L’opposition désarmée
PORT-AU-PRINCE, 15 Décembre – Les élèves ont repris le chemin de l’école.
Et ce n’est pas grâce au gouvernement. A l’opposition non plus.
Le Ministère de l’Education a, selon toute apparence, été pris de court.
Il a fallu plus d’une semaine pour que le Ministre de l’Education nationale, Pierre Josué Agénor Cadet, annonce lors d’une conférence de presse un nouveau calendrier scolaire (remanié ou rénové) c’est-à-dire pour obvier aux deux mois de ‘pays lock-ed’ c’est-à-dire pendant lesquels rien n’a fonctionné, ni les écoles.
On n’en revient pas de voir la différence que cela fait, combien la ville apparaît sous un nouveau jour, quand des milliers de garçons et filles sont déversés dans les rues après les classes, ou comme aiment à dire nos compatriotes : c’est le jour et la nuit !
Mais si le gouvernement est en retard sur l’événement, par contre l’opposition n’existe plus. Finie. Caput.
A preuve toutes ses tentatives de relancer ladite mobilisation, sont vouées d’ores et déjà à l’échec.
En tout cas pour le moment.
Voire si c’est en comptant sur la stratégie de fermeture de l’école comme pendant ces deux derniers mois.
Or l’opposition devrait - pour être égale à elle-même, pour respecter son vœu de servir la population et non ses propres intérêts - l’opposition devrait au contraire se retrouver en première ligne pour accompagner la reprise de l’école.
Mais ce n’est pas le cas. Voici donc l’opposition soudain totalement absente.
Totalement désarmée.
L’opposition s’est piégée elle-même. En se lançant dans une aventure sans avoir été capable d’en prévoir la fin. D’en prévenir les conséquences. Le président Jovenel Moïse, avec l’appui de la communauté internationale, reste toujours en place, défiant les appels à sa démission. Mais lui non plus sans pouvoir apporter une réponse à la crise qui part du fond, qui est comme on dit systémique : la répartition la plus injuste et inhumaine de la fortune nationale. Et face à une population jeune et bien décidée à obtenir satisfaction parce que prise au piège dans son propre pays. No way out. Plus de fuite possible dans l’émigration. En une semaine notre voisine territoriale, la République dominicaine, a arrêté et déporté sur le champ pas moins de 900 illégaux haïtiens.
Mais revenons à l’opposition, qui n’échappera pas au jugement de par son seul statut d’opposition au pouvoir en place, malgré les manquements et nombreux crimes de ce dernier.
Une opposition totalement désarmée, d’abord par manque d’imagination.
Mais pour parler d’imagination, il faut un cerveau. C’est-à-dire une unité de pensée. Et d’action.
C’est la preuve donc d’une absence d’unité et d’unité de pensée.
Aussi l’action tourne, si ce n’est à vide comme aujourd’hui, mais par là même finit par sombrer dans l’anarchie. Comme cela a été constaté par tous, au pays comme à l’extérieur, au plus fort de la bataille pour obtenir la démission de Mr. Jovenel Moïse.
A ne pas prendre anarchie au sens idéologique mais celui où des bandes uniquement motivées par leurs intérêts personnels, s’emparent de la direction d’un mouvement.
Or ceux-là sont aussi plus facilement récupérables par le camp d’en face.
Suivez mon regard, hein !
Mais l’opposition aurait pu encore se rattraper si elle en avait les moyens.
Mais ou elle n’en a pas ou elle ne sait pas les utiliser à bon escient.
Alors que les élèves et leurs parents ont décidé de reprendre volontairement, envers et contre tous, le chemin de l’école, que fait l’opposition ?
Rien.
Totalement désarmée. Prise par surprise. Pourtant il y a tant à faire face aux multiples nouveaux problèmes qui éclatent : menaces forçant les parents à accompagner leurs enfants jusqu’à l’école à cause des menaces qui pèsent sur eux, quand ces menaces ne viennent de petits groupes d’opposition, or pas un mot de la part des états-majors ; problèmes de transport, une opposition qui se respecte ne doit jamais manquer de volontaires pour prêter la main dans ce genre de circonstances, etc, etc.
Conclusion : une opposition blablabla !
Or c’est pas seulement pour elle que les choses se compliquent mais également et surtout pour le pays lui-même, pour nous tous parce que sans opposition au pouvoir, voire quand celui-ci se comporte en dictature, qui pis est : une dictature irresponsable, que faire ?
Changer d’opposition. Cela peut prendre du temps si on ne veut pas tomber dans les pièges du même système puisque le seul à avoir, si l’on peut dire, les moyens de sa politique.
Mais pourquoi justement faut-il être pauvre pour être reconnu de l’opposition ?
Haïti n’est-elle pas le seul pays encore à ce stade ?
Aux Etats-Unis personne ne conteste que parmi les rivaux de Trump aux prochaines présidentielles (novembre 2020), rares sont ceux qui ne sont pas milliardaires !
Pourquoi un patron honnête ou un haut fonctionnaire de grande classe a-t-il moins de chance d’être élu en Haïti qu’un candidat se présentant sous l’étiquette de pauvre ?
Secundo, dans cet épisode de la reprise des classes mais aussi pour donner à la ville un air de fête pour la fin d’année, voici que c’est seul le pouvoir en place qui dispose des moyens nécessaires … quand encore les élus n’imaginent pas de nouveaux prétextes pour vider toute la caisse en improvisant des voyages à l’étranger aux frais de la reine !
La solution se trouve dans la Constitution. Une nouvelle Constitution doit fournir aux élus locaux suffisamment de moyens pour ne pas dépendre du bon vouloir du pouvoir central et des princes du moment.
C’est la seule façon aussi d’éviter un nouvel empire PHTK (nom de l’actuel parti au pouvoir).
Marcus-Haïti en Marche, 13 Décembre 2019