Le point sur la situation

MIAMI, 23 Juillet – Les gangs c’est comme le proverbe : vous les chassez par la porte ils reviennent par la fenêtre.
Alors que les forces d’intervention kenyanes et la police nationale d’Haïti prennent petit à petit le contrôle de la rue à Port-au-Prince, la capitale, le nombre de kidnappings remonte en flèche à nouveau.

Les gangs sont toujours aussi forts dit-on dans la population.
Alors que c’est au contraire un signe qu’ils reculent, le kidnapping étant un acte isolé qui leur permet de ne pas faire face aux forces de sécurité.

Désormais aussi la vraie question devrait être : comment empêcher les armes illégales de continuer à affluer dans le pays.

C’est à la fois une affaire nationale et internationale, qui interpelle les forces de sécurité du pays mais aussi les relations d’Haïti avec l’étranger. Et en tête les Etats-Unis.

Si on ne met pas fin à l’afflux illégal d’armes qui débarquent constamment en Haïti, tout cet effort accompli actuellement (mission multinationale de soutien à la sécurité ou MMSS compris) c’est comme dit le créole ‘lave men siye atè’ ou beaucoup d’effort pour rien.

Les enquêtes, y compris de l’Organisation des Nations Unies, montrent comment les armes débarquent dans notre pays, et par où ils passent.

Bien entendu en tête les ports de Floride, l’un des Etats où la vente illégale d’armes est aujourd’hui la plus florissante.

Sans aucune considération pour les dégâts commis dans les pays de la région, les Etats des Caraïbes en premier lieu.

Un chef de gang haïtien nommé Yonyon a bien été récemment condamné par la justice fédérale pour cela … ainsi que quelques acolytes.

Mais après, comme dit notre Pyram : ‘Epi, epi anyen.’

Justement l’Ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU, Mme Linda Thomas Greenfield, se trouvait en Haïti ce lundi pour rencontrer les autorités du pays (Conseil présidentiel de transition et Premier ministre) mais dans le compte rendu de leurs conversations on ne relève rien concernant le flux illégal d’armes qui continue à se déverser en Haïti et qui constitue le nœud du problème.

Puisque les Kenyans et la police nationale (avec le support des Forces armées d’Haïti) peuvent marquer des points comme on voit dans la rue et dans la récupération des entreprise publiques qui avaient été occupées par les gangs, telles les installations portuaires nationales …

C’est un grand pas mais cela n’efface pas les gangs et les pires exactions, la remontée des kidnappings mais aussi le nombre d’assassinats surtout en faubourg : Gressier, l’Artibonite etc.

Parce que tant que les armes continueront à débarquer, c’est chaque jour recommencer à zéro.

Est-ce que Haïti toute seule peut apporter la solution ?

Probablement pas.

Nous n’avons pas une Marine qui entourerait totalement le pays – comme du temps du roi Christophe quand la marine haïtienne coulait tous les bateaux négriers qui rodaient encore dans les parages après avoir libéré leur cargaison, eh oui.

Ce sont les Etats-Unis qui disposent aujourd’hui de ces possibilités-là.

Est-ce qu’ils sont prêts à les mettre au service de tout le continent américain ?

Probablement non puisque ces armes sortent des usines américaines.

Outre qu’il n’existe pas d’entente entre nos pays eux-mêmes alors qu’ils en sont tous menacés tôt ou tard.

Lorsqu’un président colombien Gustavo Petro dénonce que des armements sont détournés des casernes de son pays pour atterrir en Haïti ou ailleurs dans la région, mais son homologue dominicain s’en prend au contraire à Haïti qu’il dénonce d’être une menace pour son pays. C’est d’ailleurs l’un des thèmes qui ont contribué à sa récente réélection.

Mais ce n’est pas fini. Ce n’est pas qu’Haïti ne peut rien faire de plus. Car le problème n’est pas seulement une affaire de sécurité des rues. Au-delà de la lutte menée actuellement par les forces kenyanes et bientôt doublées d’unités de la Caraïbe, aux côtés de la Police nationale d’Haïti, il n’en reste pas moins que la question principale n’a toujours pas été adressés.

C’est la Justice.

Où est l’institution judiciaire.

Car c’est la Justice qui peut et qui doit toucher les vrais responsables de cet enfer : les importateurs d’armes locaux mais plus encore : ceux qui profitent de ce commerce infernal, du haut de leurs capitaux qu’ils ne pensent qu’à faire fructifier coûte que coûte, allant jusqu’à héberger les millions de dollars en cash accumulés par les chefs de gangs dans le commerce des armes et aussi plus monstrueusement, du kidnapping …
Sans oublier bien sûr les complices dissimulés au sein du pouvoir et de l’administration, voire à l’intérieur même des forces de sécurité. Et jusqu’à ce jour.
Est-ce que le moment n’est pas arrivé où nous avons besoin non seulement d’une aide en forces de sécurité mais encore plus en matière de Justice ?
Une remise à jour de l’institution judiciaire qui ne l’a peut-être jamais été de mémoire de contemporain.
Ou alors comme dit le créole : ‘se lave men siye atè.’

Beaucoup d’effort pour rien.

Mais une dernière question que nous n’osons cependant pas encore poser : est-ce que la Démocratie est vraiment compatible avec la situation que nous vivons en ce moment ?

En un mot, est-ce que notre premier objectif ce devrait être réellement les Elections ?

Coûte que coûte !

N’y a-t-il pas plus important … et plus urgent ?

Oui mais !

Car c’est encore le créole qui nous apprend : ‘koze twò fò pou bouch.’

Car ici intervient la question de souveraineté.

En un mot un peuple qui ne peut pas décider lui-même de ses affaires. Ou encore qui ne semble plus pouvoir avoir dans ses rangs … des Henry Christophe !

Marcus Garcia, Haïti en Marche, 23 Juillet 2024