17 Juin, date fatidique !
MEYER, 29 Mai – 17 Juin, c'est la date à partir de laquelle les autorités dominicaines commenceront des expulsions massives d'immigrants illégaux haïtiens vers leur pays.
Comment cela se passera-t-il ?
La dernière rencontre entre les diplomates des deux pays montrerait des dirigeants dominicains intraitables.
Selon une dépêche de l'agence locale HPN, ils auraient même refusé (dans un premier temps) de recevoir la délégation conduite par le nouveau ministre haïtien des affaires étrangères Lener Renaud.
Pour Santo-Domingo, c'est donc une affaire entendue.
Puis la rencontre a lieu. Conclusion : mesure de déportations maintenue !
Le ministre de la communication Rotchild François Junior tempère : 'l'Etat haïtien dispose d'un plan de contingence.'
On essaie vainement de savoir en quoi exactement consisterait ce plan.
Mais n'est-ce pas la seule réaction si l'on ne veut pas se mettre à genoux devant nos voisins ? La seule que nous dicte la dignité nationale.
Cependant on a l'impression que c'est tout à fait aussi ce que ces derniers attendent de nous.
45 jours à partir de la mi-juillet ...
En effet, dans une interview au Miami Herald, en date du 24 mai, le coordonnateur spécial pour Haïti au Département d'Etat, Thomas Adams, rapporte que 'les Dominicains ont annoncé qu'il n'y aura pas de déportations massives et qu'ils attendront au moins 45 jours à partir de la mi-juillet pour permettre à tous les cas d'être enregistrés ...'.
Les sans papiers haïtiens ont officiellement jusqu'au 15 juin prochain pour s'inscrire à un plan national de régularisation initié par les autorités du pays voisin (PNRE). Ils sont 200.000 dans cette situation mais la grande majorité n'y est pas arrivée à cause des difficultés pour se procurer toute la documentation exigée. Aussi bien du côté dominicain que du côté haïtien. Le gouvernement haïtien s'étant montré laxiste comme à son habitude.
'Je pense, poursuit (cependant) Thomas Adams, que nous allons dans la bonne direction. Les efforts diplomatiques continuent des deux côtés afin que, si déportations il doit y avoir, qu'elles se déroulent dans le respect des lois et de façon humanitaire. La République dominicaine, comme les Etats-Unis, a le droit de déporter les immigrants illégaux, mais ils doivent le faire dans le respect des lois et des standards internationaux. Et je pense que les Dominicains se sont engagés à ce que cela se passe ainsi.'
Promouvoir des initiatives de fraternité et de paix ...
Il y a aussi cette lettre du Pape François aux évêques dominicains révélée la semaine dernière, et dans laquelle le chef de l'église catholique romaine demande à ces derniers de 'continuer à coopérer avec les autorités civiles pour obtenir des solutions de solidarité aux problèmes de ceux qui sont privés de leurs droits fondamentaux.'
'Il est de ce fait inexcusable de ne pas promouvoir des initiatives de fraternité et de paix entre les deux pays' note encore le Souverain pontife (bulletin AHP).
Depuis le dictateur Trujillo ...
Les autorités dominicaines témoigneraient-elles d'une attitude conciliatrice vis à vis de la communauté internationale, principalement l'administration américaine, et de manque de respect toujours latent envers les autorités de Port-au-Prince que cela n'étonnerait personne.
C'est la même politique depuis le dictateur Trujillo, assassiné en 1961, après 30 ans de règne absolu. Et le parti actuellement au pouvoir (le PLD ou parti de la libération dominicaine) s'inspire dans sa politique d'immigration de la branche la plus ultra du spectre politique dominicain : les anti-haïtianistes.
La souveraineté ne se négocie pas...
Nous disions : l'affirmation par les dirigeants haïtiens qu'ils ont 'un plan de contingence' pour faire face à toute déportation massive, ou retour brutal de plusieurs milliers de sans papiers dans un pays qui traverse l'une de ses pires crises économiques des dernières décennies, c'est l'attitude la plus compréhensible qui soit.
Les Dominicains décident au nom de la souveraineté nationale, de renvoyer chez eux les immigrants illégaux haïtiens.
C'est également au nom de sa souveraineté nationale que Haïti doit se préparer à faire de la place à nos rapatriés.
La souveraineté ne se négocie pas.
Et chaque Haïtien doit le comprendre. Et l'accepter. Sans conditions. Et être prêt à se conformer et se comporter en conséquence.
Une fois cela dit, ni faut-il cesser de dénoncer les manquements de l'Etat haïtien dans ce dossier comme en tout autre.
Un défi à notre Nation ...
Ni faut-il sous-estimer le poids de la diplomatie internationale, comme en attestent les déclarations de Thomas Adams (du Département d'Etat américain) et la lettre du pape argentin à l'épiscopat dominicain. Et en dernier lieu aussi une prise de position des pays de l'Union européenne.
Parce que ce double langage des autorités de Santo-Domingo, l'un à usage externe, l'autre à destination de l'aile ultra de leur opinion publique nationale, signifie peut-être qu'elles n'ont pas encore abattu leurs cartes réelles.
Nous Haïtiens devons donc être prêts à toute éventualité.
Ce n'est pas seulement une affaire qui regarde le gouvernement, c'est un défi à notre Nation.
Haïti en Marche, 29 Mai 2015