Quand le géant chinois foule allègrement le pré carré américain

FURCY, 8 Juin – « Le peuple chinois n’oubliera jamais que Trinidad et Tobago a voté en 1971 en faveur du retour de la République Populaire de Chine aux Nations Unies. »
C’est le président de la Chine, Xi Jinping qui parle ainsi. C’est la première visite d’un chef d’Etat de la Chine dans un pays de la Caraïbe.
Le président Xi Jinping y a également rencontré les leaders des autres nations de la Caraïbe qui n’ont plus de relations diplomatiques avec Taiwan (ni avec le Tibet du Dalaï Lama) comme république indépendante.
A côté de Trinidad et Tobago ce sont Antigua et Barbuda, la Dominique, Grenade, les Bahamas, Guyana et la Jamaïque.
Par contre n’ont pas été invités Sainte Lucie, St. Kitts et Nevis, St. Vincent et les Grenadines.
Et, bien sûr, Haïti non plus.
Ces derniers pays maintiennent des liens diplomatiques avec Taïwan au niveau d’ambassadeur.

3 milliards de dollars dont Haïti n’aura pas un kopek ! …
Au cours de la rencontre de Port of Spain (Trinidad), le président Xi Jinping a offert des crédits, à taux avantageux, à 9 pays de la Caraïbe totalisant 3 milliards de dollars.
« Nous apprécions réellement cette générosité » s’est exclamée la Première ministre de Trinidad, Kamia Persad-Bissessar.
Ces prêts serviront à construire de nouveaux aéroports, des centrales hydro-électriques, à rénover les infrastructures touristiques et à améliorer les systèmes de transport maritime.
Le président chinois a également signé un mémorandum pour une coopération en matière d’exploration de ressources minières. Egalement pour le transfert de technologies en agriculture, sciences médicales et éducation.
Ensuite Xi Jinping a fait voile vers Costa Rica. Puis le Mexique. Avant de rencontrer le président américain Obama à Washington.

’Un nouvel âge d’or’ …
Dressant un bilan de sa visite dans le sous-continent, Jinping a déclaré que c’est une région ‘pleine de dynamisme et d’espoir, disposant de conditions sans pareil pour son développement’ …
A ses yeux, le signe d’‘’un nouvel âge d’or.’ Auquel la Chine n’entend pas rester en dehors. Dès 2016, dit le numéro un chinois, la Chine remplacera l’Union Européenne comme deuxième plus grand marché d’exportation pour l’Amérique latine … après les Etats-Unis.
Aussi, sans hésitation, la Chine investira plus de 500 milliards de dollars à l’étranger dans les prochaines cinq années.

400 millions de touristes …
Et pour finir, plus de 400 millions de Chinois voyageront dans le monde durant la même période.
D’où l’intérêt des crédits destinés à la rénovation des infrastructures touristiques, portuaires et aéroportuaires dans les Caraïbes.
Bien sûr vous devinez la question : pourquoi Haïti n’a-t-elle point été à la rencontre de Port of Spain avec le président de la République Populaire de Chine ?
Haïti qui voudrait nourrir aujourd’hui les mêmes ambitions que ses voisins caribéens.

L’amitié avec Taïwan …
Qu’est-ce qui empêche Haïti de bénéficier elle aussi des 3 milliards de dollars de crédits à la construction de nouveaux aéroports, de nouvelles centrales hydro-électriques, de rénovation des infrastructures touristiques ?
La réponse c’est ni plus ni moins parce que Haïti maintient des relations diplomatiques avec l’autre Chine, Taïwan.
Pour Pékin, il ne doit y avoir diplomatiquement qu’une seule Chine. Et plus le géant chinois prend du poids, plus il ne transige pas. Vous êtes avec moi ou contre moi !
La Chine est aujourd’hui la deuxième puissance économique du monde. Tout de suite après les Etats-Unis.
Il fut un temps où choisir entre Pékin et Taipei (la capitale de Taïwan, un protégé des Etats-Unis) c’était choisir entre le communisme et le capitalisme.
Mais après la Caraïbe et l’Amérique latine, le président Xi Jinping s’est rendu tout droit à la Maison Blanche. Où il a été également reçu les bras ouverts.

Une guerre des nerfs …
La querelle idéologique a vécu. Le monde entier ‘is open for business’.
Haïti fait partie des rares pays qui n’ont pas cédé à l’exigence de Pékin et qui gardent encore des relations diplomatiques avec Taïwan tandis que, en cela contrairement à la majorité des autres membres de la Caricom, c’est la Chine qui n’a qu’un simple bureau d’affaires à Port-au-Prince.
C’est donc une vraie guerre des nerfs entre la Chine et Haïti !
Nous pensons, quoi qu’il en soit, qu’il n’est pas facile de voir ses propres alliés (ceux de la Caricom et dont le président Michel Martelly assure jusqu’à ce mois de juin la présidence tournante) bénéficier de pareils avantages tandis que rien ne vous empêche aujourd’hui d’en faire autant si ce n’est, eh oui, simple fidélité !
Mais qu’en est-il de l’intérêt national ?

L’envers de la Doctrine de Monroe …
La semaine précédente Michel Martelly présidait dans cette même capitale de Trinidad et Tobago un sommet de la Communauté Caraïbe. Avec la participation (peut-être pas tout à fait fortuite) du vice-président américain Joe Biden.
Il n’y en a pas beaucoup d’aussi fidèles que Haïti, on dirait.
Pourtant tout change autour de nous. La Maison Blanche aujourd’hui ne considère pas comme un affront qu’un concurrent vienne fouler son traditionnel pré carré sud-américain avant de venir le visiter lui aussi le plus simplement du monde.
C’est l’envers de la Doctrine de Monroe (1823) : l’Amérique aux Américains !
Tandis que c’est vers l’Europe que les Etats-Unis veulent ouvrir les bras. Référence : dernier discours sur l’Etat de l’Union de Barak Obama. Un nouveau marché commun à l’échelle de tout l’Occident dit chrétien.
Face aux nouvelles puissances économiques émergentes.
Haïti, seule, qui ne change jamais !

Haïti en Marche, 8 Juin 2013