On est tous des kidnappés en sursis
PORT-AU-PRINCE, 13 Septembre – Il ressort d’un rapport de la Police judiciaire (DCPJ, Police nationale d’Haïti (25 juillet 2019), que des gangsters se déguisent en policiers pour commettre leurs forfaits.
Nous lisons : 14 mars 2019, lors de l’enlèvement de Jean Neel Michel, ‘alors qu’il revenait de son entreprise … sise à Gressier, à bord de son véhicule Daihatsu Terios, de couleur blanche, un véhicule de marque Nissan, type Pathfinder de couleur rouge, occupé par des hommes cagoulés dont certains vêtus d’un uniforme apparenté à celui de la BOID, a croisé sa route.
‘Les bandits ont pris le contrôle de sa voiture ainsi que son pistolet de calibre 40 et de marque Gluck’ …
Comment réagissez-vous quand au volant vous êtes arrêtés par des policiers ?
Vous vous arrêtez évidemment sans aucune crainte.
Or voilà que, comme il ressort du rapport de la police judiciaire (circulant en ce moment sur l’internet) il se peut que ce soit des gangsters qui se déguisent en policiers pour éviter vos soupçons.
C’est là quelque chose de très grave.
Et nous pensons que c’est aux autorités elles-mêmes d’y apporter sans tarder une solution.
Comme avoir, peut-être, un numéro de code (sorte de 911) que toute personne peut appeler automatiquement s’il a des doutes sur l’identité des policiers en question.
Première observation : ne sortez pas sans votre téléphone.
Oui c’est une affaire grave. On ne peut laisser la population aller à la boucherie vu les libertés qu’ont pris les gangs armés sur tout le pays.
Vu aussi les complicités dont ils bénéficient.
Le même rapport de la police judiciaire signale aussi des dispositions qui ont été prises par la police elle-même contre des renégats pouvant surgir dans ses rangs.
C’est le cas de l’’Inspecteur Principal Gabriel Faveur Désir, interpellé par l’Inspection Générale de la Police Nationale puis transféré à la DCPJ pour avoir eu des communications fréquentes avec le chef de gang Arnel Joseph. Lors de cette audition, l’inspecteur a confirmé que le nommé Arnel Joseph détient deux numéros de téléphone, les 3854-9524 et 4889-7612, à partir desquels ils avaient l’habitude de s’entretenir en tant que riverains et propriétaires dans la même zone.
‘Suite au traitement de ce dossier par le Bureau des Affaires Criminelles, l’Inspecteur de police, Gabriel Faveur Désir, a été déféré par devant les autorités judiciaires pour des fins de droit.’
Ce que le Sénat de la République n’a point le courage de faire concernant le cas du sénateur Garcia Delva, lui aussi un abonné au téléphone du chef de gang Arnel Joseph.
Ainsi que celui du sénateur du Nord, Onondieu Louis pris dans les filets d’une autre enquête de la DCPJ (police judiciaire) sur des réseaux de détournement de fonds publics au sein de la questure (service de comptabilité) du Sénat qu’il dirige.
Nos sénateurs considérant le siège qu’ils occupent comme un bien propre et non comme une responsabilité vis à vis de la communauté nationale.
Comment espérer que les mêmes acceptent d’aller à des élections qui soient réellement propres (libres et démocratiques), puisque ne voulant prendre le risque d’être éjecté de leur source d’enrichissement par tous les moyens légaux et illégaux.
Portable et moto ...
Le rapport de la police judiciaire nous invite aussi à réfléchir sur ce qui constitue les deux armes principales des gangs.
Eh bien contrairement à ce qu’on croit, ce ne sont pas les armes lourdes qu’ils trimballent mais plutôt : le téléphone portable et la moto.
Ces jeunes hommes (et aussi femmes) sont de véritables centrales téléphoniques à eux seuls, pour identifier la position de leur proie, pour leur transport d’un point à l’autre du pays quitte à travers plusieurs départements géographiques, la bande à Arnel en dehors de Port-au-Prince (Village de Dieu) disposant aussi de planques à Léogane (sud de la capitale) ainsi que dans l’Artibonite (quartier général de Poste Pierrot, Marchand Dessalines) pouvant servir éventuellement aussi de cimetière pour des kidnappés décédés entre leurs mains, tel le cas de Maken, vrai nom Milsaint Sigène, mort de blessure avant le paiement de la rançon de 60.000 dollars américains …
Et enfin le téléphone est l’arme indispensable pour négocier la rançon.
Pseudo et alias ...
A Léogane, la police a procédé à l’interpellation de Julner Auguste alias Ti Pyè, Elysée Lormau alias Abò et Jude Eloi déférés le 12 octobre 2018 au Parquet de Petit-Goave.
Car une autre originalité ce sont les pseudo et alias derrière lesquels se cache cette nouvelle armée, d’ailleurs Arnel lui-même se fait appeler ‘Général’.
Toute une armée et comment, dont les plus renommés ont pour noms : Noel Gélin alias Plenta Plenta, Tidou, DG, Bebeto, Macinio, Tiblan, Big, Bout, Zozo Dor, Ti Makak, Toniman, Tizo, Phararon, Dezero, Oscar, Ti chofè, Malkonprann et j’en passe.
Le Général Arnel ‘ki gen plizyè sòlda sou kont li tankou Selondye ki rele Okap tou, Piti, Koler, Mazora, Kenkenn, Tiwatson, Tiga, Sizyèm sans’ etc.
En tout cas très peu de femmes dans leurs rangs. Mais on connaît la femme d’Arnel, Michelove.
L’un des complices placés sous les verrous avoue : la voiture de Maken (Milsaint Sigène) décédé pendant son kidnapping, une Rav4 rouge est devenue la propriété de Mme Arnel, Michelove. Elle a été repeinte (‘redouko)’ et on est en train de changer ses papiers ainsi que la plaque d’immatriculation. Parce que le gang ne manque pas de relations. En dehors de certains élus du parlement, comme on sait, le rapport signale aussi l’existence d’un médecin de confiance pour s’occuper occasionnellement des ‘soldats’ blessés.
Espionnage mis en place autour des futurs kidnappés ...
En un mot, si le téléphone portable n’existait pas, le nombre de kidnappings aurait été réduit, très réduit.
De même que la moto bien sûr.
On apprend par la même occasion un nouveau terme très important c’est celui de ‘antenne.’
C’est-à-dire le système d’espionnage mis en place autour des futurs kidnappés. ‘Tidou te al plase kèk nèg nan Léogane pou fè antèn pou kontwole rantre ak sòti moun yo gen pou kidnape yo.’
Ou encore dit Rodrigue Jean passé aux aveux, ainsi que le nommé Noel Gélin alias Plenta Plenta : ‘Gen yon chofè taxi moto ki rele Ramson ki konn fè antèn tou.’
Voici donc le monde dans lequel aujourd’hui nous vivons en Haïti.
On est tous des kidnappés en sursis.
A travers ce rapport, il faut aussi reconnaître que la Police Nationale fait un travail colossal.
La PNH qui vient de changer de Directeur Général. Pourvu que ça dure. Mieux, s’améliore.
Touchons du bois. Car le terrorisme d’Etat, pardon la criminalité organisée, a le bras tellement long. Comme on voit.
Marcus-Haïti en Marche, 13 Septembre 2019