Après la Classe, la Masse !
O peuple, que de crimes l’on commet en ton nom !
PORT-AU-PRINCE, 3 Septembre – Si c’est l’ancienne élite qui était au pouvoir en ce moment, on aurait tôt fait de l’accuser de continuer à piller le pays comme elle l’a fait, comme on aime à dire, depuis l’assassinat de l’Empereur Dessalines le 17 octobre 1806.
Si c’était l’autre élite, celle issue de ce qu’on appelle la Révolution de 1946, le Noirisme, mais qui préfère l’épithète de La Classe, on l’aurait également clouée au pilori : ces bourgeois noirs ! Du pareil au même. ‘Menm man parèy man.’
Si c’était les descendants des immigrants venus de tous les coins du monde, du temps où c’est Haïti qui ouvrait tout grands les bras au monde entier, on aurait dénoncé disons les métèques. ‘Rentrez chez vous’, comme dit l’autre ! Pays Dessalines etc.
Enfin si nos dirigeants d’aujourd’hui étaient majoritairement rentrés de la Diaspora, on les aurait vite stigmatisés. ‘Machann peyi, va’ etc.
Or on n’entend rien de tout ça.
Alors que rien ne marche. Le pays est pour la première fois - depuis peut-être les premières années du régime Duvalier, quand Kennedy avait mis sous embargo la dictature naissante de Papa Doc - aussi totalement sur la dèche, mal en point.
Vive le PHTK, et passons la monnaie ...
Plus que sous la dictature officielle, nous voici sous la coupe d’une nouvelle dictature qu’on dirait pire encore, celle des gangs armés.
La seule chose qui marche : c’est la corruption.
Vive le PHTK, et passons la monnaie.
En dehors de la corruption, point de salut.
Les institutions avec pour mission de la combattre (on ne sait où ils trouvent encore ce courage), révèlent chaque jour des stratagèmes inouïs.
Beaucoup de critiques et même des plus virulentes sont portées contre le régime en place.
La seule que cependant on n’entend pas c’est l’accusation traditionnelle de bourgeois, aristocrate ‘gran dan’, ‘lelit ti lolit’ ni de ‘moun vini’, ni même de diaspora !
Après la Classe, la Masse ! ...
C’est donc que le régime actuel représente ce qu’on recherchait depuis longtemps.
Le pouvoir à la majorité.
Après la Classe, la Masse !
Qui ne se souvient de notre cri de guerre sous la dictature et jusqu’au lendemain du 7 février 1986 (chute de Duvalier) : oui ‘fòk pèp la pran pouwva a’, ou vive le ‘pouvoir populaire.’
Donc voilà, le peuple a pris le pouvoir puisque aucune des accusations qu’on portait contre nos dirigeants d’autrefois, n’est entendue aujourd’hui.
Malgré que la crise politique fait rage et qu’on ne fait pas de cadeau à l’équipe en place, mais nulle accusation de ‘vye boujwa’, ni ‘wòch nan dlo’, ni rien de ce genre.
Donc conclusion : c’est le peuple qui est au pouvoir ; mais c’est le peuple au pouvoir qui aura fait le plus de mal au même peuple.
Puisque c’est la première fois depuis plusieurs décennies que le pays se trouve dans un tel état de délabrement et qu’en même temps il soit aussi mal dirigé, pendant que les dirigeants ne pensent qu’à faire fortune, sans souci du sort des autres ... Ni de la majorité.
Peut-on dire alors, en conclusion, que c’est l’échec d’une expérience, celle du pouvoir à la majorité ?
Conclusion : peut-on critiquer la communauté internationale lorsqu’elle déclare appuyer le régime actuel parce que représentant à ses yeux la majorité. Or qui dit démocratie, dit le règne de la majorité. N’est-ce pas !
Quelles qu’en soient les circonstances. Même gagné dans un coup de poker.
Un produit des fameux ‘think tank’ ...
Bien entendu la réflexion ne s’arrête pas là. D’abord quelle est l’origine du régime actuel ? Ce n’est pas une révolution, comme l’espéraient ceux qui répétaient autrefois, il est vrai trop comme un perroquet : ‘fòk pèp la pran pouwva a’ ou tout le pouvoir au peuple.
Ni ce ne sont réellement les urnes.
Conclusion : le système actuel, dénoncé avec tant de vigueur (plus de vigueur que de rigueur, hélas) c’est pour commencer le produit de ... nos propres ‘magouilles’ ou du moins notre inexpérience, nos naïvetés qui se retournent encore contre nous.
Les secteurs qui se sont emparés du pouvoir après la chute de la dictature en 1986 qui ont tellement fait de bêtises, n’écoutant que leur petit orgueil, qu’ils ont fini par perdre le contrôle de la machine.
Et en 2011 ce fut le coup fatal.
On s’est fait prendre au mot. ‘Fòk pèp la pran pouvwa l’, mais un peuple inventé de toutes pièces, n’ayant rien à voir ni avec nos slogans de jadis, ni non plus avec le vrai peuple puisque celui-ci n’avait jamais souffert autant qu’aujourd’hui.
Bref le pouvoir actuel est une création artificielle, un simple produit des ‘think tank’ ou boites à penser (ou lobbyistes) de Washington DC.
O peuple, que de crimes l’on commet en ton nom ! ...
De cette façon le président Trump peut aujourd’hui considérer (ou faire semblant) qu’en gardant au pouvoir Jovenel Moïse, il agit au bénéfice du peuple haïtien. Et dès lors c’est nous-mêmes aujourd’hui, ceux qui combattent cette dérision, les ‘boujwa reyaksyonè’ etc.
Bien fait pour notre gueule !
Mais encore une fois la seule victime, c’est encore le peuple, le vrai.
Celui au nom duquel Duvalier envoyait ses ennemis crever à Fort Dimanche, puis au lendemain du renversement de Duvalier toujours celui au nom duquel on prêchait la révolution à tout casser. Comme disait l’autre : ô peuple, que de crimes l’on commet en ton nom !
Mais ceci étant dit on n’est toujours pas arrivé à trouver l’épithète exacte, le terme historique pour qualifier comme tous ceux qui l’ont précédé, le régime qui est actuellement en train de nous ‘toupizi’, puisque son nom ce n’est ni ‘reac’, ni
‘assassin de l’empereur’, ni même ‘grandon’, ni ‘groupe de Bourdon’, ni ‘dyòl roze’, mais ni non plus ‘chimè’.
Aors peut-être que c’est ce qu’on appelle ‘loray kale’.
Ou ‘vòlè mò’ qui n’agissent pas en plein jour mais la nuit donc non identifiables.
‘Zobop’.
En tout cas, une chose est certaine : il est temps pour finir de jouer avec le peuple. Comme lui-même a commencé peut-être à le comprendre.
N’avez-vous pas en effet l’impression que le même peuple est justement en train, à la faveur du régime actuel qui prétend être sorti de ses entrailles, en train d’échapper définitivement à tout contrôle.
Pour le meilleur ou pour le pire, soit.
L’heure a sonné du ‘Bat chen tann mèt li.’
Ou comme chante Martha Jean-Claude : ‘lè ma monte chwal mwen gen moun ka krye.’
Et ces derniers seront apparemment de tous les horizons.
Dieu protège Haïti !
‘Se manman pitit mare vant.’
Marcus-Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince