LA VALLEE (JACMEL), 20 Décembre – Haïti n’a jamais manqué à un rendez-vous quand il s’agit de la lutte pour l’émancipation des peuples. Pourtant on apprend que notre pays a été absent lors du récent vote d’une résolution de l’OEA (Organisation des Etats Américains) ‘rejetant la violence en Bolivie et appelant au plein respect des droits des peuples autochtones dans l’Etat Plurinational de Bolivie.’
‘Prenant note des graves préoccupations relatives à la situation des droits de la personne, y compris la violence de façon raciste et discriminatoire, exprimée par la Commission Interaméricaine des droits de l’homme dans ses interventions préliminaires, le 10 décembre 2019, après sa visite en Bolivie.
‘Les peuples autochtones ont le droit de ne pas faire l’objet de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’autres formes connexes d’intolérance. Les Etats adoptent les mesures préventives et correctives nécessaires pour garantir pleinement et efficacement la protection de ce droit.
‘Considérant l’importance d’éliminer toutes les formes de discrimination raciale et/ou de violence susceptible d’en résulter, qui pourraient toucher des citoyens des Amériques, y compris, et en particulier, les peuples autochtones, et prenant en compte la responsabilité des Etats de les combattre …’ Etc.
Et voici les résultats du vote de cette Résolution par les pays membres de l’OEA : 18 pays du continent Américain ont voté pour (dont les 13 pays de la Caraïbe ou Caricom) ; 4 pays ont voté contre dont les Etats-Unis, la Colombie, la Bolivie (ou gouvernement bolivien actuel suite au renversement du président, lui-même d’origine autochtone Evo Morales) et le Venezuela ou plutôt le président de facto Juan Guaido.
Un seul pays absent, dont le siège est resté vide : Haïti.
Bien entendu pour faire plaisir au président américain Donald Trump, voici Haïti capable de se renier, de renier ses origines.
Cette Haïti dont notre Toto Bissainthe chante ‘se manman libète’, ajoutant ‘si l tonbe la leve.’


Parcourons serait-ce rapidement l’Histoire dans ce domaine de ce pays-là :
Aucun d’entre nous n’ignore que la lutte d’indépendance du Venezuela et de nombreux autres Etats latino-américains est associée à l’asile accordé par le président de la République d’Haïti, Alexandre Pétion à Simon Bolivar en 1815.
En créant l’Accord Petrocaribe, feu le président Hugo Chavez exprimait sa volonté de retour à un certain nombre de valeurs héritées de Bolivar comme le nationalisme et la solidarité panaméricaine comme réaction à l’impérialisme …
Faut-il rappeler qu’Haïti est un membre fondateur de l’Organisation des Nations Unies (ONU) depuis 1945.
En 1948, Haïti joue un rôle clé dans la rédaction de la Déclaration universelles des droits de l’homme (DUDH), notamment grâce au sénateur haïtien Emile Saint-Lot, rapporteur du comité de rédaction de la DUDH.
Haïti fait également partie des premiers pays à rejoindre l’UNESCO dès 1946.
Qui ne se rappelle la phrase combien prémonitoire du chef de la Délégation d’Haïti à la Société des Nations (ancêtre des Nations Unies), le Général Alfred Nemours après l’invasion de l’Ethiopie par l’Italie fasciste (1935) : ‘Craignons d’être un jour l’Ethiopie d’un autre.’
Peu après l’Allemagne nazie envahissait la Pologne, etc., puis la France.
En mars 2010, une exposition intitulée ‘Juifs et Haïtiens : une histoire oubliée’, organisée à Montréal, présenta la relation entre les deux communautés comme une dette d’honneur contractée pendant la Seconde Guerre mondiale : l’asile offert aux Juifs européens forcés à l’exil.
Au lendemain du séisme du 12 janvier 2010 qui fit plus de 200.000 morts en Haïti, Fidel Castro écrit : ‘plus personne ne semble se rappeler que Haïti a été le premier pays où 400.000 Africains victimes de la traite et de l’esclavage des Européens se soulevèrent contre 30.000 Blancs (…) déclenchant la première plus grande révolution sociale sur notre continent.’
Cet oubli dont parle Fidel Castro ne toucherait-il pas aujourd’hui nos propres dirigeants ?
Ceux qui pour ne pas déplaire à l’actuel locataire de la Maison Blanche (qui n’en demande probablement pas tant, trop occupé à ses propres problèmes de mise en accusation pour abus de pouvoir et autres) ont choisi de déserter un vote qui traditionnellement aurait été présidé par notre pays lui-même.
Toute la Caricom (13 pays membres) ont voté pour.
Haïti a choisi de se dissimuler. Dans sa propre honte.

Haïti en Marche, 20 Décembre 2019