

Toujours la sécheresse. Les canaux d’irrigation sont asséchés. Mais cette situation aurait aussi pour cause, d’après des planteurs interviewés par l’agence AlterPresse, le captage des eaux du fleuve Artibonite pour l’alimentation des turbines de la centrale hydroélectrique de Péligre.

La précédente récolte avait déjà été ravagée par une épidémie d’insectes. 

Après la sécheresse, les ouragans, les insectes voici donc un énième facteur : un mauvais partage des eaux entre les rizières et l’alimentation du pays en électricité.

Mais cela ne date pas d’aujourd’hui. Ce n’est donc ni les criquets des rizières ni l’électrification le vrai problème. Ni même la sécheresse.

Encore moins les ouragans Isaac et Sandy évoqués par le secteur humanitaire.

 

Un survol du pays … 

Si on laisse parler uniquement l’urgence : soit les riziculteurs en colère, soit la menace finalement constante d’insécurité alimentaire, eh bien on risque de passer toujours à côté du problème de fond.

A présent un survol du pays en hélicoptère si cela vous arrive au moins une fois. Ce que dirigeants et officiels internationaux, eux-mêmes, accomplissent quotidiennement. Et là le vrai problème éclate. C’est un pays depuis longtemps abandonné à lui-même. A l’érosion. A la disparition de toutes ses ressources propres. Mais avant tout à l’indifférence de ses dirigeants. A la rapacité d’une minorité de ses enfants. A une certaine manipulation des grands décideurs internationaux. 

 

Un fleuve que de nom …

L’eau ne coule pas dans les rizières de la Vallée de l’Artibonite, non à cause qu’elle soit détournée vers la centrale hydroélectrique nationale, mais parce qu’il ne coule presque plus d’eau de la montagne et que l’Artibonite n’est un fleuve que de nom. 

Une photographie aérienne du pays montre la plaie béante et géante : au milieu d’un paysage lunaire, où il ne pousse un brin de paille, coule un filet d’eau. C’est donc ça l’Artibonite ! En tout cas, ce qu’il en reste. 

Et cela non seulement pour cause d’érosion aveugle pratiquée des décennies durant par grands et petits, mais plus encore de l’ignorance totale affichée impudemment par les responsables quant aux techniques de drainage et autres aussi vieilles que les aborigènes.

 

Trous à rats …

On ne voit de là-haut que des montagnes de cailloux d’une blancheur de mort découpant dans le désordre ce qui fut, nous dit-on, un grand cours d’eau en une multitude de petits bassins, de trous à rats (s’il peut en survivre dans ce désert suspendu). Et ce qu’il en reste et prétendument appelé fleuve ne va pas bien loin.

Qu’il soit utilisé ensuite plus que d’habitude pour alimenter le barrage de Péligre, on comprend pourquoi l’électricité en ville est aussi rare. C’est le cas de dire rationnée au compte-gouttes. Thomassin se plaint de recevoir le courant depuis une semaine pas plus de cinq minutes chaque soir. Un mouvement de boycott de paiement est envisagé.

On ne peut donc pas dire que ce sont les citadins qui volent l’eau de l’Artibonite.

D’après un leader politique de la Vallée qui n’a pas la langue dans sa poche : ‘cette situation relève aussi de la volonté des autorités de détruire la production locale au profit des produits importés.’

 

Un étouffement sur place …

Puisqu’on essaie de dire les choses comme elles sont, comment en effet ne pas le croire au vu de l’état d’abandon qui frappe, par exemple, la Grande Rivière du Nord, aussi bien la plaine que le cours d’eau de ce nom.

Si ici l’eau coule encore d’abondance, mais les berges sont inexistantes et rivière, plaine, jardins et routes, et même habitations, ne font plus qu’un.

Comme si on a voulu emprisonner cette partie du pays, de toute évidence naturellement fertile, pour empêcher toute communication avec l’extérieur. Et l’étouffer sur place.

Dès lors retournons à la version de l’humanitaire, en l’occurrence OCHA. Non seulement les vraies causes de l’insécurité alimentaire qui s’annonce tant sévère, ne sont pas vraiment la sécheresse ni les derniers ouragans … mais entre autres les mêmes fournisseurs vers lesquels se tourner pour l’obtention de l’aide d’urgence qui ne seraient pas entièrement étrangers aux causes de cette même situation.

 

Le mal absolu …

Bref avec l’humanitaire on tourne en rond ; avec les poussées de colère des paysans de la Vallée de l’Artibonite, ça risque de tourner parfois au vinaigre …

Et si on voulait placer devant le fait accompli les vrais responsables de ce désastre, les dirigeants successifs (soulignons le) autant que les secteurs qui en ont profité directement ou indirectement – à la fois nationaux et éventuellement aussi internationaux, on risque d’aboutir alors à la nécessité pour une vraie révolution.

Mais révolution qui paradoxalement peut être réalisée par le premier pouvoir qui comprendrait que la vraie solution ce n’est ni l’aide alimentaire d’urgence, ni les hôtels 4 ou 5 étoiles mais qu’elle est là-haut dans la montagne. Qu’il en sorte le bien ou le mal et aujourd’hui le mal absolu, cela ne dépend que de nous.

 

Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince