Un arrêté présidentiel fait grimper le thermomètre
PORT-AU-PRINCE, 30 Mai – Coup de théâtre. Publication dans le journal officiel d’un arrêté présidentiel dépouillant le Directeur général de la Police nationale de toutes les fonctions qu’il assume à ce jour.
Sur ce, et sans mot dire, le DG Michel-Ange Gédéon, tire sa révérence.
Cela avant même que l’opinion ait le temps de se rendre compte de ce qui se passe.
Selon l’Agence haïtienne de presse (AHP), cet arrêté présidentiel, en date du 28 mai 2018, ‘conditionne tout un ensemble de dispositions relevant de l’autorité du directeur général (désormais) à l’approbation du Conseil supérieur de la police nationale (CSPN), celui-ci présidé par le Premier ministre, deuxième personnalité de l’Exécutif.’
‘Ces dispositions concernent notamment les nominations ou transferts au niveau des directions centrales et départementales de la PNH, les réglementations générales, la formation, le renforcement des effectifs, la discipline, la carrière et la rémunération de ses membres.’
‘Parmi les premiers à réagir, l’ancien chef de la Police, Mario Andresol estime qu’il s’agit là d’une révocation en douceur de M. Gédéon.’
De fait, sans demander son reste, celui-ci publie sur sa page Facebook (information rapportée par rezonodwes.com) une note contenant ces mots : ‘Les gouvernements passent, votre police demeure.’
‘Notre police est nationale, mais nous ne pouvons nous cacher derrière notre souveraineté pour faire n’importe quoi.’
C’est tout dit.
Jovenel Moïse voudrait avoir son ‘propre chef’ de la Police ...
En effet, la rumeur court depuis de nombreux mois que l’actuelle administration du président Jovenel Moïse voudrait avoir son ‘propre chef’ de la Police nationale, afin d’avoir celle-ci beaucoup plus en main.
Entretemps, le pouvoir en place a mis en application la décision, mûrie par le régime arrivé au pouvoir en 2011-2016 ou PHTK, de ré-instituer de manière unilatérale les forces armées qui avaient été démobilisées en 1995 pour cause de violations massives des droits humains.
Cependant lesdites forces armées reconstituées, restent encore dans un état embryonnaire. Pendant que, dans la communauté aussi bien nationale qu’internationale, on continue à considérer la Police nationale d’Haïti comme le seul corps officiellement autorisé à porter des armes.
A tel point que la Police nationale est la seule qui reçoive l’assistance, en formation et autres, de la part des Etats-Unis ainsi que du Canada.
En dernier lieu, le renforcement du POLIFRONT, ou police des frontières, en collaboration avec le CESFRONT, qui est son homologue du côté de la République dominicaine voisine.
Accent sur la lutte contre la contrebande qui, selon une délégation sénatoriale américaine, fait perdre à Haïti pas moins de 400 millions de dollars américains annuellement en recettes non collectées.
Le gouvernement craindrait-il de graves troubles ...
On a donc l’impression que l’administration Moïse se sent bousculée par des initiatives sur lesquelles elle n’a pas suffisamment de prise.
D’autant plus que d’un côté l’insécurité est en hausse tandis que de l’autre, des troubles menacent en cas de mise en application d’une décision gouvernementale d’augmentation, au cours de ce mois de juin, des prix du carburant à la pompe, qui viendra se répercuter sur le coût de tous les autres produits de consommation de base, cela dans une conjoncture économique qui depuis longtemps n’avait été aussi accablante.
Le gouvernement craindrait donc de graves troubles, et serait peut-être en train de prendre ses précautions ? Cela en saisissant totalement les rênes du système de sécurité publique. Comme avant l’ère démocratique, nos gouvernements mettant les forces armées en ‘condition D’, c’est-à-dire prêtes à casser … du ‘civil.’
Mais en annulant l’autorité du Directeur Général de la Police comme le gouvernement le fait dans ce nouvel arrêté présidentiel, ce petit bout d’autonomie qui donnait jusqu’ici à la Police nationale, aux yeux de la nation, un semblant de crédibilité, voire d’indépendance même théorique, c’est peut-être le pouvoir qui met lui-même, ce que tout le monde redoute : le feu aux poudres.
(AHP) ‘Le sénateur des Nippes, Nénel Cassis, dit constater le coup d’état perpétré par le pouvoir exécutif contre le commandement réel de la PNH pour tenter de le remettre aux autorités politiques à travers le CSPN …’.
De son côté, ‘le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH), craignant une mainmise absolue de l’Exécutif sur l’institution policière, recommande au Parlement d’intervenir pour porter l’Exécutif à rappeler cet arrêté présidentiel.’
A parti unique, pouvoir totalitaire ! ...
Cependant faut-il rappeler que le Législatif aussi bien que l’Exécutif sont aux mains de la même organisation politique, le PHTK (ou parti Tèt Kale ).
L’arrêté présidentiel du 28 mai 2018 est donc d’abord une décision on ne peut plus politique vu les conséquences pouvant en découler.
Un même système ayant une domination quasi absolue à tous les niveaux du pouvoir : exécutif, législatif, judiciaire aussi par le jeu du gel des décisions quand celles-ci ne lui plaisent pas, possédant sa propre force militaire et de sa seule initiative et prenant aujourd’hui tout seul le commandement du seul corps répressif admis constitutionnellement, c’est-à-dire la Police nationale, en ne laissant aucune petite possibilité de dire ‘hey, minute !’
En attendant aussi de mettre en place son système (comme on le redoute !) d’élections-nomination via la composition en cours du Conseil électoral permanent …
Un tel régime s’appelle ailleurs : Dictature !
A parti unique, pouvoir totalitaire ! Encore plus inquiétant quand ce dernier semble n’avoir pas su maitriser (on dirait) toutes les données de l’équation.
Mélodie 103.3 FM, Port-au-Prince