Matthew a frappé d'estoc et de taille
NIPPES, 27 Octobre – L'ouragan de catégorie 4 (avec des vents soufflant à plus de 250 km/heure) a tourné pendant environ 12 heures au-dessus d'Haïti. Les dégâts sont d'autant plus graves et innombrables. Et s'étendent sur pas moins de 5 départements géographiques, dont les plus frappés sont le Sud, la Grande Anse, les Nippes et le Nord Ouest.
Matthew se caractérise par la violence de ses vents ainsi que par des inondations monstre. On peut dresser une cartographie des dégâts de l'ouragan. Ici c'est le vent qui a fait le plus de dommages, là les inondations.
Un exemple est la plaine des Nippes. Plus près d'Anse à Veau ce sont des jardins totalement aplatis, du cocotier le plus grand au faible bananier, avec au milieu de ce désastre, comme un cheveu sur la soupe, des toitures encore en entier mais déposées au sol par quelque géant ayant les mains trop remplies, loin de la maison à laquelle elles appartiennent.
Du jamais vu ...
Tandis qu'à Petite Rivière de Nippes ce sont les inondations qui ont sévi. La commune ne compte pas moins de 5 rivières, et qui ne sont point petites en l'occurence. Gonflées par les tonnes d'eau que l'ouragan a fait dévaler des montagnes, les flots tumultueux ont arraché des pans de la nouvelle route du département des Nippes, ainsi que des constructions, des maisons apparemment solides, de leurs fondations pour les entrainer à la mer. Un massacre. Des véhicules ont été également emportés dans le tas.
Les rivières sont sorties de leur lit. Et plus de deux semaines plus tard elles campent encore au centre ville de Petite Rivière de Nippes. Interdisant presque toute activité.
Un phénomène encore jamais vu dans cette région. Aussi y porter remède sera d'autant plus compliqué si on n'en remonte pas à la source. En amont.
Les Cayens semblent avoir mieux appris ...
Définitivement c'est la ville des Cayes, chef lieu du département du Sud, qui semble le mieux s'en sortir malgré que l'œil de l'ouragan se soit trouvé juste au-dessus.
Cependant les Cayens semblent avoir appris des ouragans précédents et la majorité des maisons de la ville sont construites en dur.
Donc moins de toitures emportées. A l'exception de constructions plus d'époque comme la cathédrale des Cayes dont le toit est pratiquement à ciel ouvert.
L'église de Cavaillon quant à elle n'a pu garder une seule feuille de tôle.
Ce sont des éléments du patrimoine national donc méritant une attention spéciale.
Table rase et terre brûlée ...
De Cavaillon à la ville des Cayes cela ne fait pas plus d'une demi heure mais suffisamment pour réunir tous les ingrédients qui font de Matthew la pire malédiction qui soit. En effet on a là réunis ce mélange de table rase et de terre brûlée laissé par les vents, avec de plus des rivières sorties de leur lit pour inonder jardins et plantations, rizières et bananeraies, mais ici aussi la mer a traversé la route nationale et c'est la salinisation des terres qui va prévenir toute culture tant que des travaux de drainage importants n'auront été accomplis. Travaux bien entendu hors de portée pour nos cultivateurs.
Plus de solutions bout de ficelle ...
L'ouragan n'en a pas moins attaqué aussi les infrastructures. C'est comme on sait le pont sur la rivière La digue, à Petit Goave, mais aussi dans les Nippes celui sur la Grande Rivière, de construction récente, par une compagnie chinoise (Pékin), ouvrage d'art, mais déjà menacé. La rivière s'est considérablement élargie, plus que n'imaginaient les constructeurs.
Ne parlons pas des écoles. Affectées presque partout.
La nouvelle route de Jérémie menace en beaucoup d'endroits d'être coupée par les éboulements du haut de la montagne. C'est une belle réalisation mais de toute évidence inachevée. Un luxe qu'on ne peut plus se permettre quand le pays est aussi menacé qu'on dit par les catastrophes naturelles successives.
Ainsi c'est peut-être la première fois de l'Histoire qu'il est impossible d'atteindre la commune des Baradères, que ce soit du côté des Nippes que par la route Cavaillon – Hôpital Bonne Fin.
Justement la leçon de Matthew c'est qu'on ne peut plus se contenter de solutions bout de ficelle comme les dirigeants haïtiens se préparent probablement à faire. Faute de grands moyens.
La plus exposée aux manifestations du dérèglement climatique ...
Les nombreuses rivières de Petite Rivière de Nippes doivent être mises sous contrôle depuis le haut de la montagne.
Comme partout ailleurs où le même danger empire.
Les routes nationales et les ponts doivent être achevés ici, réévalués là.
L'électricité et un réseau de distribution d'eau potable garantis.
L'habitat totalement revu et corrigé.
Or tout doucement l'Etat s'est dessaisi de ses obligations, laissant le pauvre citoyen devant seul affronter les 7 plaies d'Egypte.
C'est peu dire puisque selon les savants, Haïti se trouve parmi les plus exposées aux manifestations du dérèglement climatique.
Que nous faut-il de plus ?
Haïti en Marche, 27 Octobre 2016